1. INTRODUCTION

Protéger les ressources naturelles est une préoccupation ancienne : en 252 avant J.C., l'empereur de l'Inde Ashoka promulgua le premier édit connu sur la protection des animaux et des forêts. A quoi répondait cette action? Sans doute déjà à la nécessité ou à l'intérêt de protéger certaines richesses naturelles animales ou végétales. Cette préoccupation pour la préoccupation des ressources biologiques, on la retrouve dans la plupart des cultures des peuples de la Terre : en Afrique comme en Europe ou en Asie, des limites d'usage étaient définies et observées, délibérément ou par l'autorité de l'état. Il pouvait s'agir d'interdictions totales (tabous), partielles ou temporaires (saisons de récolte), de limitations à des groupes définis de la population (clans de chasseurs), etc...

La nécessité, ou l'intérêt, de protéger certaines richesses naturelles animales ou végétales s'est accéléré depuis un siècle, un-demi siècle. Elle s'est d'abord traduite par la créations d'aires protégées, puis par diverses codifications. Nous sommes passés d'un concept de protection de l'environnement à un concept de conservation de l'environnement qui implique diverses formes de gestion.

Depuis deux décennies, la prise de conscience d'une accélération des destructions d'écosystèmes (forêt pluviales) (destruction sans exploitation des ressources : en forêt amazonienne, brûlage du bois sans utilisation comme matière première ou comme combustible domestique) s'est faite, entraînant des réactions d'alarme non seulement des scientifiques et gestionnaires d'espaces protégés, mais aussi d'économistes (élaboration de stratégie du développement durable). Le grand public se montre souvent sensible à des faits qui ne concernent pas directement son bien-être ou sa survie et réagit de façon culturelle : en Europe, réactions à la disparition des phoques, des baleines, des éléphants (Noter : souvent plus sensible à ce qui se passe loin, car les conséquences génantes ou déplaisantes des ces actes ne seront pas vécues par eux, notion d'avoir bonne conscience, que le résultat soit positif ou non, du moment que l'on a"donné"). Peu à peu se met en place une éthique de la conservation de la diversité biologique qui se traduit de temps en temps par des lois (sur la chasse aux oiseaux migrateurs en Europe-CEE) et par des attitudes défavorables au développement de certains hobbies (comme la chasse en France).

A la base de tout cela, on trouve la préoccupation de protéger ce qui fait le caractère actuellement unique de notre planète, dans le système solaire et peut-être dans l'Univers, le phénomène de la vie et de la diversité de formes vivantes et d'association entre ces formes et le milieu physique qui se sont élaborées au cours des temps. Tout ces éléments relèvent du concept de la biodiversité et de son analyse.

1.1. NOTIONS DE BASE

1.1.1. Environnement

[KABALA : 44-47] - Le concept de conservation, visant la nature et les ressources naturelles, s'est révélé incapable de répondre aux nouvelles préoccupations issues de la crise de l'environnement humain qui se sont manifesté vers la fin de la décennie 1960. Cette crise était la conséquence des interactions négatives qui s'étaient établies, au fil du temps, entre l'homme et la biosphère. Si les premières références à "l'environnement" remontent aux années 1968-1970, il faut attendre 1972 pour que le concept soit internationalement reconnu lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain, tenue à Stockholm (Suède).

L'observation de la réalité montre qu'il existe des interactions dynamiques entre l'être humain, les groupements communautaires et la biosphère. Ces interactions, en perpétuelle évolution, entre le milieu humain (la culture) et le milieu biophysique (la nature) donnent lieu aux milieux aménagés, construits ou, d'une façon générale, modifiés.

L'environnement comprend les quatre composantes suivantes :

1. les facteurs abiotiques du milieu : climat, sol (biotope)

2. les facteurs biotiques : végétation, faune (biocénose)

3. la population (les êtres humains)

4. la culture (i.e. tout ce qui émane de l'esprit de l'homme)

Ces quatre composantes constituent, conformément à la deuxième loi de la théorie générale de la systémique, des systèmes hiérarchiquement disposés. Les deux premières catégories correspondent à l'écosystème ; que l'on se rappelle ici la hiérarchie des facteurs de Gaussen : climat, sol, végétation, faune. Le concept d'environnement y ajoute l'homme et toutes ses activités, considérées dans leurs relations, dynamiques et évolutives, avec les écosystèmes, naturels ou modifiés. Il permet ainsi d'appréhender la réalité dans sa globalité et, par là, dans sa complexité. "L'environnement est un ensemble de milieux d'influences (milieux humain, naturel, économique) qui agissent sur l'individu à tous les instants de sa vie quotidienne et déterminent en grande partie son comportement dans toutes les dimensions de l'être : sociale, intellectuelle, affective, spirituelle, culturelle".

Par son essence même l'environnement évoque un ensemble, considéré comme un système dynamique, constitué de sous-systèmes (physiques, biologiques, écologiques, économiques, politiques, sociologiques, culturels, etc.). La figure 5 synthétise l'évolution des concepts en matière d'environnement et de développement .

Le concept d'environnement, considéré dans une acception systémique, présente les caractéristiques fondamentales suivantes :

- il met l'accent sur les relations entre les organismes vivants et le milieu, et sur les interactions dynamiques entre composantes du système ;

- il privilégie l'approche globale et systémique ;

- il favorise la diversité qu'il convient de préserver et d'accroître (notion de biodiversité) ;

- il a une portée élargie et vise l'amélioration de la qualité du cadre de vie (qui est aussi la finalité de l'aménagement du territoire) ;

- il se situe dans une perspective à long terme ;

- il conduit à étendre les préoccupations des agents d'intervention au bien-être de l'homme.

L'évolution des idées en ce qui concerne l'environnement se caractérise par un incessant élargissement suivant cinq axes (figure 6) :

1deg./ L'axe cinétique (vitesse). Les changements sont devenus la règle ; la vitesse à laquelle se font les découvertes et leurs applications ne cesse de se réduire ; les bases conceptuelles du développement et de l'environnement s'enrichissent dans cesse, et rapidement. Il y a deux décennies, on ne parlait pratiquement pas de l'environnement.

Figure 5. Problématique du développement et de l'environnement. Approche évolutive des différents concepts.

2deg./ L'axe temporel (temps). Intervient ici l'idée de durabilité ; l'élargissement des préoccupations conduit à la nécessité de la planification à long terme, indispensable dans toute réflexion sur le développement durable.

3deg./ L'axe spatial (espace). Avec l'apparition de changements globaux d'ordre climatiques -comme l'effet de serre, la destruction de la couche d'ozone, les précipitations acides-, l'échelle des préoccupations s'est étendue à la troposphère et à l'atmosphère. La gamme spatiale va ainsi du terroir villageois jusqu'aux couches atmosphériques.

4deg./ L'axe axiologique (valeurs). L'environnement dans son acception globale implique de prendre en compte l'homme et ses besoins ainsi que les interactions dynamiques entre les hommes et la biosphère ; il faut dès lors faire intervenir, outre les connaissances, des valeurs comme la responsabilité de chacun dans la gestion rationnelle des ressources et la solidarité des hommes entre eux ; les valeurs liées à la liberté et au droit de l'homme sont fondamentales.

5deg./ L'axe systémique (système). L'environnement, en tant que système, est tributaire des concepts et des lois qui caractérisent tout système: totalité et émergence, interactions, organisation (structure et fonctionnement), complexité, dynamisme, évolution. Le système doit aussi se maintenir, assurer sa stabilité dynamique, sa régulation. Il est un transformateur d'énergie, couplant la dégradation de l'énergie par une multitude de structures dissipatives à des processus néguentropiques (énergie libre G>0, indispensables à sa conservation au sens thermodynamique (homéostasie).

