2.6.1. Evaluation globale
2.6.2. Estimation de la diversité biologique/2.6.2.1. Distinguer richesse et diversité
2.6.2.2. Expression chiffrées et estimations
2.6.2.3. La répartition géographique de la diversité biologique
Ici, évaluer signifie dénombrer et non définir la valeur.
Globalement, nous ne savons pas grand chose de l'étendue de la
biodiversité, car l'exploration du monde vivant n'a jamais
été envisagé de façon rationnelle et
systématique (projets de Linnaeus, mission des museum nationaux
d'histoire naturelle). Si le principe de toute étude de milieu (aire
protégée ou non) est d'en faire d'abord l'inventaire qualitatif
des espèces (végétales et animales) qui y vivent, dans la
plupart des cas, on se contente de noter les espèces les plus visibles,
ou les plus grandes, ou les plus nombreuses. Ce n'est que très
exceptionnellement que sont entrepris des inventaires exhaustifs. Les
difficultés techniques sont alors grandes et les moyens à mettre
en oeuvre souvent importants (exemple : étude des communautés
biologiques des canopées de forêts pluviales américaines et
africaines, réalisées avec le "radeau des cimes").
Les formes biologiques obtenues au cours de missions d'exploration sont
identifiées, comparées aux formes précédemment
décrites. Si l'échantillon n'a pas encore été
observé, il fait l'objet d'une description et d'une identification qui
suit les règles de la systématique biologique : situation dans la
structure hiérarchique du monde vivant (règne, embranchement,
classe, ordre, famille, genre, espèce, variété). Il sera
désormai repéré par les deux derniers termes de cette
classification sous la forme d'un binomen latin, ayant une valeur universelle
et internationale.
Les critères de description étaient à l'origine
morphologiques (forme, couleur, dimension). Dans certains cas, des indications
éthologiques ont été ajoutées (émissions
sonores chez les amphibiens). De plus en plus une identification
moléculaire s'avère utile et souhaitable
(séquençage d'ADN ou polymorphisme enzymatique) pour
caractériser la diversité biologique. Les méthodes
moléculaires sont d'ailleurs les seuls méthodes fiables pour
mettre en évidence la diversité au niveau du génotype.
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On entend par richesse spécifique le nombre d'espèces d'un ou de
plusieurs taxons présentes dans une aire donnée. La comparaison
des richesses se fait par comparaison (rapport) des nombres d'espèces.
On entend par diversité spécifique un indice qui prend en compte
la contribution de chaque espèce à la biomasse, au flux
d'énergie, au recouvrement ou à tout autre aspect quantifiable de
son importance dans le peuplement considéré.
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Chaque être vivant étant unique en terme d'équipement
génétique, la diversité biologique totale correspond au
nombre d'individus vivants. Lévêque & Glachant (1992)
utilisent une métaphore pour appréhender la complexité de
la diversité biologique. Ils comparent le monde biologique à une
bibliothèque où chaque individu (organisme) serait un livre dont
chaque page serait un gène. L'épaisseur des livre varierait donc
d'un millier de page pour les bactéries à quelque quatre cent
mille pages pour certaines plantes à fleurs. Les livres (individus)
correspondant à une même espèce seraient rangés dans
une même salle ; ces salles seraient souvent de grande dimension : par
exemple, on estime le nombre de fourmis à 1011 dans certaines
espèces. Le nombre de salles à prévoir pour les
espèces actuellement connues serait de l'ordre d'un million et demi. Si
l'on consacrait un étage par écosystème, le bâtiment
serait nettement plus haut que l'Empire State Building! L'édifice
contiendrait environ 1020 livres, ordre de grandeur estimé du
nombre d'organismes vivants sur Terre. A titre de comparaison, la plus grande
bibliothèque du monde (B. du Congrès, à Washington)
contient moins de 107 ouvrages.
En fait, la diversité biologique existante ne correspond qu'à une
partie de la diversité possible. Si l'on prend en compte toutes les
possibilités de combinaison des 4 paires de nucléotides qui sont
la base des gènes, en supposant un nombre moyen de 50.000 gènes
et un nombre moyen de 10.000 nucléotides par gène, l'ensemble des
combinaisons possible est voisin de 10 à la puissance 100 millions!!
