1ère Journée d'Étude sur la Marmotte Alpine, Ramousse R. & Le Berre M. eds. : 59-62.


Etude descriptive d'une famille de marmottes
(Marmota marmota)
dans la Réserve Domaniale du Mont Vallier (Pyrénées ariégeoises) :
Eco-éthologie, Éthologie.


Catherine Mancini


Dans le cadre d'une thèse de doctorat vétérinaire, nous avons réalisé, au cours de l'été 1992, une étude éco-éthologique et éthologique d'une famille de marmottes dans la réserve du Mont Vallier.
En matière d'éco-éthologie :
- étude des facteurs écologiques : altitude, orientation, pente, présence de l'élément rocheux, végétation, faune.
- étude des indices de présence : grattis, latrines, cheminements et terriers : recensement, localisation, type d'utilisation, densité, dimensions des orifices des terriers de refuge temporaire.
- étude de l'occupation de l'espace.
En matière d'éthologie, tous les comportements ont été minutieusement observés et décrits, ainsi que les rythmes d'activité (journalier et annuel). Dans cette communication trois sujets ont été abordés :
- les méthodes de capture et de marquage,
- le mode de colonisation des marmottes dans cette partie des Pyrénées,
- un aspect du comportement de la marmotte : le battement de la queue comme mode de communication.
L'étude s'est déroulée du 25 juin au 25 juillet, et du 26 août au 04 septembre 1992, ce qui représente un total de 224 heures d'observation directe. La famille étudiée est composée de 9 marmottes : un mâle adulte, une femelle adulte, quatre animaux de deux ans, deux marmottons, et une marmotte de sexe et d'âge indéterminés.

I- METHODES DE CAPTURE ET DE MARQUAGE

Pour identifier les marmottes, nous avons tenté, pendant les dix premiers jours, de les capturer et de les marquer. Cela devait permettre de déterminer la structure de la famille et de suivre le comportement de chaque individu. En effet, rien dans l'aspect extérieur des marmottes ne distingue mâle et femelle, adulte et subadulte (animal entre un et deux ans).
Nous avons utilisé, pour cela, des cages grillagées de fabrication artisanale, à une entrée (25x25x70 cm). Le principe en est simple : la marmotte qui pénètre dans la cage actionne une pédale commandant la fermeture de la porte.
Les cages étaient placées à proximité de l'entrée des terriers (terrier d'été principal et terriers d'été secondaires), le long des passages fréquentés. Elles étaient appâtées avec des pommes, des carottes, du sel, des graines (maïs, blé, avoine, mil) ou du trèfle alpin. Pour familiariser les animaux, ces appâts avaient été déposés sur le sol les jours précédents ; puis les pièges, non armés, avaient été mis en place dans un deuxième temps.
Les marmottes n'ont manifesté aucun intérât pour les appâts. Par contre, le premier jour, la présence des cages a éveillé leur curiosité, sans toutefois qu'elles cherchent à y entrer.
Cette méthode de capture, qui a permis la réalisation d'études dans les Alpes, n'a pas donné les résultats escomptés dans le cas présent. Plusieurs raisons peuvent âtre évoquées :
- la période de capture non propice (fin juin, début juillet), les animaux ayant à leur disposition une nourriture abondante.
- le nombre trop faible de cages : 5 cages pour un domaine vital de 5,3 hectares.
- le comportement méfiant des marmottes étudiées, peu habituées aux intrusions de l'homme dans cette partie des Pyrénées.
- le défaut de fonctionnement des cages après un long séjour sur le terrain : le ressort en acier (fabriqué à partir de corde à piano) s'est détendu, si bien que le mécanisme de blocage de la porte ne fonctionnait plus. Ainsi, une marmotte a pu entrer dans une cage, déclencher le mécanisme de fermeture, puis en sortir tranquillement en poussant la porte !
Les essais de marquage ont été réalisés sur un marmotton de 45 jours, capturé à l'aide d'un collet placé à l'entrée de son terrier. Libéré immédiatement, l'animal a été pesé puis anesthésié au moyen d'une injection intra-musculaire du mélange Kétamine (IMALGENE) - Xylazine (ROMPUN) aux doses respectives de 20 mg/kg et 6 mg/kg. Puis, nous avons effectué plusieurs opérations de biométrie : longueur du corps, de la queue, des incisives, sexage etc..
Ensuite, nous avons effectué les opérations de marquage :
- nous avons posé des étiquettes auriculaires pour cobaye (aluminium et matière plastique, marque Simplex baby, Ets Chevillot) aux deux oreilles.
- nous l'avons également marqué par le froid (Mashkin, 1965 ; Naef-Danzer, 1984). Après avoir tondu une zone du corps sur deux à trois centimètres de diamètre, on y applique un réfrigérant (Dichlorodifluorométhane, Frigospray, Laboratoire Moderne), durant trois expositions de deux secondes. Cette brûlure à -36°C induit la repousse de poils dépigmentés. Ainsi, un mois plus tard, nous avons pu vérifier sur le marmotton la présence d'une petite tâche blanche (en région interscapulaire) visible à 200 mètres de distance grâce aux jumelles. Restera à voir l'année prochaine si les marques persistent.

