1.2. DEMARCHE GENERALE

1.2. DéMARCHE GéNéRALE

Toute action de conservation ou toute opération de gestion d'un environnement naturel doit procéder d'une démarche générale reposant sur une stratégie.

En raison de l'échelle temporelle particulière au fonctionnement de l'environnment naturel (en gros, temps nécessaire pour atteindre un état d'équilibre apparent (= climax) qui équivaut, le plus souvent (cas des forêts) à plusieurs générations humaines) une vision et des perspectives à long terme sont nécessaires. C'est pourquoi, de telles préoccupations entrent davantage dans les préoccupations de gestion d'un Etat (durée d'existence supposée longue) que dans celles d'un gouvernement (durée de vie limitée à 4-7 ans). La mise en oeuvre de telles politiques demande une continuité importante, un consensus général et, en raison de l'interconnection des problèmes au niveau du Globe, une vison et une prise de conscience mondiales. C'est pourquoi, les organisations internationales (ONU ou ONG) jouent un rôle organisateur et orienteur particulièrement important dnas ce domaine.

Une fois définie, la stratégie (exemple : "Sauver la Planète" de l'UICN ; "Our common future" de Brundtland) doit être décomposée en objectifs à atteindre.

Les objectifs seront réalisés grace à des méthodes ou moyens mis en oeuvre qui constitueront les activités de gestion de l'environnement.

Le domaine d'application de ces méthodes de gestion (ici : "Environnement naturel") présente des caractéristiques résolument différentes du domaine de l'économie où s'appliquent traditionnellement les méthodes de la gestion. En particulier, il implique, au niveau des plans d'action, de tenir compte des conséquences à long terme des modifications imprimées à l'écosystème.

Domaine de l'économie : quelques mois ou quelques semaines

Domaine de l'écologie (biologie) : plusieurs années, plusieurs siècles.

FIGURE : MAB-DIGEST NDEG. X, :28, FIG. 2. (D'APRèS MAINI, 1988).

EXEMPLE DE STRATéGIE GLOBALE : "SAUVER LA PLANèTE" DE L'UICN (1991).

Sauver la planète combine à la fois analyse et plan d'action. Il s'agit d'un guide théorique et pratique des mesures que nous devrons adopter et des actions à entreprendre. Cette Stratégie est divisée en trois parties.

La première partie définit les principes d'une utilisation durable des ressources par notre société et préconise 60 actions. Ces principes sont les suivants : respecter la communauté de vie, améliorer la qualité de vie, préserver la productivité et la diversité de la biosphère, ménager les ressources non renouvelables, respecter les limites de la capacité de charge de la planète, changer les comportements et habitudes individuels, donner aux communautés les moyens de gérer leur propre environnement, créer un cadre national intégrant conservation et développement, et instaurer une alliance mondiale.

La deuxième partie énonce 62 actions supplémentaires visant à appliquer les principes définis dans la première partie concernant l'énergie ; les affaires, l'industrie et le commerce ; les établissements humains ; l'agriculture et l'élevage ; les forêts ; les eaux douces ; les océans et les zones côtières.

La troisième partie traite de la mise en oeuvre et du suivi de la Stratégie.

1. Les 9 principes pour une vie durable

Respecter la communauté de la vie

Améliorer la qualité de vie

Préserver la vitalité et la diversité de la Terre

Ménager les ressources non renouvelables

Respecter les limites de la capacité de charge de la planète

Changer les comportements et habitudes individuels

Donner aux communautés les moyens de gérer leur propre environnement

Créer un cadre national propice à une approche intégrée du développement et de la conservation

Forger une alliance mondiale

2. Les actions complémentaires

Energie

Industrie, commerce et services

Etablissements humains

Terres agricoles et pâturages

Forêts

Eaux douces

Océans et zones côtières

3. Les indicateurs de durabilité

Une société durable offre à ses membres une qualité de vie élevée, par des moyens écologiquement durables. Pour mesurer les progrès accomplis dans la poursuite de cet objectif, nous avons besoin d'indicateurs de la qualité de vie et de la durabilité écologique.

Caractéristiques des indicateurs

Les concepts de qualité de vie et de durabilité écologique englobent de nombreux aspects. Par définition, les indicateurs ne peuvent en donner qu'une mesure fragmentaire et la recherche d'indicateurs fiables et efficaces n'en est qu'à ses débuts. Les indicateurs devraient être quantitatifs et certains d'entre eux au moins devraient pouvoir être traduits en valeur monétaire, de façon à permettre leur intégration dans la comptabilité nationale. Leur mesure ne devrait être ni trop complexe, ni trop coûteuse. La liste d'indicateurs proposée ci-dessous n'est en aucune façon exhaustive; en outre, certains ne répondent pas aux critères définis.

Qualité de vie

Le Programme des Nations Unies pour le développement a adopté deux indicateurs pour mesurer le développement ou la qualité de vie: l'indicateur de développement humain (IDH) et l'indicateur de liberté humaine (ILH).

L'indicateur de développement humain a trois composantes :

* La longévité, dont la mesure est basée sur l'espérance de vie à la naissance. Elle est importante, car elle augmente les chances qu'a un individu d'atteindre ses objectifs et de développer ses capacités et va de pair avec une bonne santé et une alimentation adéquate.

