3. LA CONSERVATION

3.1.POURQUOI CONSERVER

 
3.1.1.Parce qu'on ne sait pas "fabriquer" la biodiversité
3.1.2.Parce que l'humanité ne peut s'en passer
3.1.2.1.L'exploitation des ressources génétiques de la Biosphère
3.1.2.2. Pour une économétrie des ressources biologiques
3.2. L'économie de l'environnement
3.3. L'évaluation économique de la diversité
3.3.1. Valeur d'usage
3.3.1.1. Valeur de consommation
3.3.1.2. Valeur de production
3.3.1.3. Valeur récréative
3.3.2.Valeur d'option
3.3.3. Valeur d'existence
3.3.4. Valeur écologique
3.3.5. Parce que la biodiversité est menacée
3.3.5.1. Système de problèmes mésologiques
3.3.5.2.Causes immédiates de la réductionactuelle de la biodiversité
3.3.5.3.Conséquences immédiates de la réduction actuelle de la biodiversité


3.1.1. Parcequ'on ne sait pas "fabriquer" la biodiversité

Il parait logique de conserver des échantillons des entités que nous ne savons pas reproduire (reconstituer) par notre art et notre activité. Notre connaissance en matière de génie génétique est actuellement plus que rudimentaire. C'est tout juste si, d'une part, on arrive à décrire la structure chimique d'un gène et si, d'autre part, on arrive à modifier légèrement le génome d'organismes préexistants.

De toute façon, quand bien même il nous serait possible de "synthétiser des formes vivantes", il nous faudrait connaître les "formules génétiques" des différents taxons. Connaissant les difficultés qu'il y a à décrire le génome humain, on peut estimer que l'entreprise tirerait du chomage des générations entières de biologistes pour décrire les génomes des 106 à 107 formes biologiques existantes.

Il parait donc plus sage, plus simple et moins coûteux de conserver ce qui peut encore l'être. Retour

3.1.2. Parce que l'humanité ne peut s'en passer

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3.1.2.1. L'exploitation des ressources génétiques de la Biosphère

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3.1.2.1.1. Définitions
Exploiter doit être pris ici au sens de "faire valoir, de tirer parti d'une ressource" ; ou au sens d'"utilisation méthodique et rationnelle d'une ressource". Il ne s'agit en aucun cas du sens "abuser à son profit" ou "se servir en n'ayant en vue que le profit, sans considération des moyens".

Les espèces sauvages animales et végétales des habitats naturels de la zone inter-tropicale (c'est aussi vrai ailleurs) constituent des ressources très importantes pour les populations humaines. Elles sont cependant très peu utilisées. Moins de 0,1 % des espèces sauvages sont exploitées. L'intérêt que peuvent présenter les 99,9 % restant n'a même pas été encore évalué.

Les principaux domaines de la vie économique sont concernés par le maintien de la biodiversité. Il s'agit bien entendu au premier chef de l'alimentation et des produits jouant un rôle agrotechnique, des espèces forestières, de l'aspect pharmaceutique, mais aussi d'utilisations industrielles : fibres, latex, combustibles. Nous nous limiterons ici aux aspects alimentaires et pharmaceutiques de l'exploitation des ressources biologiques de la planète.

3.1.2.1.2. Production alimentaire
L'homme a utilisé, sur l'ensemble de la planète, environ 7.000 espèces végétales pour son alimentation, au cours de son histoire. Seules 150 espèces sont actuellement inscrites au registre du commerce mondial et font l'objet de cultures à grande échelle. Sur ces 150 espèces, 29 représentent 90 % des denrées alimentaires. Il s'agit de céréales (riz, blé, maïs, sorgho, orge, mil, triticale, 52 % des calories), de tubercules (manioc, pommes de terre, patates douces), de légumineuses (arachides, pois chiches, pois, soja, fève, niébé, haricot), de fruitiers (cocotier, bananier)et d'oléagineux ou plants sucriers.

Le nombre de variétés utilisées parmi ces espèces diminue régulièrement, réduisant fortement la biodiversité intraspécifique. Il y a un siècle, on cultivait en France 2.000 variétés de pommiers, en 1970, on n'en cultive plus que 10, dont 90 % sont d'origine nord-américaine. Parmi les causes de la réduction de la biodiversité des espèces cultivées on cite généralement l'intensification des cultures, le remembrement, le sélection, la productivité.

Cette restriction délibérée de la diversité biologique augmente les risques de catastrophes. Les biocatastrophes ne sont pas des mythes. En 1970, 20 % de la récolte de maïs américain fut détruite. En effet, 80 % des cultures avaient utilisé une lignée unique hypersélectionnée (lignée Texas) sensible à un champignon pathogène. Avant 1972, en relation avec un réchauffement climatique, les soviétiques cultivaient la variété de blé Bezostaja en dehors de son aire climatique. Le très rigoureux hiver 1972 entraîna la destruction de 15 millions d'hectares cultivés.

Nous assistons donc, depuis le Néolithique, à une régression de la diversité des espèces entrant dans notre alimentation. Déjà à cette époque, blé, seigle, riz et millet faisaient partie de notre alimentation. Nous savons que plus de 75.000 espèces de plantes présentent des parties comestibles. Certaines de ces espèces auraient même un intérêt nutritif ou diététique supérieur aux espèces cultivées actuelles. A titre d'exemple, une espèce de pois de Nouvelle Guinée (Psophocarpus tetragonolobus) est entièrement comestible : racines, graines, feuilles, tiges, fleurs, fruits ; sa sève fournit un jus proche du café. Sa croissance est rapide : en quelques semaines il atteint 4,5 m. Sa valeur nutritive est comparable à celle du soja. Sa diffusion actuelle est très restreinte.

3.1.2.1.3. Production pharmaceutique
La découverte de médicaments se fait encore, souvent, de façon empirique, résultant d'observations ancestrales issues généralement de l'interaction entre l'homme et son environnement et plus particulièrement avec le monde végétal. Ainsi se sont élaborées, au cours de l'histoire de l'humanité, des pharmacopées locales. Dans les pays en développement, la médecine traditionnelle repose essentiellement sur l'utilisation d'organes végétaux, ou animaux (plus rarement). L'OMS estime que 80% des habitants actuels de la planète se soignent uniquement par phytothérapie traditionnelle.

Des médicaments dont on connaissait l'efficacité ont longtemps été prescrits sans que celle-ci soit reliée à la présence de principes actifs connus et sans que les mécanismes d'action soient connus. Par exemple, le rôle analgésique de l'opium tiré du pavot était connu des Egyptiens anciens et des Chinois il y a plus de 4000 ans. Il a cependant fallu attendre 1806 pour que le principe actif de la plante, la morphine, soit identifié et isolé (Derosne et Seguin) ; il faudra un siècle de plus pour en établir la formule chimique et 50 années supplémentaires pour la synthétiser.

Pour que les plantes jouent un rôle avéré dans la pharmacopée de demain, il tester la valeur thérapeutique de leurs molécules actives. On distingue deux types de plantes médicinales : celles qui contiennent un nombre limité de molécules (principes) actives (comme les alcaloïdes ou les hétérosides) et celles qui contiennent une "nébuleuse" de principes multiples souvent inconnus. Ce sont ces dernières qui constituent généralement l'essentiel des pharmacopées traditionnelles

L'ethnopharmacologie est le domaine de recherche où se recense l'usage des plantes et leurs effets thérapeutiques. . Si l'on considère la pharmacopée traditionnelle d'un pays comme le Yémen qui est resté isolé de toute influence occidentale jusqu'en 1969, on y trouve 158 plantes. 54% de celles-ci sont citées dans d'autres pharmocopées anciennes : 60% sont présentes dans les traités arabes classiques, 44% dans les traités préislamiques de médecine grecque, 25% dans les traités préislamiques de médecine indienne.36% sont spécifiques du Yémen et constituent l'apport de ce pays à la communauté internationale.

La pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus, Apocynacées) est connue des Français depuis le 17ème siècle et cultivée en Europe (jardins botaniques, ornement). Vers 1955, des chercheurs canadiens découvrent, par hasard, son rôle de destructeur de leucocytes. Cela amènera à l'utiliser pour le traitement de certaines affections tumorales. Deux molécules actives, la vinblastine et la vincristine, ont été isolées en 1957. La synthèse de ces molécules fut réalisée en 1975.

Les principes actifs de 40% des médicaments que nous utilisons proviennent de l'exploitation d'espèces végétales. Le quart des médicaments consommés aux USA contient des substances actives tirées des plantes. Parmi les centaines de milliers d'espèces de plantes croissant sur terre seulement 1 % ont été examinées d'un point de vue thérapeutique. Selon certaines estimations de phytothérapeutes, les forêts tropicales humides renfermeraient au moins 1.400 espèces susceptibles de soigner le cancer. Il est intéressant de noter qu'une importante firme pharmaceutique (Merck-Sharp & Dohme, USA) a investi un million de dollars US dans la prospection systématique de la flore du Costa-Rica (évaluée à 10.000 espèces) afin de rechercher les principes actifs de ces espèces.

Cependant, une vigilance s'impose car, dans certains cas, l'utilisation à fins thérapeutiques de certaines espèces végétales peut avoir des conséquences néfastes sur la conservation des milieux naturels et des espèces sauvages. Par exemple, en 1971, un programme de lutte contre le cancer mit en évidence, aux USA, le rôle bénéfique d'une molécule (Taxol) produite par l'if, conifère du genre Taxus. Cette molécule est produite en très petite quantité dans l'écorce de ces arbres adultes (leur croissance est très lente). Le plan de production proposé par les pharmacologues pour l'obtention de 20 kg de taxol demandait l'abattage de 30.000 ifs des forêts californiennes, c'est à dire 30% de l'habitat de cette plante et d'une espèce animale menacée, le Hibou tacheté. Le massacre fut évité par la synthèse de la molécule de taxol à partir de 1976.

Autre danger que les traitements plus ou moins avérés de certaines impuissances masculines font courir à la biodiversité animale : la croyance au pouvoir aphrodisique des appendices d'un certain nombre d'espèces formidables comme le rhinocéros, les bois de cervidés (rennes sibériens), etc. Faut-il sacrifier la diversité génétique de continents entiers pour soulager les érections pénibles des peuples des pays du soleil levant?

Note : Cas de la France : Depuis 1970, la consommation de plantes médicinales est passée de 12500 tonnes à 30000 tonnes (1986). La production stagnante est compensée par des importations accrues qui représentaient en 1986 68% des plantes pour une valeur de 500 millions de francs (est européen, bassin médit, moyen orient, asie, amérique du sud). Simultanément, la France a exporté 9600 tonnes vers CEE, Japon, USA. La production française en 1986 était de 12500 tonnes : 40% cueillette, 60% culture. LA cueillette est règlementée pour éviter l'épisement des biotopes (loi de 10/07/76, Arrété minist. 20/01/82 : 386 sp totalement protégées, 36 réglementées). Les espèces les plus récoltées sont la Myrtille (2000 tonnes, Vitam. P, vasulaire, oculair), la gentiane jaune (800 t, gastrique, biliaire), le tilleul (200 t). Parmi les espèces cultivées : le pavot à oeillette (5800 t, codéine), l'ergot de seigle, arnica (qq tonnes).

3.1.2.1.4. Production industrielle
3.1.2.1.4.1. Fibres textiles :

Origine animale et végétale exclusivement, avant la Seconde guerre Mondiale. La biodiverssité constitue encore, en matière textile, la source vestimentaire la plus utilisée au monde (ajouter les fourrures et feutres).

laine (sélection de moutons à laine à partir de mouflons sauvages : in cours Grenoble : 40-43), soie, coton, lin, jute, chanvre.

3.1.2.1.4.2. Papier

Produit par transformation de matériaux végétaux (pâte à papier) ou de son propre recyclage. A remplacé comme support de l'information écrite les parchemins et papyrus (Carex, Musa).

Enjeux financiers énormes. Cause principale de déforestation et d'érosion. Gestions insadaptées des forêts.

3.1.2.1.4.3. Latex :

Espèces concernées : hévéa, taraxacum.

Matière première pour la réalisation de pneumatiques et chambres à air, gants et condoms, gommes, joints, ...

3.1.2.1.4.4. Combustibles

Combustible traditionnel : dendroénergie. Le bois est le combustible le plus utilisé actuellement par l'humanité pour la cuisson des aliments et le chauffage (bois de chauffe).

Combustibles modernes : alcools végétaux, acides gras végétaux. L'évolution de l'utilisation des automobiles entraine une recherche de sources d'énergie renouvelable pour pallier à l'épuisement des ressources en hydrocarbures fossiles. Une autre raison du éveloppement de carburants "verts" est la recherche de combustibles moins polluants que les hydrocarbures pétroliers. En conjonction avec une hyperproductivité alimentaire (pays développés) et l'établissement d'une politique de jachère, on assiste au développement de l'usage de carburants intégrant soit des alcools (issus de la fermentation de sucres, Brésil) soit des acides gras (moteurs Diesel, Europe et Amérique, graines de Crucifères et Composées).

3.1.2.1.4.5. Herbicides :

La notion de "mauvaise herbe" a beaucoup évolué : plantes envahissant jardin et cultures, mais aussi plantes constituant des obstacles sur les cours d'eau (jacinthes d'eau Eichhornia, fougères Azolla), ou envahissant les pâturages (refus). L'importance de telles plantes dans l'univers agronimique et dans le domaine de la conservation des écosystèmes naturel s'est considérablement accru au cours du dernier siècle en raison de nombreuses actions d'introduction souvent malheureux (pour leurs conséquences écologiques). [Figure : PLS 167, 2:64].

La destruction des mauvaises herbes se fait depuis un demi-siècle (avant, par sarclage) par utilisation de molécules. Les herbicides chimiques sont efficaces mais leur utilisation incorrecte est à l'origine de risques écologiques et sanitaires : accumulation de résidus toxiques dans les plantes alimentaires (protection législative nationale ou internationale, normes) et dans les eaux souterraines ou de surface ; menaces pour la santé des hommes et des animaux consommateurs, mais aussi pour ceux qui les épandent.

La production d'herbicides de synthèse (même si les nouvelles molécules : glyphosates et sulfonylures sont moins toxiques pour l'environnement) est relayée depuis peu par la production d'herbicides biologiques. Avantages : respect de l'environnement, spécificité souvent limitée à une espèce végétale.

Utilisation d'espècs animales dans la lutte contre les "mauvaises herbes" : cochenille Dactylopius ceylonicus pour lutter contre l'envahissement de l'Inde par le cactus Opuntia vulgaris (Amérique, 19è siècle).

Recherche d'ennemis biologiques naturels dans les pays d'origine des plantes introduites : champignons, bactéries, insectes.

Exemples d'herbicides biologiques : PLS 167, :65.

