2.3. DIVERSITé PHéNOTYPIQUE OU SPéCIFIQUE

 
La notion d'espèce
Historique de la notion d'espèce
Exemple d'espèce : l'aselle
Critères et définition
Morphologie
Mixiologie
Chromosomes
Biochimie
Ethologie
Ecologie et biogéographie
Variations spatio-temporelles
Variations spontanées
Variations dans l'espace
Variations dans le temps


La diversité du vivant ne se limite pas à la production d'organismes présentant des génotypes différents (cette diversité génotypique est celle que l'on pourrait conserver dans une banque de gènes, ou celle qui se transmet d'une génération à l'autre). En fait la diversité que l'on observe et que l'on prend en compte est celle qui résulte de l'interaction entre les instructions de développement incluses dans le code génétique (et qui correspondent à des potentialités d'expression) avec les conditions de développement du sujet. La diversité phénotypique est le résultat de l'interaction du génotype avec l'environnement dans toute sa globalité et dans toute sa complexité : environnement écologique mais aussi environnement social, à partir desquels le sujet effectuera sa maturation et acquerra son expérience, à travers une épigenèse interactionnelle. Le développement du phénotype (qu'il soit morphologique, comportemental ou social) requiert de ce fait, non seulement une approche écologique, mais aussi une approche écoéthologique et socioécologique.

La notion d'espèce :

Repose sur la nécessité de classer, de regrouper les semblables dans des catégories de plus en plus vastes. Le mécanisme constitue la taxonomie. Il s'agit de définir de TAXONS et de les organiser selon une classification hiérarchique ascendante : définir les catégories naturelles d'organismes. Le principe directeur n'est pas seulement celui d'une proximité structurelle (analogies) ou morphologique (homologies) mais celui d'une relation évolutive, d'une "filiation" entre les organismes vivants.

Le niveau de base sur lequel repose tout le système est le niveau de l'espèce. Retour

Historique de la notion d'espèce

Dela tradition orale à la description graphique, puis écrite.

Aristote (-384/-322) : système de classification complexe en Enaima (Vertébrés, sang rouge)et Anaima (Invertébrés, pas de sang rouge) ; 495 espèces animales, 60 mammifères, 160 oiseaux.

Cratevas (-132/-63), médecin de Mithidrate : utilise dessin et figures

Pline l'Ancien (Caius Plinius secundus) (23/79) : 494 espèces animales, 98 mammifères, 120 oiseaux

Dioscoride d'Anazarbe : 600 espèces de plantes (De Materia Medica)

Cosmas Indicopleute (circa 540) décrit les mammifères d'Orient (Afrique, Inde) : Rhinocéros, phocochère, girafe.

Thomas de Cantimpre (1228/1274); Albert Le Grand (Suma de creaturis) : classifications

Aldrovandi (1522-1605) : Encyclopédie, 10 vol. classant les Invertébrés en "Mous", "Crustacés", "Testacés", "Insectes", "Zoophytes".

Le Microscope (1615) introduit à la découverte des petites espèces : Micrographia de Robert Hooke (1635/1703).

Apparition au 17è Siècle des premiers systèmes de classification

John Ray (1686) : Historia plantarum generalis, 18699 espèces végétales, Espèces= groupe d'individus ayant des ancêtres communs.

Tournefort (Joseph Pitton de, 1694) : "ELÉMENTS DE BOTANIQUE", notion de genre

Linnaeus (Carl, 1707-1778) : Systema Naturae, 1758, Système du binomen (classification binomiale) avec genre (substantif) et espèce (adjectif). ex : Canis (C. familiaris, C. lupus,...)

Cuvier Georges (1769/1832) : "Le règne animal" (1817), espèce = ensemble des individus nés les uns des autres ou de parents communs, qui leur ressemblent autant qu'ils se ressemblent entre eux".

Description minutieuse permettant la reconnaissance de l'espèce, dépôt de spécimens types (Holotypes) dans organismes spécialisés (Musées).

