4. LA GESTION

 
4.1. Intérêt de la biodiversité dans la gestion des écosystèmes naturels
4.1.1. Notion de placement et de niche écologique
4.1.2. Complémentarité et diversité
4.1.3. Nécessité d'optimiser la gestion des écosystèmes naturels


Commenter la figure 3 (stratégie globale de la biodiversité) de l'article de Reid 1992, concernant les niveaux d'intervention (local, régional, national, international) et les secteurs de l'intervention (information, savoir, éthique, conscience). Complexité et interaction = système.

4.1. Intérêt de la biodiversité dans la gestion des écosystèmes naturels.

Mettre en évidence le rôle de la biodiversité dans l'exploitation des ressources d'un écosystème revient à faire appel à des informations apportées à la fois par les écologistes (étude des caractéristiques physiques et biotiques de l'environnement considéré) et par les éthologistes (comportements et impact des comportements sur l'environnement, au niveau des individus et des groupes sociaux). L'étude d'un certain nombre de cas, dans le monde animal, a mis en relief l'étroite interaction existant entre les caractéristiques d'un habitat (climat, géomorphologie et pédologie, hydrologie, formations végétales et phénologie de celles-ci, structure des paysages, etc...), le prélèvement de ressources (en diversité et en variété) et l'adéquation du répertoire comportemental et des structures sociales des espèces animales concernées. Nous aurons l'occasion de préciser ces points particuliers concernant l'approche éco-éthologique, dans le second thème. Retour

4.1.1. Notion de placement et de niche écologique

L'observation précise des relations entre un organisme animal et son environnement fait apparaître que les sujets ne circulent pas en permanence, de façon erratique, à l'intérieur du volume disponible définit comme étant le biotope de cette espèce. On observe au contraire que le sujet limite son activité au prélèvement de certaines ressources (en quantité et en variété). Cette première restriction définit la notion de niche écologique ou impact de l'individu sur l'environnement : appelé par certains "profession" de l'organisme considéré. Une observation de la distribution spatio-temporelle des activités animales fait apparaître qu'il y a aussi limitation dans le temps (une partie de l'années, une partie de la journée) et dans l'espace de la distribution des activités : des observations faites sur les talapoins (cercopithèques gabonais) montrent que le groupe se localise dans des portions très précises de la forêt où le sujet prélève sa nourriture (par moment végétale, par moment animale), que sa présence est liée à la présence de collections d'eau, etc. Il y a donc placement de l'individu dans l'environnement (ce placement correspond à une probabilité de présence, mais ne préjuge pas des caractéristiques éthologiques que le sujet pourra y associer (notions de domaine vital ou de territoire, cf. infra). Retour

4.1.2. Complémentarité et diversité

Placement et niche écologique sont deux concepts associés. Ces deux notions permettent de comprendre que dans un environnement déterminé, la spécialisation de chaque espèce permettra à plusieurs autres espèces d'occuper la même zone, simultanément ou successivement, au cours d'un cycle annuel, par exemple. L'un des meilleurs exemples documentés sur ce sujet est celui de l'exploitation de l'écosystème du Sérengéti (Parc national de 13.000 km2 en Tanzanie) par les grands herbivores. En se limitant aux espèces les plus nombreuses de ce parc national, on constate que certaines espèces sont sédentaires : peu inféodées au besoin de boire, les gazelles de Grant (brouteur) et les oryx (paisseur) sont des espèces xérotolérantes qui restent dans la plaine desséchée pendant la saison sèche. Les autres espèces sont migrantes et décrivent dans l'ensemble une migration annuelle qui les fait passer des milieux de plaine herbacée aux milieux de la forêt claire à acacias. Trois espèces migratrices on été plus particulièrement étudiées en raison de leur importance numérique et de leur biomasse : le zèbre, le gnou, la gazelle de Thompson.

Le zèbre (170.000 environ, 200 kg) est un herbivore non ruminant, paisseur, qui se nourrit à 99,9% de graminées et qui s'abreuve régulièrement. Il préfère des formations végétales hautes dont il consomme surtout les tiges et les gaines.

Le gnou (250 à 850.000 selon les méthodes, 200 kg) est un herbivore ruminant, paisseur, qui se nourrit à 100% de graminées et qui s'abreuve régulièrement. Il préfère des formations végétales basses dont il consomme surtout les gaines, puis les tiges.

La gazelle de Thompson (200 à 400.000 individus, 40 kg) est un herbivore ruminant, paisseur et brouteur, dont le régime alimentaire comprend pour 1/3 des dicotylédones et pour 2/3 des graminées. Elle s'abreuve régulièrement et préfère des formations végétales très courtes dont elle consomme surtout les gaines.