Les herbicides agissent par des phytotoxines, voie de recherche actuelle en pleine expansion : PLS 167, :66. (Strobel, 1991).

3.1.2.1.4.6. Biodiversité et manipulations génétiques

Les plantes transgéniques : 14% de la production végétale mondiale est détruite par les insectes. Parmi les nouvelles voies de recherche, les biologistes tentent de transférer des gènes qui codent des toxines actives contre des insectes ravageurs afin de rendre les plantes résistantes contre les ravageurs, sans utiliser d'insecticides de synthèse. Ceci constitue évidemment une voie nouvelle pour la biodiversité puisque le point de départ de cette méthode est la création de nouveaux génotypes. L'utilisation de pesticide de synthèse cause des pollutions grave à l'environnement (nappes phréatiques, déséquilibrent les écosystèmes (chaine alimentaires, stérilisation), aboutit à créer rapidement des souches résistantes et coute cher (45 milliards de francs par an au niveau mondial). Depuis 1987, les phytopathologistes cherchent à introduire dans les plantes d'intérêt agricole, de façon à exprimer dans leur tissus une molécule insecticide, protectrice, comme celles produites par Bacillus thurigensis. Cette méthode , qui repose sur l'introduction d'un inhibiteur de protéase, a été démontrée par Bonadé et Jouanin (1994- pour protéger le peuplier contre une chrysomèle (coléoptère phytophage). L'inhibition des protéases digestives de ces larves a pour effet de provoquer chez celles-ci une mortalité de 50%. L'application du génie génétique est donc une alternative prometteuse à la fois dans l'utilisation de la biodiversité et dans la sauvegarde de celle-ci.

Symétriquement de ces plantes transgéniques, des toxines produites par des virus manipulés génétiquement pourraient pallier l'usage d'insecticides chimiques. Le prin cipe consiste à introduire dans un baculovirus un gène codant pour la fabrication d'une toxine d'insecte. LA toxine ne serait pas répandue dans l'environnement (pesticides de synthèse) mais produite (synthétisée) opar le nuisible après qu'il ait intégré le génome viral modifié. exemple : Tomalsky & Miller ont manipulé génétiquement le baculovirus Autographa californica de façon à lui faire produire de la toxine TxP-1. Cette toxine provient du venin injecté par un acarien (Pyemotes tritici) pour paralyser ses proies. Les larves de nuisibles infectées par ces baculovirus modifiés sont paralysées en 3 jours et cessent de s'alimenter. La réplication du virus se poursuit et les larves sont tuées en 1 semaine. Une même manipulation a été réalisée avec une neurotoxine de venin de scorpion (Androctonus australis) avec des résultats très intéressants . Dans ce type de lutte, il est nécessaire de choisir un virus très spécifique quant à ses hotes, de façon à limiter la destruction des insectes à une seule espèce ou à un groupe précis d'espèces et non à l'ensemble des larves de lépidoptères par exemple.

3.1.2.2. Pour une économétrie des ressources biologiques

Devant l'ampleur du problème, il ne semble pas possible de sauvegarder la totalité de la diversité génétique. Des choix doivent être faits. Quels critères seront utilisés? Qui sera chargé de gérer la diversité biologique? Quelles méthodes pouvons-nous utiliser?

Ces questions sont très diverses. Elles ne concernent pas seulement les biologistes et les conservateurs de l'environnement. Nous avons ici, encore une fois, une intersection entre le système naturel (écosystème) et le système économique (ethnosystème). Les solutions à ce problème relèvent donc aussi de la compétence des économistes, des industriels et des décideurs politiques. Retour

3.2. L'économie de l'environnement
La Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement, qui se tiendra à Rio de Janeiro en juin 1992, se propose de débattre et d'adopter une convention internationale sur la diversité biologique. En effet, une des solutions au problème passe par la coordination des actions locales et nationales et par l'établissement de transferts de moyens, financiers et technologiques, entre les différents pays et les différentes zones économiques du globe (Lévêque & Glachant, 1992). Dans ce combat pour la sauvegarde de la biodiversité, les pays en voie de développement sont concernés de façon cruciale car, s'ils détiennent à la fois les diversités génétiques les plus fortes et les vitesses d'érosion les plus importantes, leurs moyens pour y remédier sont en général limités.

C'est là que se fait sentir tout l'intérêt de l'analyse du problème par un économiste de l'environnement. La tâche de celui-ci consistera principalement à "internaliser les externalités". Cette expression hermétique traduit la complexité de la mise en termes économiques de la biodiversité. La notion invoquée peut être illustrée à l'aide d'un exemple théorique, comme le proposent Lévêque & Glachant (1992). Prenons le cas d'une usine qui, située au bord d'une rivière, y rejette ses polluants. Si, en aval, s'installe une autre usine qui, pour son bon fonctionnement, a besoin d'une eau pure, cette seconde usine sera affectée du fait du comportement d'un autre acteur. En termes techniques, elle subit une externalité dont l'origine est l'usine amont. Elle devra donc, par exemple, investir dans une station de dépuration pour le captage de son eau.

Internaliser les externalités revient à remédier à ces effets secondaires d'un acteur sur l'environnement en définissant le coût du préjudice et en mettant en place une méthode de compensation (taxe, redevance, etc...) appliquée à l'acteur du préjudice. C'est de ce principe que découle la règle "pollueur-payeur" des pays industrialisés. Dans le cas de l'érosion de la diversité biologique, les relations causes-conséquences ne sont pas aussi simples que celles de notre exemple, mais le principe reste le même. Les externalités, causes de son érosion, sont complexes, multiples et diffuses. L'identification de ces agents n'est pas toujours immédiate.

En effet, les éléments bio-physico-chimiques ne sont pas seuls à intervenir. Une dimension éthique est souvent étroitement attachée au matériel vivant (que ce soit chez les populations de pays industrialisés ou chez les populations de pays en développement). C'est ce qui entraîne une prise de position particulière du consommateur européen vis à vis du rhinocéros (qui n'est pas seulement un producteur de cuir et de poudre de corne mais un symbole de puissance et de vie sauvage) ou du pasteur toubou vis à vis de l'addax (qui n'est pas seulement une source de protéines mais aussi le générateur des pluies sur le désert). Les externalités peuvent être lointaine, agir à l'échelle de la biosphère : action des pluies acides française sur les forêts polonaises ou russes.

Elles peuvent être très décalées dans le temps : une disparition d'espèce pourra ne faire sentir ses effets qu'à long terme quand l'opportunité de son usage apparaîtra : c'est le cas de la relation entre disparition d'espèces végétales à potentialités curatives et le développement, dans le futur, de pathologies faisant appel à des thérapeutiques nouvelles.

Il est évident que lorsque les externalités seront identifiées, il s'agira d'en évaluer le coût et que ce sera aussi une opération complexe. C'est pourquoi, il est nécessaire d'évaluer, aussi souvent que possible, d'une part, la valeur de la biodiversité, et d'autre part, les coûts de sa conservation. Retour

3.3. L'évaluation économique de la diversité
En économie néo-classique, on définit la valeur d'un bien comme la somme des bénéfices actuels mais aussi futurs que l'homme peut retirer de l'existence de ce bien. Les bénéfices futurs doivent être calculés en monnaie actuelle (ce qui implique un/des modèle[s] d'actualisation).