1.1.1.1. Milieu rural et milieu urbain

La notion de milieu rural englobe l'ensemble des espaces non urbanisés. Ces espaces peuvent être naturels [évoluer ou se modifier sans intervention (discernable) de l'homme], modifiés [gérés et partiellement organisés par l'homme] ou anthropisés [l'homme dirige la quasi totalité des productions, ce sont les agrocénoses]. Cette notion est donc générale, elle n'est pas synonyme de milieu agricole.

Milieu urbain désigne les zones d'habitat humain aggloméré : du village à la mégapole. On y rattache les polygones industriels (usines, zones industrielles, sites de production d'énergie, etc.) et les voies de communication (canaux, routes, voies ferrées, aérodromes). L'extension des milieux urbains est un des traits fondamentaux du 20 siècle (Cf. Carte National Geographic de la côte Est des USA). Il entraine la réduction du milieu rural, localement son insularisation. Généralement il limite ou supprime les flux génétiques et constitue de ce fait un obstacle à l'évolution.

1.1.1.2. Gestion de l'environnement

La gestion de l'environnement s'apparente aux notions d'aménagement du territoire ou d'organisation de l'espace, tout en ayant une portée beaucoup plus vaste. Le terme de "gestion" a l'avantage d'être très extensif. On peut y inclure toutes les formes d'intervention dans l'environnement, qu'il s'agisse d'enquêtes, de recherches, d'élaboration de politiques, d'administration, de protection, de conservation, d'utilisation, d'éducation et de formation, ces interventions ayant pour finalité l'utilisation optimale d'un environnement donné dans la perspective d'un développement durable.

Figure 6. Représentation de l'élargissement du concept d'environnement suivant cinq axes, spatial, temporel, cinétique, axiologique et systémique.

La notion de gestion de l'environnement inclut, dans son acception moderne, l'amélioration de la qualité de l'environnement qui n'est pas sans se répercuter sur la qualité de la vie humaine elle-même.

1.1.2. Patrimoine

culturel, naturel, imbrication des deux

La notion de patrimoine repose sur la notion d'héritage. C'est une notion culturelle (création de l'homme), transgénérationnelle.

Patrimoine : etymologiq. "héritage du père". Désigne depuis le 19è s. l'ensemble des biens transmis par les ancêtres. Le patrimoine peut être revendiqué par les générations futures. Il est de notre devoir de le préserver en le gérant de façon avisée (conserver sa richesse, diversité, productivité) à défaut de l'améliorer. Définir des politique ne reposant pas sur la devise de Louis XIV "post mihi diluvium". Une conscience patrimoniale se développe (se ravive) depuis quelques années en france et dans le monde : patrimoine culturel d'abord (Journées du Patrimoine, conservatoires du patrimoine, valeurs patrimoniales), puis patrimoine naturel. L'importance du patrimoine naturel a été soulignée par l'UNESCO en créant la Convention du Patrimoine mondial Naturele tculturel en 1972 (Cf. partie 5).

Patrimoine naturel national:

Ce concept juridique désigne l'ensemble des richesses non produites par l"homme et situées sur le territoire d'un état considéré. Ce patrimoine comprend les ressources minérales, hydrauliques, mais également les paysages, les espèces animales et végétales constituant des écosystèmes diversifiés et fonctionels.

Comme tout patrimoine, il sera légué à nos descendants désignés par l'expression "générations futures". Contrairement à une opinion triviales en Ociident, juridiquement, nous ne sommes pas "propriétaires" de ces ressources et de ce patrimoine, avons que l'usufruit. Cela est expliqué clairement par l'expression "nous empruntons nos ressources aux générations futures" (citation chef indien, cf. document Parco Nazionale Apennino).

Une gestion sage et avisée implique de ne pas utiliser le capital que constituent les formes biologiques animales et végétales sauvages, les écosystèmes naturels afin de conserver à la fois qualités de vie et possibilités de développement à nos successeurs (Nations Unies, 1992 ; Brundtland, 1987, UICN, 1991).

L'aspect patrimonial de la biodiversité (faune, flore, écosystèmes, habitats, paysages) implique une gestion relevant d'une collectivité (internationale, nationale, régionale, locale) à l'originalité (et à la richesse, au confort) de laquelle cette biodiversité participe (contribue).

Les grues blanches au Japon, les cigognes en Alsace, les marmottes en Savoie , les loups en France, etc... sont des exemples de patrimoines naturels à valeur locale. Le cas des forêts pluviales équatoriales (ou du phytoplancton marin) est un exemple à valeur internationale.

1.1.3. Ressource

naturelles, renouvelables, .biologiques,

Ressource : en général, toute opportunité, matière, énergie, organisme (humain ou non), abri, etc... susceptible d'être utilisé par un individu ou un groupe pour son usage direct ou indirect (échange).

Ressources naturelle : productions de l'environnement que l'homme peut utiliser pour son développemen, sa vie, sa survie. Il peut s'agir aussi bien d'énergie, de matière, d'informations.

Classiquement on distingue des ressources naturelles renouvelables et des ressources épuisables.

Les ressources épuisables ne sont en fait pas renouvelables à l'échelle temporelle de notre utilisation (renouvellement géologique sur plusieurs M années). Exemple : énergie fossile (charbon, pétrole) et matières minérales (métaux, roches). Ces ressources doivent donc être utilisées avec sagesse et les produits en découlant doivent donner lieu à des opérations de recyclage. Les ressources renouvelables ne peuvent le rester que si nous leur laissons le temps de se renouveler.

Ressources naturelles renouvelables : comprennent des formes d'énergie (hydraulique, solaire, biologique) et de matière (organismes biologique : plantes et animaux et aussi leurs associations : écosystèmes et paysages).

La vie des populations humaines repose essentiellement sur l'utilisation de ressources biologiques et sur le libre accès à ces ressources.

En raison de leur importance, ces ressources n'ont pas seulement une valeur "énergétique" (calories pour le fonctionnement des organismes) ou "structurelle" (apport de molécules pour l'élaboration des organismes). Elles ont, au cours du développement des sociétés humaines, acquis des valeurs fondamentales : sociales, éthiques, culturelles et économiques. Ces différents aspects des ressources biologiques apparaissent dans les documents historiques, artistiques, et dans la littérature, depuis le début des temps. L'interprétation qu'en ont fait les hommes depuis des millénaires est souvent le guide inconscient des modes actuels de gestion de ces ressources.

Exemple : position des religions monothéistes sur la faune et la flore. Dans la Bible, la recommandation de Dieu aux hommes est claire : "Soyez féconds, multipliez, emplissez la Terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. Je vous donne toutes les herbes portant semence qui sont sur toute la surface de la terre, tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture. A toutes les bêtes sauvages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui rampe sur la terre et qui est animé de vie, je donne pour nourriture toute la verdure des plantes;" (Genèse, 1 (28-31). L'interprétation de ces lignes a eu des conséquences quant à l'évolution des écosystèmes et de la biodiversité : déforestation de l'Europe occidentale, lutte contre les fauves assimilés à l'image du diable, etc...

La réflexion actuelle tend à s'appuyer davantage sur des données objectives que l'urgence démographique a fait apparaitre au cours des dernières décennies.

Cependant, dans toutes les situations où la préservation des ressources biologiques s'oppose aux intérêts financiers immédiats ou est source de dépenses productives (investissements) pour les générations futures, il est indispensable de faire la preuve de la valeur de ces ressources biologiques.