De la conception typologique de l'espèce à la notion biologique Retour

Exemple d'espèce : l'aselle

La notion d'espèce est intuitive dans le cas de taxons présentant peu de variations (diversité) morphologique. Elle est plus délicate dans les cas comme les CHATS ou les Chiens. Le cas de l'Aselle est llustratif de cela.

Aselle = cloporte d'eau : Emb. Arthropodes, Ss-emb; Antennates, SupClas Crustacés, Classe Malacostarcés, SsCl Péracarides, O. Isopodes, Fam. Asellidés.

Considérons 3 de ces organismes, différent peu par couleur, taches. Linné ne reconnaissait qu'une espèce : Asellus aquaticus. Or, on sait que ces 3 formes exploitent des milieux différents : "a" puits, sources, ruisseaux du Midi ; "b" mares et ruisseaux de l'Ouest, "c" dans le Nord-Est, canaux, mares. "b" et "c" peuvent cohabiter localement sans se mélanger. "a", "b", "c" sont 3 espèces différentes : "a"=Proasellus coxalis (Dollfuss, 1892) ; "b"=Proasellus meridianus (Racovitza, 1919), "c"=Asellus aquaticus (Linnaeus, 1758).

En fait l'étude comparatice des formes d'Aselles et leur distribution (biogéographie) permet de reconstituer l'histoire de ces taxons et de comprendre leur séparation, selon le shéma (Cours Grenoble :8).

Racovitza : "La systématique ne peut être que de la phylogénie appliquée". Retour

Critères et définition

L'exemple des aselles, des chiens, des chats laisse entendre que les critères macroscopiques (ou externes) ne suffisent pas toujours pour caractériser l'espèce. Retour
Morphologie
Les individus appartenant à une même espèce doivent se ressembler. Or si dans les exemples cités ci-dessus, la ressemblance n'est pas flagrante, il existe des cas où la ressemblance morphologique cache une diversité génétique et phylogénétique : Nématodes (Ascaris lumbricoides de l'homme est identique à A. suum du porc) ; Grenouilles vertes (Rana esculenta, R. ridibunda, R. lessonae) = espèces jumelles.

Des di(poly)morphismes intraspécifiques existent : dimorphisme sexuel (lucanes, bonellie, Ceratias, Lampyres), saisonnier (Daphnies, papillon Arascnia), écologique (Epinoche, traquet-pic), cyclique (Luvare, vers parasites), sociaux (fourmis, termites), mimétiques (Papillons Danaus). Retour

Mixiologie
Toutes les définitions portent sur le nécessaire lien familial (génératif). La définition de Cuvie ra été précisée par Ernst Mayr (1963) "une espèce biologique est constituée de groupes de populations naturelles se croisant librement ou potentiellement capbles de le faire, et isolées reproductivement des groupes de populations appartenant à des espèces voisines".

Il ne devrait pas y avoir d'hybrides interspécifiques féconds : stérilité des mulets et bardots. Cependant, il en existe (Loup/chacal/chien) ; Chameau/dromadaire) (stérilité due à u ndéfaut d'appariement méiotique : pas de complexe synaptonémal, les paires chromosomiques restent mixtes).

Exceptions : espèces à reproduction uniquement asexuée (amibes) ; hermaphrodites à autofécondation (végétaux, cestodes, mollusques), parthénogenèse thélytoque indéfinie (Daphnies, Artemia = populations avec uniquement femelles Retour

Chromosomes
Forme, taille, type, structure moléculaire peuvent être décrites.

Variabilité du nombre selon les espèces de 2n=2 (Paracsaris equorum) ou 2n=4 (Astéracés Haplopappus gracilis) ou très gd : n=223 (Papillon Lysandra atlantica) ou n=630 (Fougère Ophioglossum reticulatum). Usuel : 6 à 30.

Réduction du nombre par fusion cenrique par exemple chez Mus musculus (de 2n=40 à 2n=22) (Schéma in Cours Grenoble : 17). Au contraire : Fission. Retour

Biochimie
Les techniques modernes d'analyse chimique permettent de séparer avec sûreté les différents constituants moléculaires du matériel chromosomique (électrophorèse), permettant de distinguer des espèces apparemment semblable.