Plus concrètement, on estime à 1,4 million le nombre des
espèces actuellement décrites (la description est
généralement très sommaire, par rapport à la
complexité de la diversité génique). La répartition
en taxon de niveau supérieur est très irrégulière :
55 % d'insectes, 14 % de plantes à fleur, 9 % d'algues, mousses,
champignons, 8 % d'arthropodes non insectes, 8 % d'autres
invertébrés, 3 % de vertébrés, 3 % de
bactéries et de protozoaires. Cela correspond environ à 750.000
espèces d'insectes, 250.000 plantes et 41.000 vertébrés.
Tous les systématiciens s'accordent sur le fait que ce catalogue est
très incomplet. Lorsqu'en 1982, les biologistes se sont
intéressés à la faune de la canopée des
forêts pluviales, les estimations les plus hautes étaient de 10
millions d'espèces. Mais la découverte de nouvelles
espèces et familles fut tellement importante que les nouvelles
estimations ont porté le nombre possible d'espèces à 30
millions (Wilson, 1985). Identifier une telle richesse spécifique
constitue une tache absolument colossale : identifier 10 millions
d'espèces demanderait un million d'années de travail de
systématicien! C'est une des raisons pour lesquelles la plupart des
extinctions d'espèces ne seront pas identifiables avec certitude.
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MacNeely et al., 1990, :
La diversité biologique n'est pas répartie de façon
homogène sur la planète. Les facteurs géographiques
(rivages, montagnes, fleuves, latitude, longitude) et climatique (chaleur,
précipitation, température) en modulent la distribution. Trois
niveaux principaux d'approche peuvent être envisagés qui sont par
ordre décroissant de surface : la région, l'état, le site
Région est pris ici au sens de région du globe et fait
référence au grand découpage biogéographique de la
planète.
Les zones de forêt tropicales constituent les zones les plus riches du
monde pour la biodiversité : sur 7% de la surface du globe, elles
hébergeraient la moitié des espèces biologiques du globe
(Wilson 1988). Parmi ces forêts, certaines présentent un niveau
d'endémicité très élevé. La Commission sur
les priorités de recherche enbiologie tropicale (académie des
sciences des EU, 1980) a identifié 11 zones tropicales remarquables en
raison de leur grande diversité biologique, de leur niveau
d'endémisme élevé et du niveau de menace de disparition de
leur forêts. Il s'agit de : Forêt côtière
équatorienne, Zone des cocotiers du Brésil, Amazonie
brésilienne orientale et méridionale, Cameroun, Montagnes de
Tanzanie, Madagascar, Ceylan, Bornéo, Celèbes, Nouvelle
calédonie et Hawaii.
Myers (1988) aborda ce problème de façon un peu différente
et définit 12 points chauds pour les forêts tropicales (dont 2
dans des pays développés : Hawaii et Queensland). Ces 12 points
chauds totalisent 3.5 % de la forêt tropicale actuelle (soit 0.2% de
sterres émergées) et hébergent au moins 27% des
espèces de plantes supérieures tropicales soit 13.8% des
espèces végétales du monde. (Tableau 10, Figure 5, :87 in
MacNeely et al., 1990).
Les zones non tropicales peuvent revétir un intérêt tout
aussi grand. Par exemple, En Afrique Australe (Afrique du Sud, Lesotho,
Swaziland, Namibie et Botswana) 80% (18560 des 23200) espèces de plantes
sont endémiques. Ce qui fait de cette zone la région à
plus forte biodiversité du monde : 1.7 fois plus qu'au Brésil.
Parmi celles-ci, 2373 sont notées comme menacées dont 1621 dans
la seule province floristique du Cap. Ce qui en fait la région la plus
menacée du monde.