Les ressources génétiques n'ayant pas de valeur de marché, leur évaluation économique ne peut se faire que de manière indirecte. L'indicateur de valeur utilisé est la richesse induite, c'est à dire la richesse que créent les activités économiques dépendantes de l'existence des ressources génétiques (Lévêque & Glachant, 1992). Cette optique économiste offre l'avantage de faire entrer l'activité de conservation dans le domaine des valeurs financières car, à partir du moment où les ressources génétiques présentent une valeur économique, les investissements dans le secteur de la conservation devront être jugés en termes économiques. C'est pourquoi il est indispensable de définir des méthodes d'estimation des bénéfices tirés de l'activité de conservation. A partir du moment où la valeur des actions de conservation des ressources génétiques peut être considérable, la conservation peut être envisagée comme une forme de développement économique.

L'originalité du problème a conduit à créer un typologie originale reposant sur quatre catégories de valeurs : valeur d'usage, valeur d'option, valeur d'existence, valeur écologique. Cette typologie diffère peu de celle de Mac Neely (1988) qui définit deux catégories de valeur :

- la valeur directe (subdivisée en valeur de consommation et valeur de production) (équivalent de la valeur d'usage)

- et la valeur indirecte subdivisée en une valeur non-consommable (intérêt écologique et scientifique, correspondant à la valeur écologique), une valeur d'option et une valeur d'existence. Retour

3.3.1. Valeur d'usage
Elle correspond à la satisfaction immédiate de besoins par l'utilisation de ressources biologiques. La valeur d'usage peut être facilement définie et mesurée. Il est généralement possible de l'exprimer en terme financier (prix) dans la constitution du prix de la ressource, il ne faudra pas omettre les plus-values induites soit par la transformation de la ressource (valorisation artisanale ou industrielle), soit par l'assemblage de plusieurs entités génétiques (en communautés et écosystèmes).

On peut effectuer une distinction entre une valeur de consommation (pour les produits dont la consommation ne donne pas lieu à transaction financière : bois de feu, gibier), une valeur de production (pour les produits ayant une valeur marchande et donnant lieu à circulation financière : produits forestiers, pêche), et une valeur récréative (intérêt esthétique des organismes, des écosystèmes, promenade, tourisme de vision).

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3.3.1.1. Valeur de consommation

Elle correspond essentiellement à la réalisation des activités de chasse et de cueillette avec comme finalité la consommation de ces produits. Cette utilisation des ressources génétiques a fortement diminué dans les pays industrialisés : au Canada, F.L. Fillon et al. (1985) l'estime cependant à près d'un milliard de dollars annuels.

Dans les pays tropicaux, la valeur de consommation est une part importante de l'économie : en Malaisie, les porcs sauvages représentent une valeur de 500 millions de $ dans l'alimentation humaine (Caldecott, 1988). En Afrique, les espèces cueillies ou chassées constituent un apport prédominent dans l'alimentation des populations rurales. Même si la majeure partie en est consommée sur place et non vendue dans les agglomération, le prix de ces apports pourrait être calculé. Au Zaïre, 75 % des protéines animales proviennent des espèces sauvages. Au Botswana, plus de 50 espèces sauvages sont exploitées, permettant une consommation annuelle de plus de 90 kg de viande par personne, soit 40 % de l'alimentation. Le lièvre (springhare) fournit à lui seul un apport annuel de 3000 tonnes. Au Nigéria, le gibier constitue 20 % des protéines animales consommées dont 100.000 tonnes de rats sauvages (Thrionomys, aulacode, grasscutters) (Myers, 1988). Au Sénégal, la consommation de gibier (mammifères et oiseaux) approche de 375.000 tonnes pour une population de 5 millions d'habitants (Sale, 1981), soit 1,5 kg par individu et par semaine.

En raison de la croissance démographique actuelle de la population humaine, l'exploitation des ressources animales ne peut plus suivre exactement la tradition. Un risque de surexploitation existe qui a amené une régression intense de la faune sauvage dans les pays où les équilibres écologiques sont les plus fragiles (les capacités de production et de charge de l'écosystème sont finies). L'utilisation de ces ressources doit toujours se faire avec une préoccupation de durabilité.

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3.3.1.2. Valeur de production

Cela concerne l'utilisation de ressources génétiques pour la sélection variétale, l'exploitation forestière, la production de médicaments, mais aussi les produits de chasse et de cueillette qui sont commercialisés localement et qui déterminent de ce fait un flux financier. Relèvent de ce domaine le commerce de bois de feu, de bois de menuiserie, les produits de la pêche, les productions animales (cuirs et peaux, muscs, ivoire, trophées), miel et cire d'abeille, produits de cueillette végétale, plantes à fibres, gommes et résines, etc...

L'estimation de ces valeurs se fait au niveau du producteur et non au niveau de l'acheteur de détail, où la plus-value est bien plus grande : par exemple, la production d'écorce de cascara (laxatif) aux USA constitue un marché de un million de $/an à la production, mais de 75 millions à la vente de détail. Le marché du médicament d'origine biologique représente 40 % de l'activité pharmaceutique américaine, soit 40 milliards de francs/an La sélection de plantes alimentaires ayant des propriétés particulières est aussi une source importante de revenus : la découverte au Pérou (1962) d'une nouvelle espèce de tomate a permis par croisement de produire une variété plus riche en sucre (+2 %) donc plus intéressante pour réaliser du concentré de tomate, entraînant un bénéfice annuel supplémentaire de 40 millions de dollars.

Dans le domaine de la valeur de production il faut comprendre toutes les ressources génétiques qui constituent les souches de nouvelles variétés cultivées (animales ou végétales) ou les réservoirs naturels d'espèces traditionnellement cultivées, ainsi que les espèces indispensables à leur multiplication, comme les animaux pollinisateurs. Il en est de même pour les espèces intervenant dans le contrôle spontané des parasites (lutte biologique naturelle : coccinelles). Dans le cas des insectes pollinisateurs, leur valeur peut être plus facilement évaluée en raison du développement d'entreprises de production de ces animaux.

Des études faites sur la contribution globale de la valeur de production biologique au PNB américain (Prescott-Allen & Prescott-Allen, 1986) faisait apparaître une contribution des espèces sauvages estimées à 4-5 % soit 87 milliards de $/an entre 1976 et 80. En pourcentage, la contribution des espèces sauvages dans le PNB des pays tropicaux serait bien plus importante, ne serait-ce qu'en regard de l'exploitation forestière : le total des exportations de la filière bois pour l'Asie, l'Afrique et l'Amérique du Sud s'est élevé à 8,1 milliard de $/an entre 1981 et 1983.

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3.3.1.3. Valeur récréative

La jouissance de certaines ressources dans des activités de loisir ou d'éducation (promenade, pêche, tourisme de vision) constitue une plus value pour les populations proches des écosystèmes les plus attractifs. La diversité biologique est toujours une cause très forte d'attraction aussi bien pour le visiteur étranger que pour le visiteur autochtone.