L'etude de la densité des ADN de Leishmania, couplée avec celle des variants (allozymes) de certaines enzymes (G6PD), permet de distinguer L. donovani et L. aethiopica.

Les jeunes bars Morone americana et M. saxatilis ne sont discernables que par analyse enzymatique : estérase et phosphoglucomutase différentes. Retour

Ethologie
Echanges de signaux entre espèces ou intra spécifique permet ou empèche la reproduction. Exemple : signaux sonores, décrits par sonogrammes : en 1975, 4 espèces jumelles de grenouilles du Népal on tété distinguées sur la base de leurs émissions sonores (Schéma in Cours Grenoble : 19)

L'organisation du comportement alimentaire permet de distinguer les Hyménoptères ammophiles (A. campestris et A. pubescens). Retour

Ecologie et biogéographie
Cuénot (1951) : "une espèce est la réunion d'individus apparentés, ayant une même morphologie héréditaire, mêmes caractéristiques physiologiques (physiques, chimiques, écologiques), et un genre de vie commun. Très généralement, ils e peuvent donner de descendants féconds avec les représentants des espèces voisines, ce qui maintient l'autonomie de l'espèce.

Dons nécessité de partager des espaces géographiques communs, sans séparation. Posait les bases de la définition de Mayr avec la notion de population.

Conclusion : pas de critère universel unique, nécessité de cumuler plusieurs critères Retour

Variations spatio-temporelles

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Variations spontanées
Diversité d'aspect due à la variation de certains caractères génétiques : homme, espèces domestiques, drosophiles. Existence d'allèles (gène qui mute= change brusquement) déterminant des caractères (phénotypes) différents. Chaque espèce présente une variabilité potentielle qui se mesure par un taux de mutation. Exemple chez l'hommele gène responsable de la mélanisation (coloration) mute en moyenne dans 28 gamètes sur 1 million : le taux de mutation de l'albinisme est de 28*10-6.

Les locus géniques sont en général polymorphes (forme sauvage et 1 ou + formes mutées). Le taux de polymorphisme d'une espèce est la proportion des locus polymorphes dans son génome (N.locus polyporphes/ N. total de locus). Plus élevé chez les invertébrés (0.437 à 0.529) que chez les vertébrés (0.336 à 0.145 ; homme : 0.280) Retour

Variations dans l'espace
Pour les espèces à vaste distribution géographique, lorsque la reproduction peut réellement se faire de façon aléatoire (panmyxie) on obtient une sorte d'uniformité. cependant, l'étude d'échantillons permet de faire apparaître des variations quantitatives. Dans l'espèce humaine : répartition de la taille (pygmées, européens, Dinkas) ou de la couleur (protection héliotique), présentant des gradients. Retour
Variations dans le temps
Des dérives morphologiques ont été mises en évidence au cours du temps par les paléontologues. Ex : les paludines de Slavonie qui passent progressivement, du Pontien au Pliocène, de formes lisses à des formes tuberculées.

Des espèces apparaisent et disparaissent. Les formes insulaires sont de bons exemples. Pinsons de sGalapagos de Darwin.

Drosophiles des îles Hawaii (3700 km à l'W de Californie) (Carson 1987). L'étude de leurs ADN a permis de montrer que le peuplement de ces iles s'est effectué par des individus fondateurs et que les iles les plus jeunes ont été peuplées à partir de iles les plus anciennes. Schéma biogéographique (Schéma in Cours Grenoble : 29). Quelques cas de fondation en retour ont été montrés. L'île la plus jeune (Hawaii : 0,4 M ans) n'a pas encore fourni d'espèce endémique nouvelle au reste de l'archipel. Ces spéciations se sont déroulées sur une période de 5 M ans (stabilité apparente à l'échelle de la vie humaine). Le peuplement de Drosophiles de siles Hawaii se serait fait à partir de souche dérivant de Drosophila obscura espèce continentale présente en Amérique du Nord et Asie orientale (colonisation récente de l'Amérique du Nord par détroit de Behring). Passage d'individus fondateurs sur Kauai il y a 5 M ans. Retour