Les espaces océaniques sont encore mal connus et sont le lieu de
découvertes majeures récentes (oasis thermales des abysses). Par
exemple : un nouveau phylum (Loricifera) a été
découvert en 1986 ; au large des côtes du New Jersey, des
communautés benthiques ont été découvertes entre
1500 et 2500 m de profondeur, composées de 898 espèces
appartenant à plus de 100 familles et une 12 de phylum.Les oasis
hydrothermales abyssales sont de nouveaux habitats découverts au cours
des 10 dernières années et abritant 16 familles nouvelles
d'invertébrés. Les zones marines forment actuellement les
habitats les plus diversifiés au niveau phylétique (28 phyla dont
13 endémiques) (contre 11 dt 1 pour le milieu terrestre et 14 pour les
milieu dulçaquicole). La richesse des eaux tropicales est
particulièrement remarquable (Tableau 12, :88, in MacNeely et al., 1990).
La distribution non régulière de la biodiversité concentre
un grand nombre d'espèces (terrestre, eaux douces, marine) dans un
nombre limité de pays qui requièrent de ce fait une attention
particulière de la communauté iernationale. Les 2 principaux
critères pour appartenir à la catégorie des Pays à
mégadiversité sont les nombre total d'espèces et les
niveaux d'endémisme aussi bien au niveau de l'espèce que pour
des taxons plus élevés. La liste actuelle comprend environ 12
pays : Brésil, Colombie, Equateur, Perou, Mexique, Zaïre,
Madagascar, Australie, Chine, Inde, Indonésie, Malaisie. Ces pays
représentent au moins 60 à 70 % de la biodiversité
mondiale. Parmi eux, le brésil, la Colombie, l'Indonésie et le
Mexique sont particulièrement riches en nombre d'espèces (et
niveau d'endémisme). Madagascar et l'Australie sont sur cette liste
davantage pour leur niveu d'endéisme élevé que pour leur
nombre total d'espèces. Le Brésil a le plus grand nombre
d'espèces végétales au monde (55000 sp) mais n'a aucune
famille endémique alors que Madagascar en a 5 et l'Australie 12. Quatre
pays (Brésil, Zaïre, Madagascar, Indonésie) hébergent
les 2/3 des Primates du Globe. Trois pays hébergent plus de la
moitié des forêts tropicales pluviales (Brésil, Zaïre,
Indonésie).
Cf. Tableau 13, 14, 15, 16, 17 , :89-90 in MacNeely et al., 1990).


Ces zones sont celles où subsistent des surfaces de forêt pluviale
tropicale primaires intactes. Elles demandent des mesures de gestion
particulières pour être sûr de préserver les
espèces que leur existence a permis de développer au cours de
l'évolution. D'autant plus que les processus evolutifs dans ces zones
seront en grande partie conditionnés par nos méthodes
d'intervention.
Les 6 zones concernées sont : Les Guyanes méridionales (Guyana,
Suriname et Guyane Française), Le sud du Vénézuéla,
L'Amazonie brésilienne septentrionale, Les basses terres d'Amazonie
occidentale (Brésil, Equateur, Pérou, Bolivie : Haute Amazonie),
Le Bassin du Congo (Zaïre central, Gabon, Congo), l'île de Nouvelle
Guinée (Papuasie et Irian Jaya).
(Cf. Box 26, : 98 in MacNeely et al., 1990).
A l'horizon du 21ème siècle, ces zones de biodiversité
tropicale majeures seront :
- les dernières zones de la planète où les processus
évolutifs majeurs pourront continuer avec seulement un impact humain
limité (non tenu compte des pollutions et changements climatiques)
- des témoins pour évaluer le succès ou l'échec
des écosystèmes gérés
- Les réserveoirs majeurs de diversité biologique où de
grands nombres d'individus (plantes et animaux) continueront de vivre
Elles joueront un rôle déterminant dans le maintien des climats
locaux et (en raison de leur taille) global
Elles seront les dernières zones où des groupes aborigènes
humains pourront continuer de vivre leur vie coutumière
Elles acquéront une valeur esthétique, scientifique, culturelle
et spirituelle particulièrement élevée dans une
planête toujours plus surpeuplée et urbanisée.
in MacNeely et al., 1990 : 99
in MacNeely et al., 1990 : 100
in MacNeely et al., 1990 : 103
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