* Le niveau d'instruction, dont la mesure est basée sur l'alphabétisation des adultes et le nombre moyen d'années de scolarisation. L'instruction permet aux individus de réaliser leur potentiel et de tirer profit des occasions qui s'offrent à eux.

* Le revenu, dont la mesure est basée sur le Produit intérieur brut par habitant, ajusté de manière à rendre compte des variations nationales du pouvoir d'achat et des dispositions créées par les taux de change officiels (PIB réel), et à refléter les baisses de revenu.

L'indicateur de liberté humaine est adapté du Rapport Humana (World Human Rights Guide de Charles Humana), qui applique 40 indicateurs à la mesure de la liberté. Un point est comptabilisé pour chaque droit ou liberté protégé de manière satisfaisante tandis que chaque droit ou liberté violé se voit assigner un " zéro ".

Durabilité écologique

Une société est écologiquement durable lorsque:

* elle préserve les systèmes entretenant la vie ;

* elle conserve la diversité biologique ;

* elle utilise de manière durable les ressources renouvelables ;

* elle ménage les réserves de ressources non renouvelables ;

* elle respecte les limites de la capacité de charge des écosystèmes.

Conservation des systèmes entretenant la vie et de la diversité biologique

La conservation des systèmes entretenant la vie repose sur la prévention de la pollution, la restauration et le maintien de l'intégrité des écosystèmes de la Terre, et la création d'un réseau complet d'aires protégées. La conservation de la diversité biologique requiert ces mêmes mesures, plus des actions visant à régénérer et préserver les espèces et les souches génétiques.

Les indicateurs primaires mesurent l'état de l'écosystème ou de l'espèce concernée, Les indicateurs secondaires mesurent les impacts de l'activité humaine. Les indicateurs tertiaires mesurent les actions requises pour atténuer ces impacts. Les chiffres entre crochets indiquent s'il s'agit d'indicateurs primaires, secondaires ou tertiaires.

Prévention de la pollution

Emissions annuelles de dioxyde de carbone, de méthane, de CFC, d'oxyde de soufre, d'oxyde d'azote; total, par habitant et par unité du PIB. [2]

Qualité de l'eau: oxygène dissous; concentration de nitrate. [1]

Traitement des eaux usées: pourcentage de la population bénéficiant de stations de traitement des eaux usées (primaire, secondaire et tertiaire).[3]

Accidents industriels; nombre, nombre de décès, par unité du PIB. [2]

Restauration et maintien de l'intégrité des écosystèmes

Pourcentages respectifs des systèmes naturels, modifiés, cultivés, bâtis, dégradés. [1]

Pourcentage de couvert forestier dans les divers systèmes, et pourcentages respectifs de forêt naturelle (forêts anciennes), modifiée, plantée, dégradée. [1]

Pourcentage des écosystèmes ou types de végétation naturels et modifiés en unités supérieures à 10 000 hectares. [1]

Création d'un réseau complet d'aires protégées

Pourcentage de chaque région écologique couverte par les aires protégées. [3]

Régénération et sauvegarde des espèces et des souches génétiques

Nombre et pourcentage d'espèces menacées d'extinction, pourcentage menacé d'élimination, pourcentage de populations stables ou en augmentation, et pourcentage de populations en net déclin. [1]

Nombre d'espèces endémiques, pourcentage menacé d'extinction [l] et pourcentage dans les aires protégées. [3]

Pourcentage des espèces menacées dont il existe des populations viables conservées ex situ.

Indicateur de diversité des espèces domestiques (nombre d'espèces végétales et animales présentes dans une région, exprimé en pourcentage des nombres présents 10 ou 50 ans auparavant). [1]

Indicateur de variété des espèces domestiques (nombre de variétés et souches de chaque espèce et race cultivée ou élevée dans une région, exprimé en pourcentage des nombres présents 10 ou 50 ans auparavant), [1]

Indicateur d'uniformité des espèces végétales et animales élevées (rapport aux variétés de cultures et races d'élevage). [1]

Pourcentage de variétés traditionnelles conservées dans des collections ex situ. [3] Indicateur de performance des banques génétiques (pourcentage de ressources régénérées au cours des 15 dernières années). [3]

Garantir des utilisations durables des ressources renouvelables et limiter l'exploitation des ressources non renouvelables

1. Importance du secteur pour le revenu (valeur ajoutée) et l'emploi

En déterminant la valeur ajoutée totale d'un secteur, on obtient une base pour le calcul de la valeur en dollars des changements dans l'état des ressources et de l'infrastructure écologique du secteur en question (voir ci-après).

2. Etat des ressources du secteur

Les ressources d'un secteur sont les actifs naturels qu'il utilise directement : les arbres dans le cas de l'industrie forestière; l'eau, le pétrole, le gaz naturel, le charbon et le bois dans le cas de l'industrie énergétique. Deux séries de données sont nécessaires: le volume des ressources actuelles; et des données de fluctuation (changements dans la production, la consommation et le volume des ressources).