Ces activités récréatives déterminent un flux financier direct (droits d'entrée, dépenses locales de souvenirs et de restauration, de services de guides) mais aussi indirect (équipement, transport, sanitaire) : on a estimé dans le parc naturel d'Arkansas que l'observation de grues détermine une valeur ajoutée de 100 000 dollars annuels. Retour

3.3.2. Valeur d'option
Certains éléments génétiques peuvent n'avoir actuellement aucune utilisation. Cependant leur préservation peut présenter un intérêt économique en relation avec les connaissances que l'on pourra acquérir ultérieurement à son sujet et qui aboutiront (éventuellement) à son exploitation. C'est le cas de plantes susceptibles de synthétiser un principe actif utilisable en thérapeutique dans le futur. P. Principe (OCDE) a estimé que d'ici l'an 2000, 3 à 75 espèces potentiellement médicinales disparaîtront. La situation actuelle permet d'assigner à chacune de ces plantes un marché potentiel de 200 millions de $ par an, ce qui correspond, en l'an 2000, à la disparition d'un marché potentiel de 2 à 45 milliards de $ (1,9 à 48 % du marché OCDE des médicaments). Le calcul de la valeur d'option est extrêmement spéculatif : il implique de définir de façon très précises les options possibles et les espérances de gain attendus. Retour
3.3.3. Valeur d'existence
C'est la valeur que les consommateurs sont prêts à payer, en situation de forte irréversibilité (disparition d'espèce), pour préserver l'existence d'un bien, indépendamment de son utilisation actuelle et future. Cela correspond à l'assouvissement de besoins de bien-être et de loisirs par les générations actuelles et de leur préservation pour les générations futures. La valeur d'existence a donc en plus de son aspect économique une valeur éthique (altruiste).

La prise en compte de la valeur d'existence est intéressante dans le calcul des coûts-avantages de certains aménagements impliquant disparition de ressources biologiques et de formes d'activité : création d'un barrage ou d'une exploitation minière, par exemple. L'option retenue est généralement celle qui maximise la différence bénéfice-coût. Par exemple, l'étude du projet de barrage hydro-électrique de Hells Canyon (USA) (Fisher & Krutilla, 1975) dont les coûts ont été estimés supérieurs aux bénéfices tirés de l'exploitation actuelle du site (tourisme, loisirs). L'abandon du projet permit la mise en place d'un parc national. Retour

3.3.4. Valeur écologique
Chaque organisme joue un rôle particulier dans un écosystème et participe de ce fait à la réalisation des grands équilibres écologiques. Cette valeur reste, à l'heure actuelle, peu commode à calculer, en raison des limites de nos connaissance en matière de fonctionnement des écosystèmes. Le calcul ferait intervenir le taux d'actualisation, outil peu adapté à l'évaluation des conséquences sur le long terme.

Une estimation rigoureuse nécessiterait de disposer d'un nombre démesuré de données, généralement non disponibles. Le coût C d'une catastrophe écologique (disparition de la biosphère) se produisant dans deux siècles serait, avec un taux d'actualisation de 8 % (valeur courante), une fois actualisé en 1990 : C90 = C/(1+0,08)200 =cx2.10-7.

En dehors d'un chiffrage précis, il est possible de dresser une liste (non exhaustive) des fonctions jouées par les écosystèmes naturels dans la survie de l'espèce humaine. Les formations végétales jouent un rôle fondamental dans la mobilisation de l'énergie solaire, par la fonction chlorophyllienne et la photosynthèse (production de sucres et de matière vivante, d'oxygène, création de chaînes alimentaires. Elles interviennent dans la régularisation du cycle de l'eau que ce soit au niveau de l'infiltration, de l'évaporation, des crues. Elles interviennent dans la régularisation du climat en jouant sur la température, l'humidité, la circulation de l'air. Elles ont une fonction de dépollution de l'eau, de l'air, du sol.

Le rôle des écosystèmes protégés peut être décisif dans la protection de la pureté des sources approvisionnant certaines zones urbaines (Honduras). Les formations végétales constituent la meilleure protection des sols contre l'érosion. Les différents membres d'une communauté peuvent jouer des rôles souvent complexes dans l'équilibre de l'environnement et le maintien de ses qualités : en Tanzanie, la surexploitation des éléphants et des rhinocéros, dans le sud-est du parc national de Tarangire, a fait évoluer la formation de savane herbacée vers une formation arbustive. Cela a entraîné une recrudescence de mouches tsé-tsé qui a entraîné une importante mortalité du bétail dans la zone. La conservation des pachydermes dans le parc n'avait pas seulement un fondement éthique, il avait un effet positif sur la productivité du bétail domestique. Retour

3.3.5. Parce que la biodiversité est menacée

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3.3.5.1. Système de problèmes mésologiques

Mésologique est l'équivalent francophone de environmental et de sa francisation environnemental. [KABALA : 36-39] - L'état de l'environnement naturel est l'objet de préoccupations grandissantes, notamment en ce qui concerne l'équilibre de ses différents écosystèmes et de ses ressources naturelles ainsi qu'en ce qui regarde ses possibilités d'évolution. Il convient bien évidemment d'associer à cette situation les répercussions que les dommages à l'environnement ont sur les populations, rurales surtout. Ces différents problèmes étant interreliés, leur analyse implique d'adopter l'approche systémique qui présente une série d'avantages par rapport à l'approche analytique courante, sans pour autant se substituer à cette dernière qu'elle complète et enrichit.

La classification des problèmes mésologiques suivant un ordre d'importance rigoureux serait difficile à établir et ne présenterait d'ailleurs pas d'intérêt particulier. Par souci de cohérence, nous distinguerons les problèmes affectant l'environnement biophysique, ceux se rapportant à l'environnement socio-économique et culturel.

3.3.5.1.1.Problèmes affectant l'environnement biophysique
Ils se divisent en trois catégories :

1. Ce sont d'abord ceux qui sont associés au maintien des systèmes entretenant la vie et la protection des processus écologiques essentiels.

On trouve ici les problèmes qui affectent les ressources de base parmi lesquels on rangera les problèmes relatifs au sol, à l'eau et aux mécanismes qui commandent les cycles bio-géo-chimiques :

- problèmes des sols : érosion du sol ; évolution physico-chimique et conservation biologique des sols ; fertilité des sols tropicaux.

- problèmes de l'eau à un double titre :

. En tant que mécanisme climatique ou processus cyclique ; c'est le cycle de l'eau dont il faut considérer les perturbations comme l'aridification, les problèmes de sécheresse, de désertification et de désertisation. Nous entendons par désertification, l'apparition de phénomènes de dégradation des écosystèmes, comme par exemple, les processus de l'érosion éolienne ou pluviale, réservant au terme de désertisation, le sens plus spécifique d'extension de paysages désertiques.

. En tant que ressource naturelle renouvelable et conservable ; les problèmes de l'eau sont à cet égard étroitement liés aux problèmes des sols et de la dégradation de la couverture végétale.

2. Ensuite ceux des menaces qui pèsent sur la biodiversité[1]. Interviennent ici les problèmes qui se rapportent aux écosystèmes forestiers tropicaux ; il s'agit de distinguer essentiellement ceux des régions arides et semi-arides et ceux des zones humides et subhumides. Etroitement lié à ceux-ci, se trouve le problème de la biodiversité. A une échelle plus limitée, se présentent ici les aspects liés aux espèces végétales et animales, rares, en danger et menacées de disparition.

3. Enfin ceux qui sont liés à la promotion des systèmes de production durable.

On peut ranger ici toutes les interventions humaines qui conduisent à créer, à partir des systèmes naturels, des systèmes modifiés, voire artificiels, ainsi que ceux qui résultent de l'utilisation des écosystèmes et des ressources naturelles. Suivant cette approche, nous rangerons dans cette catégorie tous les problèmes associés aux activités humaines :

- problèmes des établissements humains (habitat) ; ce sont les problèmes de l'urbanisation anarchique et de la qualité de l'habitat rural ;

- les problèmes de la dendro-énergie ;

- les diverses formes de pollutions comme les déchets toxiques.