Lors de la mise en évidence de la nécessité de préserver les ressources biologiques, un premier problème est causé par la différence des échelles de temps impliquées : les modèles économiques standards (classiques) n'accordent aucun poids aux bénéfices (projets) à long-terme. Seuls les bénéfices (ou les coûts) immédiats sont pris en compte. Or, nous le verrons, la préservation des ressources naturelles exige une planification sur plusieurs décennies, une planification à l'échelle des générations.

Une telle planification ne peut être que du ressort des états. On peut déplorer que les états modernes soient assujettis aux lois du système de marché/libre-échange plus qu'au confort à long terme de leurs administrés. Ce ne fut pas toujours le cas. Au 17-18 siècle, le gouvernement français planifiait la production des forêts de chêne sur des durées longues (un chêne demande près d'un siècle pour être exploitable) car ces arbres étaient indispensable à la construction navale base de nos flottes de guerre et de commerce et base de notre prospérité économique et de notre indépendance. de telles préoccupations ne semblent plus d emise t le chêne autochtone a cédé le pas dans nos forêts au sapin de Douglas américain.

Les impératifs politiques de l'état sont actuellement bien trop souvent rythmés par des échéances ayant une importance individuelle (quinquennats, septennats) qui excluent les projets (planifications) à long terme.

Nous verrons plus loin que les nouvelles approches économiques doivent incorporer (prendre en compte) les valeurs monétaires et non monétaires des alternatives proposées et non se limiter à la prise en compte du prix (valeur ou coût) immédiat des ressources biologiques.

1.1.4. Ethique

Les gouvernements au niveau mondial ont commencé a considérer les aspects éthiques de la conservation des ressources biologiques.

L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté solemnellement en 1982 la "CHARTE MONDIALE POUR LA NATURE". Cette charte reconnait que l'humanité est partie de la nature, que chaque forme de vie est unique et mérite d'être respectée sans référer à son utilité pour l'homme. La pérennité des bénéfices des ressources biologiques repose sur le maintien (continuité) des processus écologiques essentiels, des systèmes supportant la vie et sur la diversité des formes vivantes. La charte incite à développer des stratégies pour conserver la nature, développer la recherche scientifique, surveiller (monitoring) les espèces et écosystèmes et des actions de coopération internationales pour assurer la conservation.

Depuis ce premier texte, d'autres documents de réflexion et stratégies ont été proposées comme : "Our common future" ou Rapport Brundtland (1987), "la stratégie mondiale de la conservation" de l'UICN et sa mise à jour de 1990 "Sauvons la planète".

Quelques bases d'éthique universellement admises :

Le monde est un ensemble interdépendant composé de communautés naturelles et humaines. Le bien-être et la santé de chaque composant dépendent de la santé et du bien-être des autres composants.

L'humanité fait partie de la nature et les humains sont soumis aux mêmes lois écologiques immuables que les autres espèces de la planète. Toute forme de vie dépend du fonctionnement ininterrompu des systèmes naturels qui assurent les apports d'énergie et de matière nécessaires. Une responsabilité écologique entre tous les peuples est nécessaire pour assurer la survie, la sécurité, l'égalité et la dignité de toutes les communautés mondiales. La culture humaine doit être construite sur un profond respect de la nature, un sens de faire partie de la nature et reconnaitre que les activités humaines doivent se développer en harmonie et équilibre avec la nature.

Les limites écologiques à l'intérieur desquelles nous devons agir ne sont pas des limites à l'effort humain mais peuvent constituer des guides et orientations afin que l'activité humaine puisse assurer la stabilité et la diversité de l'environnement.

Toutes les espèces ont un droit intrinsèque à l'existence. Les processus écologiques qui supportent (entretiennent) l'intégrité de la biosphère et la diversité de ses espèces, paysages et habitats doivent être maintenus. De même, l'ensemble des adaptations culturelles humaines aux environnements locaux doit pouvoir être maintenue et prospérer.

La durabilité (sustainability) devrait être le principe de base de tout développement économique et social. Les valeurs individuelles et sociales devraient être choisies pour accentuer la richesse de la flore, de la faune et de l'expérience humaine. Ces fondements (bases) moraux permettront aux nombreuses valeurs utilitaires de la nature (alimentation, santé, science, technologie, industrie et récréation) d'être distribuées équitablement et durablement pour les générations futures.

Le bien-être des générations futures est une responsabilité sociale de la génération actuelle. C'est pourquoi la génération présente doit limiter sa consommation de ressources non renouvelables au niveau qui est nécessaire pour assurer les besoins essentiels de la société et s'assurer que les ressources renouvelables sont gérées de façon durable.

Toutes les personnes doivent pouvoir exercer leur responsabilité pour leur propre existence et pour la vie sur terre. Elles doivent, de ce fait, avoir plein accès à l'éducation, à l'expression politique (démocratie) et à des moyens d'existence durables (non précaires).

La diversité dans les expressions éthiques et culturelles envers la vie humaine et la vie sauvage (flore, faune) doit être encouragée en promouvant des systèmes relationnels qui accroissent la diversité de la vie, quelque soient les idéologies politiques, religieuses ou économiques dominantes dans une société.

1.1.5. Développement

1.1.5.1. Développement

[KABALA : 49-50] - Au cours des années 1960 -première décennie du développement (1961-1970)-, la toile de fond de la politique de développement était l'assistance. Durant les années 1970 -deuxième décennie du développement (1971-1980)-, on lui a substitué une approche plus mercantile. La deuxième décennie du développement a vu l'Occident apporter vers les pays en développement son modèle de croissance industrielle. Suivant les partisans de cette stratégie, au-delà d'un certain seuil d'investissement, devait s'amorcer un processus conduisant à la croissance régulière et au développement. Les déboires et les échecs de cette approche ont été largement reconnus. L'accent mis sur l'industrialisation, au détriment de l'agriculture et du développement rural, a conduit dans plusieurs cas à l'exode rural, à une urbanisation sauvage et à une diminution de la production alimentaire, dont de nombreux pays du tiers-monde, et en particulier l'Afrique, ressentent actuellement les effets.

De nombreuses réflexions ont été consacrées ces dernières années, au développement, à l'environnement et aux problèmes de gestion rationnelle des ressources naturelles. Elles ont conduit à l'élaboration d'une nouvelle stratégie de développement qui, si elle était mise en oeuvre de manière coordonnée, devrait permettre d'éliminer de façon progressive la pauvreté en ses causes, objectif qui est bien différent de celui qui consiste à accorder une aide directe à ceux qui ont faim et souffrent de dénuement. Si une aide d'urgence est pleinement justifiée dans le cas de crises aiguës, c'est à une action plus durable -prenant la forme d'un appui technique, financier et pédagogique-, à la maîtrise des techniques et à des structures mieux adaptées aux vrais besoins des pays, qu'il faut faire appel pour engendrer un processus de développement véritable. La notion de développement rural intégré fut l'objet d'un symposium interrégional à Berlin en 1977. L'Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT) organisa un premier séminaire international en développement rural intégré, à Bamako en 1978. L'ACCT et le Conseil International d'Education Mésologique (CIEM) convoquèrent conjointement les 2è et 3è séminaires internationaux sur le même thème.

1.1.5.2. Développement durable

[KABALA : 49-50] - Deux rapports de l'ONU, "Perspectives relatives à l'environnement jusqu'à l'an 2000 et au-delà "et "Notre avenir commun" de la Commission mondiale pour l'environnement et le développement ont mis l'accent sur la nécessité d'adopter des stratégies à long terme dans le domaine de l'environnement si l'on veut réussir un développement durable. A cet égard, l'éducation mésologique revêt une importance particulière.

