2.4. DIVERSITé BIOCéNOTIQUE OU éCOSYSTéMIQUE

L'analyse des communautés biologiques ou biocénoses se fait à travers la quantification de plusieurs paramètres caractéristiques qui sont : abondance, fréquence, constance, dominance, fidélité, structure, périodicité et diversité.

La diversité est la richesse d'une biocénose en espèces. Elle peut être appréciée par l'indice de Fisher, Corbet & Williams (1943) :

S = [[alpha]] log (1+ N/[[alpha]])

où S est le nombre d'espèces, N le nombre d'individus et [[alpha]] l'indice de diversité ; log est le logarithme népérien.

L'indice de diversité permet de comparer la richesse de deux biocénoses, en particulier lorsque le nombre d'individus récoltés dans chacune d'entre elles est très différent.

L'indice de diversité est la traduction chiffrée du principe biocénotique ndeg.1 de Thienemann : lorsque les conditions de milieu sont favorables on trouve de nombreuses espèces et chacune d'elles est représentée par un petit nombre d'individus. L'indice de diversité est alors élevé. Lorsque les conditions de milieu sont défavorables, on ne rencontre qu'un petit nombre d'espèces mais chacune d'elles est en général représentée par de nombreux individus. L'indice de diversité est alors faible.

Le nombre d'espèces présentes dans une aire déterminée varie beaucoup en fonction de la situation géographique. L'accroissement du nombre d'espèces est particulièrement net lorsque l'on se déplace des régions polaires vers l'équateur. Par exemple, la forêt tropicale qui ne couvre que 7 % de la surface terrestre abrite plus de la moitié des espèces végétales et animales du globe, dont 80 % des insectes et 90% des primates (Le Courrier de l'Unesco, 1/1989 : 15). La disparité de la répartition de la biodiversité dans la biosphère peut être illustrée par la comparaison suivante : le Danemark ne possède que la moitié du nombre d'espèces animales et végétales présentent sur un seul hectare de forêt malaise (Lévêque & Glachant, 1992). La forêt pluviale péruvienne héberge, selon T. Erwin, 12.000 espèces de coléoptères sur un hectare.

Dans la forêt tropicale, on peut rencontrer une centaine d'espèces d'oiseaux sur un hectare alors que dans une forêt tempérée il n'y en a qu'une dizaine sur la même surface. Dans les deux cas, le nombre des individus n'est pas très différent (Dajoz : 263). Simpson (1964) a montré que la diversité des mammifères d'Amérique du Nord croît selon deux facteurs : la latitude (du nord au sud) et l'altitude.

Cinq groupes de facteurs conditionnent plus particulièrement la diversité au niveau des biocénoses : facteurs historiques, climatiques, hétérogénéité spatiale, compétition-prédation, productivité.

- facteurs historiques : les biocénoses se diversifient avec le temps. Les plus anciennes sont plus riches que les plus jeunes. La diversité est faible dans les écosystèmes les plus simples et les moins stables : toundra, agrocénoses. Elle est plus importante dans les écosystèmes stables et évolués, ayant atteint leur maturité (stade climacique) comme les régions tropicales. La faune des régions tempérées, appauvries par les glaciations est une faune relativement jeune.

- facteurs climatiques : les régions à climat stable (sans gelées, où l'amplitude thermique quotidienne est supérieure à l'amplitude thermique annuelle, avec des pluies régulières) favorisent l'apparition de spécialisations et d'adaptations plus poussées que les régions à climat variable, en raison de la constance de leurs ressources alimentaires. Les animaux de ces régions se caractériseraient par des comportements alimentaires stéréotypés, leurs besoins étant plus facilement satisfaits. Les niches écologiques disponibles sont de ce fait plus petites et le nombre d'espèces pouvant cohabiter est plus grand. Il peut y avoir de plus chevauchement partiel des niches écologiques. Le phénomène de compétition que l'on abordera plus bas agit aussi dans le sens de la réduction de la dimension des niches.

- facteur hétérogénéité spatiale : plus le milieu est complexe, plus les biocénoses sont diversifiées. Le facteur topographique joue un rôle important dans la diversification du milieu et la formation d'espèces (Mayr, 1963). Cependant, les régions tropicales ne sont pas plus variées en matière de topographie que les régions extra-tropicales. En milieu tropical, c'est souvent la richesse de la flore qui détermine l'hétérogénéité spatiale.

Le nombre d'espèces est fonction de la température moyenne qui règle la durée de la saison de végétation. Plus la saison de végétation est longue, plus la productivité primaire est abondante et stable.

Une grande variété de types de formes végétales (permise par le climat) augmente l'hétérogénéité du milieu (hétérogénéité tridimensionnelle, en raison de l'importance des différentes strates végétales).

Le besoin quotidien en aliments est plus faible quand la température externe augmente. De ce fait, le régime alimentaire peut se spécialiser davantage.

Tous ces éléments contribuent à augmenter le nombre de niches écologiques disponibles et donc le nombre d'espèces. Mac Arthur (1964) a montré que le nombre d'espèces d'oiseaux dans une forêt est une fonction linéaire de la quantité de végétation (surface foliaire). Le nombre d'espèces est cependant plus élevé en forêt tropicale qu'en forêt tempérée. La forêt tropicale offre une diversité de milieux (épiphytes, canopée, ramures, troncs, ...) que n'offre pas la forêt tempérée.

- facteurs compétition-prédation : La compétition s'exerce surtout entre espèces ayant des niches écologiques voisines ou identiques. Elle peut être diminuée par le décalage des périodes de reproduction. Cela est possible dans les régions inter-tropicales où la constance du climat permet à la reproduction de s'exercer toute l'année : la compétition est en effet plus importante pour l'alimentation et pour les abris au moment de la reproduction.

La sélection naturelle s'exprime de façon particulière dans la région intertropicale car des facteurs indépendants de la densité (froid, sécheresse) s'y manifestent rarement. Selon Paine (1966) les prédateurs et les parasites seraient plus nombreux dans les régions tropicales, ce qui diversifierait les biocénoses et maintiendrait les populations à un niveau faible où la compétition est limitée. La faible intensité de la compétition permet l'apparition et la coexistence de nouveaux types de proies qui peuvent supporter de nouveaux types de prédateurs. Paine comparait trois réseaux trophiques de la zone intertidale de l'Océan Pacifique : la Basse-Californie (45 espèces), le Pacifique Nord (11) et le Costa-Rica (8 espèces). La basse Californie est la zone la plus riche car le réseau trophique est terminé par deux super-prédateurs : l'étoile de mer et un gastéropode carnivore (consommé par l'étoile). Dans les deux autres milieux (au nord comme au sud), l'absence d'étoiles de mer se traduit par une diminution du nombre d'espèces.

- facteurs productivité : La diversité serait d'autant plus grande que la productivité est plus élevée (Connell & Aurias, 1964). Dans un milieu stable, les pertes d'énergie sont faibles et une plus grande quantité d'énergie se retrouve sous la forme de matière vivante. Cet accroissement permet aux espèces de former des populations plus importantes avec un plus grand pouvoir de variabilité. En outre, l'abondance de la nourriture permet aux espèces de se fragmenter en petites populations plus ou moins isolées qui peuvent accéder au niveau spécifique.