3.3.5.1.2.Problèmes affectant l'environnement socio-économique et culturel
Ces problèmes ont une importance majeure dans les pays en voie de développement et singulièrement en Afrique. Ils sont en effet caractéristiques du sous-développement et du mal développement qui résultent des causes précédemment considérées et qui sont accentués par les désordres affectant le milieu naturel. Ils peuvent se concrétiser par l'existence de conditions de pauvreté absolue. Citons les problèmes suivants :

- l'explosion démographique, dans le contexte où elle a lieu ;

- la faim, la malnutrition et la sous-nutrition ;

- la santé, les maladies tropicales, la mortalité infantile et la mortalité des mères ;

- l'hygiène, l'assainissement et le manque d'adduction d'eau potable

- le retard de l'éducation et de la formation, en particulier, technique ;

- la pénibilité des tâches qui affectent surtout les femmes ;

- le faible niveau de technicité y compris la valorisation et la transformation des produits agricoles ;

- le mauvais état des infrastructures et des équipements ;

- le recours à des formes d'énergie destructrices de ressources naturelles ;

- le manque de stimulation de l'innovation chez les populations rurales;

- le mauvais rendement des systèmes de production traditionnels avilis et le manque de productivité ;

- les problèmes fonciers.

L'ensemble de ces problèmes a conduit à la destruction des milieux naturels, à la dégradation des conditions de vie, à une profonde perturbation de l'environnement social, bref, à la stagnation du développement.

L'analyse de ses problèmes et de leurs interactions conduit à reconnaître le manque de politique et de savoir-faire dans la gestion rationnelle et durable des ressources naturelles et humaines ainsi que les erreurs qui ont été commises dans le choix de stratégies de développement.

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3.3.5.2. Causes immédiates de la réduction actuelle de la biodiversité
Il s'agit, ici, de montrer comment s'exerce la pression anthropique sur l'écosystème global, en utilisant des exemples choisis plus particulièrement dans la zone intertropicale.

Le phénomène de réduction de la diversité présente une accélération catastrophique en relation directe avec l'augmentation et la diversification de la pression anthropique sur les ressources naturelles. La première pression qui s'exerce est une pression démographique. Elle entraîne des conséquences au niveau des prélèvements en particulier à travers les activités d'élevage et de foresterie, mais aussi à travers ses actions de rejets de déchets qui déterminent diverses formes de pollution biocides.

3.3.5.2.1. Démographie et urbanisation

L'augmentation numérique de la population mondiale constitue certainement la cause principale de la réduction de la biodiversité en raison des conséquences écologiques qu'elle implique.

La croissance de la population humaine est devenue exponentielle [Fig 1, :20, in McNeely et al., 1990]. Au début de l'humanité, chaque individu humain disposait de 15 000 hectares, actuellement chaque individu peut disposer de 3 hectares de terres émergées. Lors du prochain doublement de la population (vers 2025), il n'y aura plus que 1,5 hectare par individu. Les activités humaines se révèlent de plus en plus violentes vis à vis de l'environnement et des écosystèmes naturels. Les causes principales sont la surexploitation des ressources, la déforestation, l'urbanisation et l'industrialisation, l'augmentation de la population. Dans l'hémisphère sud, 10 % des espèces sauvages sont menacées de disparition. En quelques années la forêt amazonienne a perdu le quart de sa surface. L'augmentation actuelle de la population est actuellement le fait des pays en développement qui effectue leur transition démographique. Les pays industrialisés (Europe et Amérique du Nord ont connu le même phénomène à la fin du 19ème siècle. Leur réaction fut d'envahir une partie de la planète, réduisant ainsi leur densité apparente dans leurs pays d'origine (peuplement de l'Amérique, Afrique du Sud, Australie, etc.) L'accroissement de la population est d^à la réduction de la mortalité, surtout infantile (un enfant sur 3 mourait au cours de la première année). Au milieu du 19è S., la mortalité fluctuait entre 30 et 50[[perthousand]] (actuellement : 8 à 10 [[perthousand]]). L'âge moyen de la population était bas (36% de la population avait moins de 20 ans). Au cours du 20è S., la réduction de la mortalité a conduit à un doublement de la population tous les 25 ans environ.

On estime que la population humaine comprenait 5 à 10 millions d'individus il y a 12.000 ans, au début du Néolithique. Vers 1950, la Terre comprenait 2,5 milliards d'individus. Elle a doublé en 1989 : 5 milliards d'individus. L'ONU estime qu'en 2025, la population avoisinera 9 milliards d'individus. 95 % de ces nouveaux humains (soit 3 milliards d'individus) habiteront les pays les moins développés . Les difficultés de vie en milieu rural, en particulier dans la zone tropicale, ont provoqué un exode accéléré et une migration urbaine. Le développement des zones urbaines n'est plus limité, comme autrefois, par les problèmes d'approvisionnement. Les moyens de transports, les échanges de ressources au niveau mondial, la solidarité internationale, rendent ce phénomène possible. En 2020, la population urbaine mondiale sera 6 fois supérieure à celle de 1950. En 1950, 17% de la population des pays en développement vivait en zone urbaine, on l'estime à 50 % en 2020 (N. Keyfitz, 1989). L'Afrique abritait, en 1950, 9% de la population mondiale, actuellement 12%. On estime que le pourcentage sera de 25% à la fin du siècle prochain.

Une tendance à la décroissance des taux d'augmentation de la population s'observe depuis les années 1970. La natalité a diminué de plus d'un tiers en Asie entre le début des années 1960 et 80. L'Afrique subsaharienne ne réagit pas à cette tendance, si ce n'est en sens inverse (Caldwell & Caldwell, 1990). Quelles qu'en soient les raisons, le fait est que la population africaine exercera sur son environnement, dans les années à venir, une pression sans commune mesure avec celle qui s'exerce actuellement. Ceci est une véritable source d'inquiétude en ce qui concerne la survie des espèces sauvages et des environnements naturels. Toute la planification de la politique de développement et de conservation devrait être orientée en conséquence.

La croisance de la population mondiale est suivie tous les 10 ans par une Conférence internationale sur la démographie : Bucarest 1974, Mexico, 1984, Le Caire 1994. En 1974, le Kénya et le Ghana étaient les seuls pays africains à avoir instauré des programmes de régulation démographique. En 1984, la plupart des pays africains subventionnaient des programmes de planning familial. On pense qu'il faudra plus de 20 ans pour que la diminaution de la natalité en Afrique atteigne37% comme en Indonésie ou en Thaïlande

3.3.5.2.2.Elevage

Le développement de l'élevage correspond, au niveau mondial, à une demande accrue de protéines animales. Localement, en Afrique sahélienne, il correspond à une stratégie d'assurance des peuples éleveurs vis-à-vis des périodes de sécheresses aggravées que connaît fréquemment cette région.

Le développement de l'élevage a pour conséquence une augmentation des charges de pâturage à l'hectare, aboutissant à des phénomènes de surpâturage. Ceux-ci ont pour conséquence primaire la disparition du couvert végétal et des espèces qui y participent. La conséquence secondaire est le dénudement du sol qui, exposé directement aux intempéries, s'érode très rapidement.

La demande en viande de boucherie provoque aussi dans les pays à forte couverture forestière (Brésil) des activités de déforestation intense. La forêt fait place à des prairies d'élevage qui se dégradent rapidement et stérilisent le sol. Le développement de l'élevage réduit aussi la diversité biologique en augmentant la compétition entre les ongulés sauvages et les ongulés domestiques. Les ongulés sauvages finissent par céder la place.