Cette éducation est conçue pour embrasser les problèmes de développement dans une vaste perspective, considérant non seulement le contexte actuel, lui-même changeant, mais encore l'ensemble des générations à venir. La notion de développement durable suppose la satisfaction des besoins actuels sans affecter les générations futures.

Il s'agit aussi de prévoir les effets défavorables que peuvent avoir les projets de développement sur l'environnement et sa qualité. Des mesures législatives doivent rendre obligatoires les évaluations des impacts sur l'environnement de tous les projets de développement. Cette exigence s'imposer pour préserver la qualité du milieu de vie.

1.1.5.3. Développement humain

[KABALA : 49-50] - Contrastant avec l'approche classique, sectorielle, parcellaire et étriquée, que l'on trouve notamment dans les analyses économiques des politiques d`ajustement structurel, le PNUD vient de publier un rapport sur "le développement humain" (1990) qui porte, lui, sur les hommes. Les hommes ne peuvent pas être réduits à la simple dimension de créatures économiques, approche totalement réductionniste qu'affectionnent les économistes orthodoxes et qui n'a conduit qu'à des déboires au point d'avoir précipité l'Afrique dans le gouffre. En réalité, il importe que soit considérée la totalité du spectre au travers duquel s'épanouissent et sont mises en oeuvre les capacités humaines.

Nous donnons à la figure 7 une illustration de la nouvelle approche qu'il convient d'adopter si l'on veut aborder valablement -en vue de les résoudre- les grands problèmes de l'environnement et du développement ; les éléments qui figurent à gauche de la figure se rapportent à l'approche classique, ceux placés à droite, l'approche systémique. Dans le rapport du PNUD, et c'est là une innovation, le développement humain n'est pas seulement mesuré sur la seule base du revenu per capita, mais traduit par un indice composite -appelé indice du développement humain- qui intègre l'espérance de vie, le degré d'alphabétisation et un terme qui synthétise l'emprise que l'homme peut avoir sur les ressources, afin de pouvoir jouir de conditions de vie décente.

Afin d'étayer la notion de développement humain, nous donnons, en annexe, une série de tableaux réunissant les indicateurs de différents aspects du développement humain pour 24 pays africains. [Tableaux 1, 2, 3, 4, 4 bis, 5, 5 bis, 6, 7, 8].

1.1.6. Conservation et protection

1.1.6.1. Période d'ignorance écologique

[KABALA : 41-44] - La plus longue période de l'histoire de l'humanité s'est caractérisée par l'ignorance des rapports réciproques existant entre le monde vivant et non vivant. La figure 4 illustre l'évolution des concepts en matière de gestion rationnelle des écosystèmes et des ressources naturelles ainsi que la nécessité d'intégrer environnement et développement.

Figure 4. Evolution du concept d'environnement et rapports avec le développement. Nécessité de l'intégration entre environnement et développement.

Durant cette période que l'on pourrait qualifier de pré-écologique, l'expérience, accumulée peu à peu par les hommes, palliait à l'ignorance de l'écologie scientifique et de ses lois. Cet empirisme a permis de mettre au point des systèmes de production, capables de maintenir, parfois dans des conditions très difficiles, un équilibre entre les groupes communautaires exploitant les ressources naturelles, et le milieu biophysique. Mais souvent aussi, sous la pression des facteurs internes aussi bien qu'externes, l'abandon des règles déterminant l'utilisation traditionnelle des ressources, couplé à l'ignorance écologique, a conduit à la ruine de civilisations prospères. Rappelons la chute de l'Ancien Empire Maya (au Yucatán, Mexique) et référons-nous à la théorie de Koestner sur le déclin de grands empires, appliquée par Bertrand de Jouvenel aux cas de Rome et de la Castille.

1.1.6.2. Protection intégrale

Vers la fin du XIXè siècle et à la suite, entre autres, des graves dégradations infligées aux ressources naturelles par les conquérants du Nouveau Monde (dégradation des forêts ; destruction massive de la faune sauvage ; érosion des sols), une prise de conscience de l'ampleur des impacts occasionnés par l'homme sur le milieu naturel a conduit au concept de protection intégrale de la nature.

Celui-ci fut adopté par les naturalistes de l'époque qui voyaient dans son application une solution aux problèmes de destruction des milieux naturels.

La protection intégrale s'oppose à toute forme d'intervention de quelque nature qu'elle soit, dans un milieu naturel. C'est un concept statique qui n'est pas à lui seul suffisant, car les groupes humains ne peuvent s'empêcher d'exploiter les écosystèmes et les ressources qui en dérivent. Ce concept garde à l'heure actuelle, une valeur plus ou moins théorique qui s'observe au sein des zones de protection absolue que l'on rencontre dans les parcs nationaux, des aires centrales des réserves de la biosphère, des réserves naturelles intégrales, des réserves écologiques, des biens culturels ou naturels du patrimoine mondial ou d'autres aires protégées.

1.1.6.3. Conservation de la nature

Le concept de conservation de la nature renferme comme le souligne Bourlière, à côté d'un aspect statique de stricte protection, un aspect dynamique de mise en valeur rationnelle qui doit permettre de tirer un meilleur parti des ressources naturelles et des milieux biosphériques. L'expression "conservation de la nature" ne fait que préciser l'objet du concept de conservation qui s'applique aussi bien aux milieux naturels vierges -devenus très rares- qu'à ceux que l'homme a modifiés pour la production ou pour l'édification de son habitat.

L'élargissement des préoccupations -passage du concept de protection à celui de conservation- s'est traduit par la modification, en 1956, de l'appellation de l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature et de ses ressources ; siège à Gland, Suisse), qui s'appelait auparavant UIPN ("P", pour "protection"). S'il est nécessaire de modifier la nature, encore faut-il le faire en connaissance de cause, c'est-à-dire de manière rationnelle. La "Stratégie mondiale de la conservation", lancée en 1980 par l'UICN, le PNUE et le WWF, est un document fondamental qui peut à cet égard, servir de guide.

1.1.7. Système et approche systémique

[Notion de système, action, rétroaction, emboitement de systèmes, couplage ecosystème/ethnosystème.]

1.1.7.1. Couplage de l'environnement et du développement durable

[KABALA : 50-51] - La deuxième moitié du XXè siècle a été marquée par l'émergence des préoccupations environnementales. Celles-ci n'avaient retenu l'attention jusqu'alors que de manière épisodique. En deux décennies, dans les pays industrialisés surtout, l'environnement a pris une place importante à la fois dans la vie de tous les jours et comme objet de nature politique.

Parmi les causes des impacts environnementaux, il y a le fonctionnement de la société de consommation. Celui-c implique l'exploitation et la transformation de ressources de basse entropie en biens, en services de toute sorte et en sources d'énergie nécessaires à la satisfaction des besoins humains. L'aboutissement ultime se manifeste par d'incessants flux de rejets qui se présentent sous la forme de liquides, de solides, de gaz et de rayonnements. Ces effluents, parfois gravement toxiques, modifient les différents milieux récepteurs entraînant des problèmes environnementaux, comme la pollution des eaux, des sols et de l'air, la contamination des chaînes trophiques, les précipitations acides, l'effet de serre, la destruction de la couche d'ozone, des ruptures d'équilibre écologiques, etc.

A côté de cette catégorie d'impacts, il y a, se produisant de façon concomitante, des astreintes écologiques qui trouvent leur origine, elles, non plus tant dans les pays industrialisés mais dans les pays du tiers-monde. Elles sont le fait, cette fois, non plus de la consommation de masse, mais du sous-développement et du mal-développement. De nombreux problèmes environnementaux trouvent leur origine dans la pauvreté des populations du tiers-monde, acculées pour assurer leurs besoins de survie immédiats, à utiliser de manière abusive les ressources de leurs terroirs, ce qui engendre, conséquemment, un cortège de graves dommages à l'environnement.