Ces trois espèces représentent 80% de la biomasse animale du Parc national du Sérengéti. Leurs fortes densités animales observées s'expliquent par une utilisation successive des différentes ressources produites par l'écosystème. L'utilisation de ces ressources donne lieu à un déplacement migratoire circulaire de ces trois espèces qui exploitent chacune la partie des ressources qui leur est accessible et optimale : d'abord les zèbres, puis les gnous. Le passage de ces deux espèces de grande taille, en fin de saison des pluies, provoque une forte réduction de la biomasse végétale verte et une modification mécanique de l'environnement (piétinement, sentiers). Les gazelles de Thompson, en raison de leur petite taille, peuvent exploiter plus longtemps la formation de prairie courte et sèche. Elles ne parviennent dans les milieux modifiés par l'action des zèbres et des gnous que quelques semaines après ces animaux. La biomasse végétale a été alors en grande partie régénérée. Le milieu plus ouvert, après passage des gros herbivores, permet à ces petites antilopes d'exploiter des ressources qui autrement ne leur seraient pas accessibles et qui seraient quantitativement moins abondantes.

Dans la constitution de cet écosystème, il y a donc complémentarité d'action des membres de la communauté. Ceci a pour effet d'augmenter la biomasse produite et d'accroître la diversité biologique de ce milieu. L'exemple du Sérengéti est un exemple-type. Ce n'est pas le seul qui soit connu : un exemple aussi intéressant, qui mériterait d'être davantage documenté, par des études plus nombreuses, est celui des grands herbivores de savane de Côte d'Ivoire, qui se succèdent au pâturage (Projet IVC 87, PNUD-UNESCO). Le cycle d'utilisation qui est, ici, mis en évidence fait intervenir, d'abord, des animaux paisseurs d'herbes hautes et de buissons ou arbustes comme l'éléphant, l'hippopotame et le buffle, dont l'action de prélèvement et le piétinement aèrent la strate herbacée et favorisent le tallage des graminées. Ces formations graminacées sont ensuite accessibles aux paisseurs ou brouteurs d'herbes moyennes et haute que sont les bubales et les hippotragues. Le milieu, suffisamment transformé, est alors exploitable par les cobs de Buffon, puis, au stade de l'herbe rase, par les phacochères. Retour

4.1.3. Nécessité d'optimiser la gestion des écosystèmes naturels

Ces exemples illustrent l'importance, pour un écosystème, de présenter une forte diversité biologique. Ce sera un atout en matière de production de biomasse et donc, sur le plan économique, les possibilités d'exploitation de ces écosystèmes, dans le circuit économique humain, seront optimisées. Les écosystèmes de savanes se prêtent bien à de telles successions-associations entre formations végétales et communautés de grands herbivores. Encore faut-il en connaître les mécanismes précis afin de pouvoir en retirer des bénéfices et non y introduire des dégradations. Les successions observées au Sérengéti ne sont pas analogues à celles observées en Côte d'Ivoire. Celles qui doivent exister dans le W du Niger seront encore différentes. Ces exemples montrent bien le lien qu'il y a entre productivité brute d'un écosystème, intérêt économique et nécessité de disposer d'un savoir objectif concernant les flux d'énergie et de matière dans ces systèmes. Donc, la nécessité d'y déveloper-maintenir une activité de surveillance et de recherche.

On doit pouvoir transposer ces exemples dans le domaine des écosystèmes modifiés par l'agriculture ou des agrocénoses, et observer des conséquences analogues. On augmentera la richesse de production d'un milieu, non pas en intensifiant des monoproductions (animales ou végétales) mais en diversifiant les productions. Dans les zones sensibles (en particulier, les zones arides et semi-arides) de l'Afrique de l'Ouest, il est indispensable de développer des pratiques d'élevages mixtes ainsi que les cultures associées. Par élevage mixtes il faut entendre non seulement des élevages où la complémentarité des espèces domestiques (bovins, ovins, caprins, camelins) jouera un rôle analogue à celui décrit ci-dessus pour les ongulés sauvages, mais aussi un élevage qui associera des espèces domestiques classiques et des espèces sauvages indigènes, issues d'élevages (ou dont l'élevage permettrait de régénérer les populations naturelles). Par cultures associées, il faut entendre non seulement le mélange, dans la même planche, de maïs et de manioc ou de niébé, mais aussi l'association de cultures pérennes (arbres et arbustes) à des cultures saisonnières (fruits, légumes, céréales).

En fait, la mixité devrait aller au-delà de culture et élevage et il conviendrait de mettre en place une structure morcelée-imbriquée (patchwork) des productions agricoles (animales et végétales), dans laquelle culture et élevage ne seraient pas des concurrents ou des antagonistes mais des aspects complémentaires d'une stratégie de développement agricole durable.

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