3. Etat de l'infrastructure écologique du secteur

L'infrastructure écologique d'un secteur consiste dans les processus écologiques et la diversité biologique dont il dépend; par exemple, le sol, l'eau, et la diversité génétique végétale et animale dans le cas du secteur agricole. Pour les secteurs basés sur l'exploitation de ressources vivantes (industrie forestière, pêcheries et aquaculture et horticulture, tourisme et loisirs, et certaines branches de l'industrie énergétique), les mesures doivent englober l'état du cycle de l'eau (qualité, quantité, sécurité de l'approvisionnement); la structure et la fertilité des sols; la qualité de l'air et le climat; ainsi que l'écosystème, les espèces et la diversité intraspécifique, requis pour une production durable, Pour les secteurs basés sur l'exploitation de ressources non vivantes (industrie minière et la plupart des branches de l'industrie énergétique), les mesures doivent englober la qualité, la quantité et la sécurité de l'approvisionnement en eau, ainsi que la qualité de l'air et les changements climatiques.

4. Comptabilités du secteur et conflits avec la durabilité d'autres secteurs

Les points 2 et 3 ci-dessus portent sur ce que l'on pourrait appeler la durabilité interne d'un secteur donné. Nous devons aussi mesurer sa durabilité externe - autrement dit, ses impacts sur les autres secteurs, sur les activités non liées à l'exploitation des ressources, sur la santé et les infrastructures humaines, et sur l'intégrité de la biosphère ou de l'écosystème planétaire.

5. Principales influences socio-économiques sur la durabilité du secteur

Divers facteurs influent sur la durabilité d'un secteur, et notamment:

* Le taux de rentabilisation d'une ressource donnée. L'un des moyens de garantir la durabilité d'une activité consiste à accroître la rentabilisation de la ressource concernée. Inversement, le déclin des bénéfices retirés de l'exploitation d'une ressource constitue un symptôme de non durabilité, Deux des profits potentiels de l'utilisation d'une ressource méritent une attention particulière : l'emploi et le revenu total (revenu cumulé des entreprises, des individus et des pouvoirs publics). Les indicateurs doivent mesurer les tendances en matière de profits et de production, le rapport entre emploi et revenu d'une part, et production d'autre part, et les fluctuations de la valeur ajoutée par unité de ressources.

* La mesure dans laquelle les utilisateurs des ressources payent l'intégralité des coûts sociaux découlant de leurs décisions. Les indicateurs mesurent la proportion des coûts de développement et de conservation payée par l'industrie, le gouvernement et les autres parties (y compris les générations futures); ainsi que le montant net des taxes (impôts) payés ou des subventions reçues par le secteur, une fois le montant total des charges déduit du montant total des subventions.

* Le degré de participation des communautés et groupes d'intérêt aux décisions qui les concernent directement, Les communautés et groupes d'intérêt qui dépendent du secteur en question ont-ils leur mot à dire dans la planification et la gestion de la conservation et du développement dudit secteur ?

* L'adoption d'une approche prospective des prises de décisions, visant à prévenir les problèmes potentiels. Dans quelle mesure les comptabilités et conflits avec les autres secteurs et intérêts sont-ils pris en compte et traités?

Respecter les limites de la capacité de charge des écosystèmes

Les indicateurs suivants permettent de mesurer l'efficacité des actions visant à réduire la consommation et à stabiliser la population:

* consommation par habitant d'aliments, d'eau, de bois, de ressources minérales;

* consommation d'énergie par habitant ;

* utilisation d'énergie par unité du PIB ;

* production de déchets ménagers par habitant et par unité du PIB ;

* production de déchets industriels par habitant et par unité du PIB ;

* production de déchets radioactifs par habitant, par unité du PIB et par unité d'énergie ;

* tendances démographiques ;

* indice synthétique de fécondité ;

* densité de population.

(les indicateurs sont indispensables pour que le gestionnaire puisse se repérér dans son activité).

Exemple :

Pour l'économiste, le problème pétrolier peut être géré par un ensemble d'actions organisées s'étendant dans le temps depuis la décision de prospecter un gisement jusqu'au moment où le pompiste lache la vanne de sa pompe. Il s'est écoulé quelques mois tout au plus. Les modèles de gestion économiques permettent de calculer les coûts et bénéfices inclus dans ce laps de temps.

Pour l'écologiste (biologiste) le problème pétrolier commence il y a 350 M ans au Carbonifère avec la formation des gisements et s'achève avec l'incorporation des molécules de carbone issues de la combustion du carburant, dans une chaine biologique différente, ce qui peut demander plusieurs années.

La gestion que peut envisager l'écologiste est de ce fait foncièrement différente de celle qu'envisage l'économiste même si, de plus en plus, les sphères d'influence de ces deux types d'acteurs se croisent et interfèrent.

Tout le problème de la gestion écologique est d'assurer le présent sans oblitérer les chances du futur. Ce qui n'est pas toujours facile à expliquer et à faire admettre, d'une part à nos concitoyens, d'autre part aux hommes politiques qui sont élus par les mêmes concitoyens.

Schéma : "La convergence des domaines écologiques, socio-économique et utilisation des ressources".