L'analyse des problèmes environnementaux, leur compréhension et la recherche de solutions impliquent que l'environnement et le développement soient traités dans une perspective systémique, comme deux ensembles interdépendants.

En d'autres termes, l'amélioration à long terme de la qualité de l'environnement planétaire passe obligatoirement par le développement du tiers-monde et par une réorientation, dans les pays riches, de la manière de consommer.

Cette dualité de causes, spécifiques au Nord et au Sud -avec bien sûr toute les combinaisons et nuances qu'il y a lieu de reconnaître entre ces deux ensembles-, concourent, les unes comme les autres, à affecter les équilibres biosphériques menaçant -comme c'est déjà observable dans certaines régions du globe- la capacité sustentatrice de la Terre pour la vie humaine.

L'interdépendance entre l'environnement et le développement conduit à reconnaître la nécessité d'associer ces deux domaines dans toutes les réflexions portant sur la recherche de solutions à apporter aux problèmes des sociétés humaines.

Les domaines qui nous apparaissent prioritaires dans les champs de l'environnement et du développement, concernent :

- les stratégies de développement intégré

- la sensibilisation et la mobilisation du public

- la participation des individus et des collectivités aux actions de développement ; cette participation est une des conditions de la mise en oeuvre de stratégies intégrées

- l'éducation et la formation en environnement et en développement sans des actions de cette nature, la participation se trouvera toujours limitée et le développement freiné

- les moyens de communication de masse, base et instrument -avec l'éducation et la formation- de la participation

- la coopération internationale dans un esprit de solidarité et de partenariat compte tenu qu'il est impossible à l'Afrique et à ses peuples de faire seuls le long et difficile périple qui les conduira au développement

- la recherche scientifique qui, bien ciblée, est en mesure de fournir les bases sûres pour un développement viable, durable et humain.

1.1.7.2. La Terre, un système complexe et global

Cette mondialisation des problèmes va de pair avec la complexité des problématiques. Dans la perspective systémique où nous nous situons, la Terre doit être considérée comme un système complexe, caractérisé par sa topographie, ses dimensions, son étendue, ses sols, ses minéraux, ses eaux et ses biocénoses. La Terre et ses constituants s'organisent en écosystèmes qui assument une foule de fonctions et de services, tels que la dégradation et la minéralisation des déchets, la formation des sols, la régulation des processus cycliques (gaz, eau, éléments biogènes). La Terre et les processus qui s'y rattachent forment ainsi un élément important des grands cycles biogéochimiques et sont par là reliés au climat mondial, au temps et à d'autres phénomènes atmosphériques. Dans la perspective systémique que nous suivons ici, l'étude globale des terres gagnerait beaucoup à être intégrée. Une telle approche implique d'accorder dans le développement une place plus importante à l'aménagement du territoire pris dans un sens large.

L'objectif général consiste à protéger et à gérer le système que constituent les terres, de telle façon qu'il fournisse les ressources, les biens et les services nécessaires pour subvenir durablement aux besoins de l'homme. Cela comporte la gestion de la Terre en tant que système et celle des ressources qu'elle renferme.

Soulignons, d'une part, la référence centrale aux besoins de l'homme et, d'autre part, le souci d'y répondre durablement. Considérée globalement, la gestion des terres comprend les dimensions suivantes :

- la planification de l'utilisation des terres et des ressources

- la protection et la gestion des écosystèmes fragiles

- l'approche intégrée de l'aménagement du territoire

- le développement agricole et rural durable.

1.1.7.3. L'analyse systémique appliquée au développement

Depuis quelques décennies, les problèmes complexes --tels que ceux que l'on rencontre dans les milieux ruraux africains --peuvent être abordés par une approche méthodologique nouvelle qui se fonde sur l'analyse des systèmes. Nous en explicitons ci-dessous l'essentiel, examinant en particulier les différents concepts qui caractérisent tout système ainsi que les lois de la théorie générale des systèmes qui le commande. L'application de l'analyse systémique aux problèmes de développement n'a pratiquement pas encore été faite. Or, il y a là une démarche de pensée particulièrement riche, incomparablement supérieure à l'approche analytique classique.
Introduction
Le concept moderne de système s'est progressivement dégagé au cours du dernier demi-siècle. Quelques dates montrent les étapes de l'émergence de ce concept.

Von BERTALANFFY qui avait avancé, avant la dernière guerre mondiale, la "théorie du système général", fonde, en 1954, la "Société pour l'étude des systèmes généraux". Norbert WIENER, professeur au MIT, participe pendant la guerre à la mise au point d'appareils de pointage automatique pour canons antiaériens, et fait des rapprochements entre neurologie et physiologie. Il publie en 1948 son célèbre ouvrage "Cybernetics". La même année, SHANNON publie un autre ouvrage essentiel, "La théorie mathématique de la communication".

MCCULLOGH, neuropsychiatre, étend ses recherches aux mathématiques et à l'ingénierie, engage des travaux importants sur l'intelligence artificielle et fonde une nouvelle science, la bionique. FORRESTER, enfin, élargit à partir de 1960 le champ d'application de toute nouvelle systémique à la dynamique industrielle, puis élabore une dynamique générale des systèmes. Ses travaux sont à l'origine immédiate du rapport établi par le "Club de Rome" et publié en 1972 sous le titre de Halte à la croissance.

Le concept de système constitue un outil nouveau, capable d'aider à résoudre des problèmes complexes comme ceux que l'on rencontre dans les domaines de la conservation et du développement rural intégré. L'approche systémique est de l'ordre des méthodes de pensée. Elle constitue une approche intellectuelle très riche.

L'approche systémique est aussi une révolution. En effet, la science occidentale s'est édifiée sur le rationalisme hérité d'Aristote et repris dans le Discours de la méthode de Descartes (1637).

Définitions de système
Pour DE SAUSSURE, le système est une totalité organisée, faite d'éléments solidaires ne pouvant être définis que les uns par rapport aux autres en fonction de leur place dans cette totalité. Pour Von BERTALANFFY, c'est un ensemble d'unités en interrelations mutuelles. Pour J. LESOURNE, c'est un ensemble d'éléments liés par un ensemble de relations.

Il ressort de ces trois définitions, les deux notions d'interrelations et de totalité ; c'est l'approche du réel dans sa globalité et sa complexité, ou approche HOLISTIQUE.

Trois autres définitions mettent chacune l'accent sur une notion complémentaire :

- celle de LA ROSNAY : ensemble d'éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d'un but;

- celle de J. LADRIèRE : Objet complexe, formé de composants distincts reliés entre eux par un certain nombre de relations;

- celle d'Edgar MORIN : Unité globale organisée d'interrelations entre éléments, actions ou individus.

Application au milieu rural

De ces différentes définitions ressortent les aspects suivants :

- multiplicité des éléments ou composants (ce sont tous les aspects du milieu rural (biophysique, humain, technique et infrastructurel) qu'il convient de prendre en compte) ;

- complexité : ces éléments ou composants étant nombreux, l'ensemble qu'ils constituent est complexe ;

- totalité (unité globale) organisée d'éléments (le monde rural doit être appréhendé dans tous ses aspects, autrement dit dans sa totalité) ;

- interrelations entre les éléments (les éléments ou composants formant le monde rural ne sont pas indépendants les uns des autres; ils sont en interrelations; exemple : interrelations entre qualité de l'environnement, système de production, nutrition, niveau de vie, santé, etc.) ;

- interaction entre les éléments (non seulement les composants sont en interrelations mais ils sont en interaction; ils agissent les uns sur les autres ; nous avons affaire à des systèmes interactifs ; exemple : production, commercialisation, infrastructures, qualité de la vie en milieu rural) ;

- dynamique et évolution : l'ensemble organisé évolue (le monde rural n'est pas figé dans l'immobilisme; il évolue en fonction de facteurs internes et externes; le développement rural a pour objectif de donner une impulsion à cette dynamique).