3.3.5.2.3. Foresterie

Les richesses biologiques des forêts et savanes sont loin d'être toutes explorées. Ceci n'empêche pas d'y détruire, sous couvert d'opérations de défrichement ou d'exploitation forestière, des espèces qui peuvent être essentielles pour l'homme. Une telle attitude est inadmissible et suicidaire car on sait que les forêts tropicales constituent le plus important gisement botanique de la planète. Malgré les avertissements répétés et les nombreux cris d'alarme, le taux de déforestation des forêts tropicales denses (celles où les arbres couvrent plus de 20 % du sol) continue de s'accélérer. Selon le World Ressource Institute, les pays les plus touchés sont les Brésil, l'Indonésie, l'Inde et la Birmanie. En 1980, 7 413 000 ha ont été coupés (FAO : 11,3 M ha). En 1987, 16 308 600 ha ont été coupés (in : Nat. Geog. Mag. 178 (1) : 142). Les chiffres de la FAO font état de la disparition de 17,1 millions d'hectares par an en 1990. Un acre (0,4 ha) de forêt tropicale disparait à chaque seconde! Selon le PNUE, la moitié du stock de forêts tropicales a disparu depuis 50 ans. En Côte d'Ivoire, la forêt a régressé de 75 % depuis 1960 ; au Ghana, 80 % de la forêt a disparu. L'estimation courante est de 10 à 30 ans avant l'éradication de la forêt tropicale. Ces chiffres témoignent de l'urgence du problème en particulier en Afrique, dans la zone intertropicale. On rappellera alors pour mémoire, que l'Afrique fut appelée, au début du 19ème siècle, le "continent noir" en raison de ses immenses étendues de végétation tropicales où la lumière solaire atteignait rarement le sol!

La destruction des écosystèmes tropicaux est la principale cause actuelle de la diminution de la biodiversité.

3.3.5.2.4. Commerce illicite de denrées biologiques

L'engouement de certains individus pour se procurer des espèces exotiques ou les produits d'espèces exotiques est une cause importante de réduction de la biodiversité. Elle concerne au premier chef les espèces les plus rares, car la rareté est toujours un élément inflationniste du prix des denrées.

Dans le domaine botanique, le phénomène a concerné (ce n'est pas fini) le groupe des Orchidées, celui des Cactées, celui des plantes dites carnivores. Toutes ces plantes étaient recherchées pour leurs qualités esthétiques et leur rareté par de richissimes collectionneurs privés ou par des institutions (musées, jardins botaniques).

Dans le domaine animal, il existe un important commerce d'animaux vivants qui concerne pratiquement tous les groupes zoologique : des araignées aux papillons, des poissons aux mammifères. Les effets sont particulièrement préoccupants pour certains groupes africains comme les oiseaux et les primates.

Le commerce des produits d'origine animale est aussi une importante cause de disparition d'espèces. La destruction de reptiles (crocodiles, varans, pythons) pour leur peau, la destruction des éléphants pour leur ivoire, la destruction des rhinocéros pour les illusoires vertus aphrodisiaques de leurs cornes, etc...

Le danger de ces pratiques commerciales a entraîné des règles nationales ou internationales concernant le commerce et l'exportation des ces êtres ou produits. L'observation de ces règles est du ressort des ministères des finances, par l'intermédiaire de leurs services de douanes principalement. L'efficacité de ceux-ci repose sur la capacité de ces fonctionnaires à distinguer les espèces protégées des espèces banales. Une formation spécifique leur est donc nécessaire. En cas de saisie, des protocoles destinés à assurer la survie des organismes confisqués doit être mis en place.

3.3.5.2.5. Lesintroductions

Introduire une nouvelle espèce dans un écosystème (qu'elle quen soit la raison) peut à l'origine de graves déséquilibre entrainant la disparition d'espèces autochtones non préparée à ce type de concurrence et réduisant la diversité des environnements naturels de façon dramatique.

Cas de la Nouvelle Zélande, cas de l'AUSTRALIE, cas des iles en général (Comores)

Exemple animal : lapin en australie, rat en Nouvelle Zélande, étourneau en Amérique.

Exemple végétal : Jacinthe d'eau - Goyavier de Chine aux Comores.

3.3.5.2.6. Pollution

La pollution a une origine industrielle ou agricole. Dans ce dernier cas, les engrais et surtout les pesticides (insecticides, fongicides, herbicides*) ont une action biocide. En plus des effets chimiques sur l'environnement (pollution des ressources hydriques et accumulation dans les chaînes alimentaires), l'usage de certaines molécules détruit des espèces entières (insectes) par action directe ou indirecte. L'action indirecte a été mise en évidence sur la fécondité des oiseaux rapaces en particulier. Des espèces aussi éloignées des sources de pollution que les manchots de l'Antarctique sont actuellement touchées par ce phénomène. Retour

3.3.5.3. Conséquences immédiates de la réduction actuelle de la biodiversité
Les conséquences immédiates de l'érosion de la biodiversité concernent bien entendu au premier chef le constat de disparition accélérée d'espèces et d'écosystèmes, mais aussi celui de l'apparition de nouvelles formes de résistance. Le corollaire en est, dans les zones intertropicales, la stérilisation des sols avec une accélération des phénomènes érosifs.

3.3.5.3.1. Disparition d'espèces et d'écosystèmes

Il n'est pas facile d'estimer avec objectivité l'intensité de la diminution présente de la biodiversité. Outre notre absence de savoir quant au nombre d'espèces existant, la vitesse de disparition varie d'un groupe zoologique à l'autre mais aussi d'un écosystème à l'autre.

La disparition d'espèces peut être appréciée, pour les groupes les mieux connus, car ses organismes sont plus grands, plus intéressants ou plus utiles pour l'homme. On estime que, depuis le 17ème siècle, 113 espèces d'oiseaux et 83 espèces de mammifères ont disparu. Cela représente respectivement 1,3 et 2,1 % des espèces connues de ces classes (W.v. Reid & al., 1989, Keeping options alive. World Resources Institute, Washington DC : 35). Comme indiqué plus haut, ces groupes ne représentent qu'une infime minorité des espèces vivantes de notre planète. Cependant, il faut considérer que 75% des mammifères et des oiseaux qui ont disparu au cours de la période historique étaient des espèces insulaires (Frankel & Soulé, 1981), montrant bien le caractère fragile de ces écosystèmes.

Les estimations proposées de l'érosion de la biodiversité sont réalisées à partir de quelques observations ponctuelles et généralisées grâce à des modèles biogéographiques appliqués, en particulier, au cas de la forêt tropicale. Un de ces modèles montre que si la surface d'un écosystème est réduite de 90 %, le nombre d'espèces diminue de moitié. Cela correspondrait à une réduction de la diversité de 15 à 20 % d'ici l'an 2020 (déforestation tropicale). Si le processus de déforestation s'accélère, comme certains indices portent à le croire, et que seules les aires bénéficiant actuellement d'un statut de protection sont épargnées, c'est 40 à 70 % des espèces qui disparaîtraient (W.v. Reid et al., 1989). Cela montre bien toute l'importance que prennent, dorénavant, les aires protégées tropicales et l'intérêt qu'il y a à en augmenter le nombre et à se placer dans une stratégie de développement durable.

Le biologiste américain E.O. Wilson (1985) a estimé la disparition annuelle d'espèces à 17.500. Son modèle d'estimation repose sur une hypothèse de richesse biologique totale de 5 millions d'espèces tropicales, dont la moitié est très localisée dans les forêts pluviales tropicales qui connaissent un taux de déboisement de 7 [[perthousand]] par an.

