CONSERVATION & DEVELOPPEMENT DURABLE
au MOZAMBIQUE



Le site du Patrimoine Mondial

Le site du PM de l’île de Mozambique s’étend sur moins de 100 hectares (rapport p. 20). Il correspond à une petite partie du district de Ihla de Moçambique (24500 ha). La population du site est passée, en 25 ans, de 8000 à 18000 habitants. Il s’agit d’une population pauvre, souvent réfugiée, sans tradition d’entretien de ce type de logement. Les conditions sanitaires déplorables (absence de drainage, absence de W.C.), associées au manque de ressources sont à l’origine d’une inacceptable situation de bidonvillisation d’une partie importante du site.
Il n’y a pas de responsable in situ de la gestion du site, effectuée directement depuis la DNPC de Maputo (2000 km). Les structures de gestion récemment élaborées ne sont pas encore fonctionnelles. L’île a été l’objet d’un grand nombre de projets de conservation et de développement qui n’ont pas toujours eu le résultat positif escompté. Les actions de développement, centrées exclusivement sur le site, ont eu un effet attractif, accroissant les problèmes humains. Les édifices restaurés, en l’ignorance des technologies adéquates pour des bâtiments anciens, sont souvent déjà dégradés ou ont perdu partie de leur authenticité. Le bilan général que l’on peut dresser de toutes ces actions de coopération (plus de 110 en 10 ans) fait apparaître, malgré l’investissement de plusieurs millions de dollars, une évidente et nuisible absence de coordination entre les différents acteurs et les actions réalisées, en raison d’un manque de contrôle et de suivi sur le moyen et le long terme de l’investissement réalisé. Point très positif, une Convention de jumelage vient d’être signée entre le district d’Ihla de Moçambique et la Municipalité de Bergen (Norvège) afin d’organiser la gestion du site.

L’atelier du 2 avril 2003 pour un plan de gestion de l’île de Mozambique

Un premier atelier a été organisé sur le plan de gestion du site, auquel participaient plus de 60 partenaires de l’île (rapport p. 29). Cet atelier a permis de mieux connaître les sentiments et les souhaits de la population, dans le cadre de la conservation de cet important patrimoine. A l’issue de cet atelier, le constat fut fait de l’importance que la population attache à l’ensemble de son patrimoine culturel (immobilier, mobilier, tangible, intangible, terrestre et sous-marin, naturel, etc.). Elle n’entend pas le voir dispersé dans des actions de vente fussent-elles légales, mais souhaite le voir utilisé de façon usufruitière, en étant associée aux actions de conservation, de valorisation et de développement qui doivent être mises en place. La population souhaite disposer de conditions de vie décentes sur le plan de l’hygiène, de la santé, de l’éducation. Elle souhaite être associée à l’élaboration d’un plan de conservation et de développement durable du site. A l’issue de l’atelier, un projet de structure fonctionnelle de gestion du site a été accepté. Le principe de réunions régulières de cet atelier a été exprimé ainsi que le souhait d’un soutien du Fond du Patrimoine Mondial pour assurer le financement des études d’élaboration de la Stratégie de Conservation et de Développement Durables de Ihla de Moçambique (SCDDIM).

Diagnostic de la situation de conservation du site du Patrimoine Mondial

La situation du patrimoine bâti de l’île est extrêmement préoccupante, en raison des dégâts du temps et des hommes, en raison de restaurations inadéquates, en raison d’une surpopulation de l’île et de conditions hygiéniques inacceptables. La situation du patrimoine culturel sous-marin, menacé par une exploitation sauvage, pose également problème et inquiète aussi bien la population que la Direction Nationale de la Culture.
Dans la ville de pierre environ 25 % des bâtiments ont fait l’objet de travaux d’entretien ou de restauration (sans préjuger de la qualité des résultats). Environ le quart est dans un état permettant une restauration respectant l’authenticité des édifices (rapport p. 35). Près de la moitié du bâti est extrêmement dégradée ou en ruine et ne pourra plus qu’être reconstruit pour retrouver l’aspect extérieur antérieur du site. Dans la ville de paille, le nombre de constructions a fortement augmenté au cours des dernières années. Les conditions d’hygiène sont inacceptables en milieu urbain. Il en résulte des conditions sanitaires dangereuses (risques d’épidémie) aggravées par le manque de travail dans la région.
En raison de l’extrême pauvreté de la population (rapport p. 37) et de sa présence massive (60.000 hab/km2) au sein du site, les actions de conservation ne peuvent être dissociées de celles de développement. En raison de la situation géographique particulière du district, il n’est pas possible d’agir durablement uniquement sur l’île, en laissant de côté la partie continentale du district. En bref, il est urgent de mettre en place une stratégie sur le moyen terme (15 ans) combinant les actions de conservation (restauration, surveillance, suivi) du site et les actions de développement (économique, social, touristique, etc.) en direction de la population.

Proposition d’une Stratégie de Conservation et de Développement Durables de l’Ile de Mozambique.