Concepts fondamentaux
Il faut distinguer en systémique, quatre concepts fondamentaux : 1deg. concept d'interaction ; 2deg. concept de totalité ; 3deg. concept d'organisation ; 4deg. concept de complexité.
Concept d'interaction
L'interaction entre les éléments d'un système est l'action réciproque modifiant le comportement ou la nature de ces éléments. Contrairement à ce qu'indiquait la science classique, la relation entre deux éléments n'est pas obligatoirement une simple action causale d'un élément A sur un élément B (AfiB) elle peut comporter une double action de A sur B (AfiB) et de B sur A (BfiA).

Exemple : la relation de rétroaction (feed-back) dans laquelle une action de B sur A suit une première action de A sur B. Cette relation peut être soit amplificatrice, et on parle dans ce cas de rétroaction positive, (fig. 21) ou au contraire compensatrice ou régulatrice et on a alors affaire à une rétroaction négative.

*Exemple en Développement Rural Intégré (D.R.I.) : Une action sur le système de production (A) retentit sur l'état nutritionnel (B). Celui-ci à son tour permet un nouveau progrès dans le domaine de la production comme dans celui de l'utilisation des ressources en général (fig. 21).

Fig. 21. Exemple de rétroaction positive (amplificatrice).

Concept de totalité
Un système est composés d'éléments ; cela ne veut pas dire qu'il est une somme d'éléments. Un système est un tout non réductible à ses parties. Le tout est davantage qu'une forme globale ; il implique l'apparition de qualités émergentes que ne possédaient pas les parties. Cette notion d'émergence conduit à la notion de hiérarchie dans les systèmes ; les systèmes sont de plus en plus complexes au fur et à mesure que l'on s'élève dans cette hiérarchie.

Application au D.R.I.

Dans l'examen du concept de développement rural intégré, nous avons distingué six niveaux d'intégration. Chaque niveau d'intégration est plus complexe que le niveau précédent par suite de l'intégration d'un nombre supplémentaire de composantes interreliées et en interaction. L'approche du D.R.I. implique que le système rural soit appréhendé dans sa totalité, autrement dit que tous les niveaux d'intégration soient pris en compte. Un système de production est plus complexe qu'un écosystème. L'écosystème est plus complexe que ses composantes -biotope et biocénose-, elles-mêmes, très complexes en soi. La prise en compte d'un niveau d'intégration donné implique, cela va de soi, la prise en compte de tous les niveaux précédents.

Nous avons ainsi raison d'insister sur le fait qu'une des caractéristiques du concept de D.R.I. est la nécessité de prendre tout projet lié au monde rural dans sa globalité et dans sa complexité.

Concept d'organisation
L'organisation peut être considérée comme le concept central de la systémique. L'organisation, c'est d'abord l'agencement de relations entre composants (ou individus) qui produit une nouvelle unité possédant des qualités que n'ont pas ses composants. L'organisation est un aspect essentiel du système. L'organisation revêt deux aspects complémentaires : un aspect structurel (exemple : organigramme) et un aspect fonctionnel (exemple : programme). Le premier, l'aspect structurel, sera généralement représenté sous forme d'un organigramme, tandis que le second, l'aspect fonctionnel, pourra être décrit dans un programme.

Exemple en D.R.I.

Pour réaliser un projet dans le cadre du D.R.I., il faut que l'on dispose d'une structure qui en sera responsable (cf. Processus de la planification, étape 2) et que l'on sache ce qui doit être fait dans l'espace et dans le temps (programme ; chronogramme).

Concept de complexité
La logique cartésienne nous avait appris à simplifier tous les phénomènes en éliminant l'inconnu, l'aléatoire ou l'incertain. La réalité est autre : la complexité est partout, dans tous les systèmes, et il est nécessaire de conserver cette complexité. Le complexe requiert pour être assimilé temps, méthode et intelligence. Le degré de complexité d'un système dépend à la fois du nombre de ses éléments et du nombre et des types de relations qui lient ces éléments entre eux. Le degré de complexité caractérise ce qu'on peut appeler l'originalité du système et mesure la richesse de l'information qu'il contient. La complexité apparaît ainsi comme une dimension essentielle et universelle des systèmes. Le "macroscope" de Joël de Rosnay est un outil intellectuel qui nous permet de comprendre et de maîtriser la complexité des innombrables systèmes qui nous entourent.

Application au D.R.I.

Par le nombre de ses composantes, par le nombre de ses niveaux d'intégration, par le nombre de ses interrelations, on voit que n'importe quel projet à entreprendre dans le monde rural est complexe. Pour être mené à bonne fin, il faut le traiter dans sa complexité ; toute réduction, toute simplification aboutirait à des solutions non conformes au réel, en d'autres termes, non valables. Or, si l'on y regarde de près, on observe que les problèmes du monde rural actuels sont les conséquences d'une incessante suite d'approches réductionnistes.

Description d'un système
Cette description doit se faire sous les aspects structurel et fonctionnel.
Sous un aspect structurel
Sous l'aspect structurel, un système comprend quatre composantes:

1. Une frontière (ou limite) qui le sépare de son environnement (exemple, les limites de la zone tampon d'une réserve de la biosphère ; les limites de tel projet de développement rural intégré) ; la définition des limites dans tout projet est importante. Le développement rural intégré est un concept ; sa pratique implique des interventions concrètes, des projets.

2. Des éléments qui peuvent être identifiés, dénombrés et classés ; ces éléments sont plus ou moins homogènes. En D.R.I., ces éléments ou composants sont très nombreux ; ce sont les éléments des écosystèmes, des systèmes de production, les éléments constitutifs des secteurs se rapportant aux politiques visant les ressources naturelles (agriculture, foresterie, élevage, etc.) et le développement communautaire (santé, éducation, assainissement, etc.), les actions de coordination entre tous les secteurs.

3. Un réseau de transport et de communication qui véhicule soit des matières, soit de l'énergie, soit des informations. En D.R.I., il a été question de l'aménagement du territoire et de l'existence de réseaux et de flux.

4. Des réservoirs dans lesquels sont stockés des matières, de l'énergie, des produits, de l'information, de l'argent.

Sous un aspect fonctionnel
Le système comporte alors:

1. Des flux de natures diverses : matières, énergie, informations, monnaie, etc. Ils circulent dans les divers réseaux et transitent dans les réservoirs du système.

2. Des centres de décision qui reçoivent les informations et les transforment en actions, en agissant sur les débits des différents flux.

3. Des boucles de rétroaction qui ont pour objet d'informer les décideurs de ce qui se passe en aval et donc de leur permettre de prendre leurs décisions en connaissance de cause.

4. Des délais qui permettent de procéder aux ajustements dans le temps, nécessaires à la bonne marche du système.

Pour compléter cette première description d'un système, il faut ajouter les entrées et les sorties qui matérialisent les rapports de ce système avec son environnement.