Des paléontologistes (Raup D.M., 1988) ont estimé la vitesse d'extinction de la faune lors, des grandes extinctions du Primaire et du Secondaire, à 2 espèces par an. Le rythme actuel est en tout état de cause infiniment supérieur à ce rythme "naturel" : près de 10.000 fois supérieur.

Dans les écosystèmes forestiers tropicaux (forêts pluviales en particulier), la fragilité est le point crucial. La stabilité climacique, que l'on a souvent associé à la notion de forêt, n'est qu'apparente. Elle masque en fait une grande fragilité : abattre un arbre, c'est aussi supprimer tous les autres êtres vivants qui en vivent : épiphytes, invertébrés, petits vertébrés, bactéries, etc... Abattre un arbre provoque non seulement la disparition d'individus, mais aussi celle d'éléments représentatifs de l'écosystème : ressources alimentaires et abris potentiels. De ce fait, les espaces utilisables par de nombreuses espèces animales (oiseaux, singes) se réduisent. Des systèmes biologiques, qui comme les forêts tropicales, ont mis des millions d'années pour s'élaborer, peuvent désormais être détruits en quelques jours, stérilisant de façon durable d'immenses surfaces de la planète.

La fragilité d'une espèce sera d'autant plus grande qu'elle aura développé des relations étroites ou obligatoires avec d'autres espèces. C'est par exemple le cas des espèces animales extrêmement spécialisés au niveau alimentaire. La disparition de d'une espèce végétale peut alors entraîner la disparition de son consommateur. C'est le cas du Grand Panda de Chine, espèce du groupe des Ours, emblème du WWF, qui ne se nourrit que de quelques espèces de bambous. Cet animal est donc totalement inféodé à l'écosystème de la forêt de bambous chinoise. Une adaptation aussi étroite entre une espèce animale et une espèce végétale fragilise le porteur de caractère vis-à-vis des changements de l'environnement. Tout changement climatique ou toute action anthropique provoquant la disparition des bambous entraînera ipso facto celle du grand panda. Au cours de ce siècle, une sécheresse prolongée a conduit à une diminution dramatique du stock de pandas. Ce même exemple peut être repris pour bien des espèces animales que ce soient les koalas australiens liés à certains eucalyptus, ou certaines antilopes de milieux humides et forestiers.

Des espèces éclectiques seront au contraire capable de s'adapter à des circonstances de milieu ou de climat très variables et de présenter des phénomènes de pullulation : rat surmulot, lapin de garenne, étourneau sansonnet.

Parmi les modèles d'érosion proposés, celui de Reid (1992) envisage l'extinction des espèces vivant en forêt tropicale au cours des 50 prochaines années, en fonction de deux taux de déforestation: le taux actuel et un taux supérieur de 50%. Selon les cas, entre 15 et 30% des espèces vivant en forêt tropicale auraient disparu dans 50 ans.

3.3.5.3.2. Apparition de souches résistantes

Etroitement lié à la disparition des génotypes les plus sensibles, s'est développé le phénomène d'apparition de nouvelles souches génétiques : en liaison avec l'utilisation d'insecticides de synthèse pour l'éradication massive d'insectes, en vecteurs du paludisme et d'autres maladies infectieuses, on a constaté la rapide mise en place d'une forme de réaction biologique.

Dans un premier temps, le traitement provoque une élimination massive des insectes. Mais rapidement (à l'échelle de l'horloge génétique), on constate l'apparition de souches résistantes. Par exemple, dans les populations californiennes de Culex pipiens, certains moustiques survivent à des doses de Téméphos (insecticide organophosphoré) 800 fois plus élevées qu'il y a 20 ans. On a montré que cette résistance est due à une mutation d'un enzyme (estérase B1) qui protège les cellules nerveuses du moustique de l'action de la molécule de Téméphos. Cette mutation correspond à la multiplication du nombre de copies du gène spécifiant la synthèse de la molécule protectrice. On a constaté, chez les formes résistantes, jusqu'à 250 fois plus de copies que chez les formes sensibles.

3.3.5.3.3. Erosion et stérilisation des sols tropicaux

Ces deux phénomènes sont les conséquences primaires de la déforestation et du surpâturage.

Le déboisement des forêts tropicales réalisé par des sociétés industrielles ou des gouvernements à des fins spéculatives aboutit l'abattage de 4 à 10 % des arbres mais près d'un tiers des terres déboisées est livré à l'érosion. Cette utilisation destructive et restreinte des ressources biologiques de la forêt pluviale est aberrante car Prance et al. (1987) ont montré que les populations indigènes d'Amazonie utilisent à des fins d'usage et d'économie locale (alimentation, construction, matière première, thérapeutique, commerce) (c'est à dire en excluant le bois de feu et la nourriture du bétail) 48 à 79 % des espèces d'arbres de leurs forêts. De ce fait, ces forêts prennent une valeur culturelle énorme. La destruction de ces milieux constitue à la fois un crime écologique et un crime culturel (ethnocide).

L'étude des processus de dégradation de l'environnement liés à la déforestation a permis de montrer que le milieu réagit différemment suivant le type d'agression auquel il est soumis. Une étude, faite dans la forêt amazonienne (Uhl & Saldariaga, 1987), a permis de comparer l'évolution de parcelles déboisées selon les méthodes de culture traditionnelle (culture itinérante) et selon les méthodes industrielle de déforestation mécanique.

Les lieux de culture traditionnelle abandonnés présentent de nombreux microhabitats sur lesquels se développent des espèces herbacées, des arbustes, des restes d'arbres cultivés, ananas, manioc, restes de troncs et souches. Un an après l'abandon, les zones comprenant arbres fruitiers et souches présentaient beaucoup plus de plantes ligneuses que les sols laissés nus. L'étude a porté sur des parcelles agricoles dont l'abandon variait de 9 à 80 ans. La biomasse aérienne augmente au cours du temps : 15 tonnes par hectare en 2 ans, 150 tonnes /ha en 60 ans. Il y a ensuite stabilisation. En 80 ans ces parcelles n'ont reconstitué que 60% de la biomasse de la forêt adulte non perturbée (255 t/ha). Les calculs montrent qu'il faut entre 150 et 200 ans pour que se reconstitue une biomasse comparable à celle de la forêt adulte intacte. Donc les forêts se reconstituent (lentement...) après une culture itinérante parce que cette pratique n'entraîne que des altérations minimes et que la végétation bénéficie des sources voisines de graines, des nutriments fournis par la décomposition végétale, de la coaction des animaux pollinisateurs et frugivores (zoochorie).

Les déboisements produits à l'aide d'engins mécaniques (bulldozers), ou ceux destinés à la réalisation de pâturages, subissent eux des perturbations beaucoup plus intenses. L'évolution d'un site de 10 ha, dégagé au bulldozer puis abandonné (1971), au Vénézuéla, a été analysée pendant les 10 années suivantes. La destruction fut complète (végétation aérienne, souches, racines) et le terrain totalement mis à nu. Dix ans après, la zone concernée n'avait pas évolué : seule une végétation herbacée et arbustive de 2 t/ha s'était développée. La reconstitution de la biomasse de la forêt adulte demanderait dans ce cas plus de 1000 ans.

Cet exemple illustre bien le problème de fragilité des écosystèmes tropicaux et les pertes de richesse non seulement biologique mais aussi économiques qui en résultent.

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