Il est urgent que des actions, intégrant conservation et développement, soient décidées dans un cadre concerté et participatif, de façon que chacun se sente impliqué dans sa mise en œuvre. Plutôt qu’un plan de gestion, le concept de Stratégie de Conservation et de Développement a été retenu. Sa préparation est subordonnée au financement par le FPM d’un projet d’assistance technique d’un montant total de 90.000 US $ (3 x 30.000 $) et d’une durée d’un an.
Dans ce contexte, la solution raisonnable passe donc par l’intégration des actions de conservation et de développement durables, afin de redonner toute sa valeur à ce patrimoine, important pour les habitants et pour toute l’Humanité, tout en apportant des éléments de développement pour que cette population puisse durablement vivre dans les conditions de dignité, de confort, de décence et de sécurité à laquelle chacun peut prétendre.
Le principe de la stratégie est de conserver l’ensemble du bâti et des structures urbaines de l’île, en l’état où elles étaient au moment de l’indépendance. Les bâtiments les plus importants et les moins abimés seront restarés dans le respect de leur authenticité. Les bâtiments de moindre importance et trop abimés pour être restaurés seront reconstruits à l’identique afin de conserver au site son homogénéité visuelle. Ces actions concernent environ 300 maisons de la ville de pierre sur 400. Dans la ville de paille, 500 maisons devront être réhabilitées, en évitant les zones inondables (espaces verts). Tout le système d’assainissement de l’île est à repenser et à mettre en place. Il en est de même de la voirie et des quais et jetées qui ont besoin d’être reconstruits. La Forteresse S. Sebastiao devra être revue dans le cadre du plan de développement. Son état est loin d’être préoccupant.
La conservation et les actions de rénovation supposent de disposer à la fois de bases de données informative sur chaque édifice et d’un personnel formé à la gestion d’un site du PM et à la restauration d’édifices historiques. Ces deux actions sont urgentes.et le Fond du Patrimoine Mondial peut y contribuer.
Les actions de rénovation s’étendront sur environ 10 ans (30 maisons de pierre et 50 maisons de chaume par an) constituant un chantier de plus de 1000 exécutants et un premier gisement de développement. Les besoins en matériaux de ce chantier seront très importants (poutres, solives, linteaux, chaux, argile, etc.) et leur production devra être organisée et programmée (foresterie, scierie, four à chaux, etc.). Par ailleurs, le développement de la population suppose de respecter les capacités de charge du milieu humain et naturel. Il faudra revenir à une densité supportable de l’habitat (réduire le nombre d’habitants de la ville de paille, améliorer les conditions d’hébergement précaires dans la ville de pierre). Il faudra tenir compte des capacités d’auto-épuration du milieu (épuration des eaux marines, égouts, déchets organiques, bactériologie) et organiser la gestion des rejets de toute nature (déchets dégradables, recyclables, collecte sélective, recyclage, élimination). La productivité des ressources halieutiques (pêche, poissons, coquillages, aquaculture, conservation, commercialisation, modes de pêche), principale ressource traditionnelle du site, devra être maintenue.
Le développement reposera sur trois pôles principaux : l’activité halieutique, les chantiers de restauration et de construction et le développement d’activités touristiques (culturelles, balnéaires, loisirs, etc.). Un programme en trois phases semble raisonnable, selon le scénario suivant :

Phase 1 :

Début des activités de restauration sur l’île, création d’une cité nouvelle sur le continent, mise en place des aménagements touristiques sur l’île et le continent. Activité importante de formation (entreprises de restauration, personnel touristique, etc.). Démarrage de la fréquentation touristique : objectif, passer de 2000 touristes/an à 30.000 t/an. Financement majoritairement par le Fond de C&D;, alimenté par des donneurs internationaux. Durée 5 ans (2005-2009).

Phase 2 :

Suite et fin des activités de restauration sur l’île, amélioration de la cité nouvelle sur le continent, amélioration des aménagements touristiques sur l’île et le continent. Accroissement de la fréquentation touristique : objectif = passer de 30.000 à 50.000 t/an. Financement majoritairement par Fond alimenté moitié par des donneurs internationaux + moitié par le flux local de taxes et bénéfices. Durée 5 ans (2010-2014).

Phase 3 :

Activités d’entretien et de maintenance du bâti sur l’île, amélioration des aménagements touristiques sur l’île et le continent. Stabilisation de la fréquentation touristique : objectif = passer de 50.000 à 60.000 t/an. Financement essentiellement par le flux local de taxes et bénéfices. Durée 5 ans (2015-2019).
La mise au point de cette stratégie SCDDIM sera réalisée de juillet 2003 à Juillet 2004 (rapport p. 45), de façon participative, coordonnée par un comité national ad hoc. La préparation se fera en 3 phases (durée 4 mois, coût : 30.000 $ par phase), à l’issue desquelles un montage financier sera élaboré (septembre 2004) avec le concours de coopérations bilatérales, de fonds internationaux, d’apports de sociétés, etc. La SCDDIM pourra être définitivement adoptée par le Gouvernement du Mozambique en Décembre 2004 et commencer dès le début de 2005.