Problématique des systèmes. Lois générales des systèmes
Tout être vivant, tout mécanisme physique, toute organisation animale ou humaine peut être considéré et étudié comme un système répondant à un certain nombre de lois générales. Les systèmes sont confrontés avec cinq types de problèmes : 1deg./ les rapports avec l'environnement ; 2deg./ l'organisation hiérarchique des systèmes ; 3deg./ la conservation des systèmes ; 4deg./ le besoin de variété ; 5deg./ l'évolution des systèmes.
Rapports avec l'environnement
On distingue les systèmes ouverts et les systèmes fermés. La notion de système fermé - système isolé - a été introduite par la thermodynamique dès le milieu du XIXe siècle : le système fermé n'échange que de l'énergie avec son environnement. Un système ouvert échange matière et énergie. Le système fermé n'est qu'un concept théorique, un cas limite. L'étude de ce problème a conduit à un autre concept important : celui d'interface ou de lieu d'échanges entre systèmes distincts.

Les systèmes ouverts se caractérisent par des échanges nombreux avec ce qui les entoure. En revanche, les systèmes fermés fonctionnent entièrement repliés sur eux-mêmes. Sauf en thermodynamique, un système n'est jamais isolé ; il a de multiples contacts avec son environnement. : environnement passif (c'est-à-dire le cadre, ou le milieu, dans lequel se trouve le système) ou environnement actif (lorsqu'il y a interpénétration ou interactions multiples entre le système et son environnement). Ces interactions système-environnement sont représentées au niveau du système comme entrées et sorties.

Cas du D.R.I.

Dans le cas d'un projet de D.R.I., bien délimité dans l'espace, l'environnement passif du projet est constitué par l'espace rural avoisinant, à savoir le milieu biophysique. L'environnement actif comprend les relations qui existent entre le projet considéré et le milieu environnant.

L'organisation hiérarchique des systèmes
L'organisation est une propriété clé de tout système : sans organisation, il n'y a que chaos. L'organisation se manifeste par le fait que tout système peut être décomposé en un certain nombre de sous-systèmes.

Dans le cas d'un projet de D.R.I., on peut distinguer le système biophysique, le système de production, le système formé des aspects énergétiques et infrastructurels, le système des services (éducation, santé, assainissement, etc. Allant plus loin, on découvre que le fonctionnement d'un système est de nature hiérarchique. Exemple, un organisme vivant. Devant une certaine situation, il peut réagir de trois manières différentes :

- par un simple acte réflexe qui ne fait intervenir que les centres nerveux autonomes ;

- par une réponse standard qui résulte d'un apprentissage antérieur ; seuls quelques circuits cérébraux interviennent, en quelque sorte machinalement ;

- par une décision qui fait suite à) un raisonnement ; celui-ci fait intervenir de nouveaux circuits cérébraux en cas de problème nouveau à résoudre.

Application au D.R.I.

Dans le cas du D.R.I. ou d'un projet de D.R.I., le fonctionnement du système ne peut être laissé au hasard. Ce qui permet d'éviter un fonctionnement aléatoire - qui n'amène pas les systèmes au stade de l'autodéveloppement -, c'est le recours à la planification (cf. note sur le processus de la planification). En l'absence de vision claire du D.R.I., on peut laisser le monde rural fonctionner sans objectifs, sans planification. Dans le meilleur des cas, le système se "reproduira"; il évoluera rarement vers un mieux-être. Très souvent, il manifestera des signes de dégradation, à commencer par les systèmes entretenant la vie et les systèmes de production qui tendront vers l'avilissement. Dans le cas du D.R.I., la hiérarchie -l'organisation hiérarchique des systèmes- s'exprime par les niveaux d'intégration. On peut aussi aborder l'idée d'organisation hiérarchique des systèmes sous l'angle de la complexité, à partir de laquelle se dégage la notion d'émergence ; les émergences peuvent apparaître dans un cadre spatial ou temporel.

Conservation des systèmes
Hiérarchiquement organisé, un système doit assurer sa conservation, sa survie. Deux notions doivent être introduites ici : celle d'état stationnaire et celle d'homéostasie.

- État stationnaire

Exemple : la flamme d'une bougie. Il s'agit d'un système en état de déséquilibre thermodynamique, car il échange de l'énergie avec son environnement. Il y a stabilité dans un état de déséquilibre. Ce système ne se maintient qu'à travers l'action, le changement. Leur identité ou leur invariant, provient de la stabilité de leur organisation à travers les flux qui les traversent.

- Homéostasie

On peut définir l'homéostasie comme "l'ensemble des processus organiques qui agissent pour maintenir l'état stationnaire de l'organisme, dans sa morphologie et dans ses conditions intérieures, en dépit des perturbations extérieures. Les processus de rétroaction (spécialement la rétroaction négative) et de régulation qui visent à maintenir le fonctionnement entre certaines limites, participent à l'homéostasie. L'homéostasie est propre aux organismes vivants.

Besoin de variété (diversité)
La variété d'un système se présente comme le nombre de configurations ou d'états que ce système peut revêtir. Il y a deux sources de variété : 1deg. la variété propre au système qui dépend du nombre d'éléments du système et du nombre d'interactions possibles ; 2deg. la variété propre à l'environnement actif du système.

La variété ou diversité du système - village, par exemple- constitue en quelque sorte le réservoir dans lequel il puise pour maintenir son équilibre et qui lui permet une certaine marge d'adaptation.

D'une façon générale, la diversité est liée à la richesse des composantes et à leurs interrelations ; ceci ne fait que traduire la première loi de la biocénotique fondamentale de Thienemann (1920).

De la même façon, appliquant la troisième loi de biocénotique (Franz, 1963), on observe que la stabilité d'un système est fonction de sa diversité.

Il faut aussi rappeler les relations qu'il y a, dans le cas des systèmes vivants - un village est un système vivant de grande complexité- entre la diversité, source de stabilité, et le 2e principe de la thermodynamique : un système vivant, complexe et organisé, est un système de basse entropie. Dans le monde de la biologie -auquel se rattache un village-, le maximum de stabilité se rencontrera lorsque le degré d'organisation sera maximal (conditions de basse entropie : vie). C'est le cas inverse pour le monde inanimé : maximum de stabilité lorsque l'organisation est nulle (conditions de haute entropie : mort).

Il y a donc lieu de rechercher dans le développement des conditions de basse entropie et s'assurer pour cela du maximum de diversité. Tout système simplifié contient en lui les germes de sa dégradation.

Il est remarquable de constater la cohérence parfaite qu'il y a entre les lois de la systémique, les lois de la biocénotique, les principes de la thermodynamique et les principes de la diversité culturelle. Ceci est un noeud conceptuel d'importance majeure ; son application est la clé de voûte du développement rural intégré.

Toute organisation, tout système qui ne dispose pas de suffisamment de variété est menacée de surcouplage ou de sclérose de type bureaucratique.

Cas du D.R.I.

Dans le cas d'un système rural simple - un village par exemple -, il est intéressant d'en analyser sa variété propre, ce qui implique : 1deg./ l'examen de la biodiversité ; 2deg./ l'analyse des systèmes de production et de la diversité de ses composantes et productions ; 3deg./ l'évaluation de la diversité sociale et culturelle. Il faut en outre, étudier les sources de variété dérivant de l'environnement actif du système (village), c'est-à-dire ses relations avec les villages avoisinants; interviennent ici les relations, interrelations, flux (matière, énergie, information). Au plus le centre de peuplement est important, au plus sa variété sera grande, au plus sera-t-il en mesure de jouer un rôle comme pôle de développement.

La dégradation de la biosphère, l'avilissement des systèmes de production, les conditions de vie difficiles en milieu rural, l'exode rural, la "mort lente" de nombreux villages africains est la résultante de l'ignorance de ces différentes notions et de leurs interdépendances.

Évolution des systèmes
Le système complexe, structuré, diversifié et biocénotiquement stable, évolue dans le temps vers toujours plus de complexité. Henri Bergson (1907) dans l'Évolution créatrice écrivait à propos de la durée : "durée signifie invention, création de formes, élaboration continue de ce qui est absolument neuf".

Cas du D.R.I.

La finalité du D.R.I. est de faire en sorte que les systèmes de production et leur environnement - le village, lui-même constituant un élément situé à un pallier hiérarchique donné de sa région - deviennent aptes à l'autodéveloppement. Ceci implique qu'ils puissent puiser dans le réservoir de variabilité polyvalente dont ils disposent. Le développement peut être bloqué si cette source de variabilité est faible, voire inexistante. Tel serait par exemple le cas d'un village dont l'environnement biophysique est dégradé, que la population jeune a quitté, qui ne renferme plus que des personnes âgées.

1.1.8. Quelques principes méthodologiques

1.1.8.1. Interdisciplinarité

L'apparition du concept d'environnement est allée de pair, nous l'avons vu, avec un revirement dans l'appréhension des champs de connaissances. Le savoir a été depuis toujours cloisonné en disciplines. C'est en effet à la seconde moitié du XIIIe siècle que remonte la création des facultés universitaires. Durant des siècles, le cloisonnement, la vision parcellaire et sectorielle ont caractérisé l'approche des problèmes.

Une nouvelle manière de voir les choses est apparue en 1968, lors de la Conférence sur la biosphère, tenue à Paris, et en 1969, à l'occasion de la conférence à l'UNESCO, à Paris, de groupes de travail dont la mission était de lancer les bases du Programme sur l'Homme et la Biosphère (Programme MAB). C'est aussi vers la fin des années 1960 et au début de la décennie 1970, qu'apparaissent, dans quelques universités nord-américaines d'abord, européennes ensuite, des programmes interdisciplinaires sur l'environnement, aménagement du territoire et le développement régional. Il ne faut pas confondre pluridisciplinarité avec interdisciplinarité. Dans le premier cas, on a affaire à une simple juxtaposition de disciplines : un rapport pluridisciplinaire est un empilement d'éléments distincts. Dans le second - interdisciplinarité -, les différentes disciplines interagissent en vue d'atteindre un objectif commun, unique : un rapport interdisciplinaire forme un tout cohérent qui se caractérise par la polarisation des différentes approches vers des conclusions harmonisées. Il y a coordination à toutes les étapes de la démarche : établissement en commun de la méthodologie, collecte concertée de données, analyse conjointe de l'information recueillie et élaboration, en équipe, de scénarios de développement et de stratégie d'information et de communication.

1.1.8.2. Intégration

Afin de bien saisir le concept de "développement intégré", il convient d'expliciter la notion d'intégration. Celle-ci trouve son fondement dans l'analyse des systèmes et dérive de l'observation de la réalité qui, suivant l'approche systémique, doit être appréhendée dans sa globalité et dans sa complexité. Dans la mesure où le milieu rural - un terroir rural ou une entité territoriale rurale quelconque-, est appréhendé suivant l'approche systémique, il convient de prendre en compte l'ensemble, la totalité des éléments et d'en considérer les interactions. Six niveaux d'intégration peuvent être distingués (fig. 22).

Figure 22. Les six niveaux d'intégration d'un système rural - I, écosystème -
II, système de production - III, politiques sectorielles liées à la mise en valeur des ressources naturelles - IV, politiques sectorielles liées au développement communautaire - V, approche multisectorielle et intégration institutionnelle
- VI, environnement.

1er niveau : l'écosystème
L'écosystème est l'ensemble des organismes vivants (biocénose) qui existent en équilibre dynamique, en un lieu donné, avec les facteurs abiotiques (biotope) qui caractérisent celui-ci. La biosphère représente le niveau d'organisation biologique le plus élevé. On peut la définir comme l'interface entre la lithosphère, l'hydrosphère et l'atmosphère.

Rappel : dans l'organisation biologique, on peut distinguer dix niveaux : 1deg./ les composants de la cellule ; 2deg./ la cellule ; 3deg./ le tissu ; 4deg./ l'organe ; 5deg./ le système d'organes ; 6deg./ l'organisme ; 7deg./la population ; 8deg./ la biocénose ; 9deg./ l'écosystème ; 10deg./ la biosphère. Le domaine de l'écologie s'étend de l'organisme (autécologie) à la biosphère (synécologie; dynamique des populations; évolution des écosystèmes).

2e niveau : le système de production
Tandis que l'on a souvent opposé développement agricole et développement industriel, il convient, dans le contexte d'un développement global, d'intégrer les secteurs de la production agricole, artisanale et industrielle. Dans un premier temps, on devra développer l'industrie à partir de la transformation des produits agricoles.
3e niveau : les politiques sectorielles liées à la mise en valeur des ressources naturelles.
Il s'agit ici du niveau d'intégration des ressources naturelles, issues de l'agriculture, l'élevage, la foresterie, la pisciculture, la faune sauvage (gibier) ainsi que des secteurs connexes, tels que les parcs nationaux et les territoires apparentés, la chasse, certaines formes de tourisme (usage récréatif des territoires ruraux) qui sont associés à l'utilisation des ressources naturelles.

L'agroforesterie illustre bien cette politique sectorielle. Elle constitue une approche multidimensionnelle des problèmes écologiques, alimentaires, énergétiques et sylvicoles. Ce concept unifie des activités qui ont été et sont encore très souvent en conflit, comme l'agriculture, l'élevage, le pâturage et l'utilisation des forêts à des fins multiples.

4e niveau : les politiques sectorielles liées au développement communautaire
On trouve notamment à ce niveau, l'intégration entre le milieu urbain et le milieu rural (interaction ville-campagne). L'exode rural est souvent le résultat d'une dysharmonie entre le monde rural et le monde urbain. Ce niveau concerne l'intégration des politiques sectorielles se rapportant aux infrastructures de transport et de communication, aux équipements collectifs, à l'énergie, au logement et à l'habitat, à la santé et à l'assainissement, à l'éducation et à la formation, à l'information et à la communication (vulgarisation, animation), à l'administration et aux structures. Ces domaines d'activité influencent très largement la qualité de la vie en milieu rural.
5e niveau : L'approche multisectorielle et l'intégration institutionnelle
Le rapprochement des deuxième, troisième et quatrième niveaux permet de saisir, dans leurs interrelations, l'ensemble des secteurs qui concourent au développement.

Toute intervention visant à promouvoir le développement doit tenir compte de ce que les différents secteurs (éducation, santé, agriculture s.l., industrie, transport, adduction d'eau, etc.) sont solidaires, et, donc, que les efforts qui seraient entrepris de manière sectorielle ne pourraient aboutir à un développement véritable.

Mener à bien un projet de développement intégré, implique une coordination efficace entre les différents secteurs impliqués (coordination horizontale) ainsi qu'entre les différents paliers de chaque secteur (coordination verticale). Pour résoudre efficacement un projet de développement, les divers secteurs impliqués doivent interagir efficacement de façon cohérente.

En ce qui concerne l'intégration institutionnelle, il s'agit de s'assurer que les institutions nationales, intervenant dans les différents secteurs du développement, coordonnent leurs activités aussi bien verticalement qu'horizontalement.

La coordination doit être assurée également au niveau des organisations internationales, gouvernementales et non gouvernementales, régionales et des organismes d'assistance.

6e niveau : l'environnement
Au stade achevé de l'intégration, on aboutit au concept d'environnement, en ce sens que l'on aura pris en compte l'ensemble des composantes qui interagissent dans le milieu considéré. La figure 22 illustre les relations et positions relatives des différents niveaux d'intégration.