II- MODE DE COLONISATION DES MARMOTTES DANS LA RESERVE DU MONT VALLIER

Entre 196l et 1972, 18 marmottes provenant des Alpes françaises (Vanoise et Queyras), ont été introduites dans la réserve, le long de la crâte frontière espagnole, à des altitudes de 1.900 à 2.200 mètres. Trois groupes de trois mâles et trois femelles ont été lâchés aux abords de pierriers (Nebel, 1991).
Les marmottes alpines se sont bien adaptées au milieu pyrénéen ; la population s'est accrue. En 199l, on recensait 25 familles dans la réserve, soit une centaine d'animaux. Deux faits remarquables nous donnent un aperçu du mode de colonisation de ce territoire par les marmottes :
- la population de la réserve se compose de groupes familiaux isolés et non pas de colonies (une colonie est constituée de plusieurs groupes familiaux vivant sur des domaines vitaux contigus ou se chevauchant légèrement). Ces familles sont séparées au minimum par une distance de 300 mètres ou par des cols.
- ces familles ont colonisé préférentiellement les pierriers importants (éboulis denses à gros blocs étendus sur 0,3 à 0,8 hectares). Ainsi, en 1992, tous les pierriers existant sont colonisés, et pas une famille n'a établi de terrier d'été principal en zone de pelouse.
Pour expliquer une telle structure de population, nous pouvons supposer que l'existence d'un vaste espace favorable à la colonisation a pu pousser les animaux de deux ans (quittant le domaine vital familial) à une dispersion importante. Cette dispersion a pu aussi âtre influencée, entre autre, par la préférence pour l'élément rocheux.
L'étude de cette dispersion est un projet à plus long terme.


III- LE MOUVEMENT DE LA QUEUE COMME MODE DE COMMUNICATION

La marmotte fait des mouvements, verticaux surtout, avec la queue, plus ou moins énergiquement. Cela s'observe dans plusieurs circonstances : lors des déplacements et lors des interactions sociales comme le jeu, les conflits ou la simple rencontre entre deux animaux. On a donc supposé qu'il s'agissait de l'expression d'une excitation non spécifique. Plus l'excitation est importante, plus la marmotte bat de la queue et plus les mouvements sont rapides.
Mais la signification de ce mouvement est peut-âtre plus complexe.
En effet, le battement de la queue est un signal parfaitement perçu par les marmottes. L'observation suivante nous en montre un exemple. Lorsqu'une marmotte s'approche d'eux en battant fortement de la queue, les marmottons fuient très vite vers leur terrier, alors qu'ils ont, au contraire, tendance à s'avancer vers tout congénère qui s'approche en cherchant le contact. Cela s'est reproduit plusieurs fois avec le mâle adulte et avec les animaux de deux ans, en dehors de tout précédent ludique ou agonistique. Ensuite les marmottons sont vite ressortis pour jouer avec cette marmotte.
Dans ce cas précis, le mouvement de la queue pourrait s'intégrer dans une séquence de jeu. Pourtant, nous n'avons jamais observé de réaction de retrait semblable dans le comportement de jeu des marmottes.
Ou bien, il pourrait s'agir d'un signal agonistique visant à établir une relation de dominance. Remarquons en effet, que le mâle adulte a, par ailleurs, marqué abondamment les alentours du terrier où vivaient les marmottons, grâce au dépôt de sécrétions de ses glandes jugales sur le sol. Encore faut-il attribuer au marquage jugal le rôle d'affirmation d'une hiérarchie.
Reste à savoir si le mouvement de la queue est un signal visuel, s'il est un signal olfactif par émission de sécrétions par les glandes anales, ou s'il fait intervenir les deux modes de communication.
D'autre part, en ce qui concerne les mouvements de la queue au cours des déplacements, il n'est pas prouvé que, comme l'affirment Hébert et Prescott (1983), les glandes anales ne servent pas de marquage olfactif du substrat chez Marmota marmota. L'hypothèse selon laquelle un tel marquage permettrait à la marmotte de s'orienter dans l'espace, est séduisante lorsque l'on sait que la marmotte emprunte volontier toujours les mâmes chemins et toujours les mâmes postes pour ses haltes.
Le comportement de la marmotte alpine est encore mal connu. Ce sont là quelques aspects qui mériteraient d'âtre élucidés.

BIBLIOGRAPHIE

Hebert P. & Prescott J. (1983). Etude du marquage olfactif chez la marmotte commune (Marmota monax) en captivité. Can. J. Zool.,61 : 1720-1725.
Mashkin V.I. (1985). Méthodes de marquages par le froid chez les Mammifères. Zool. zh., 64 (5). (Russe).
Naef-Danzer B. (1984). Fang, Markierung und Geschlechtbestimmung von Alpenmurmeltieren (Marmota m. marmota). Z. Jagdwiss., 30 : 209-218.
Nebel D. & Franc R. (1992). The introduction of the marmot (Marmota marmota) into the Mont-Vallier nature reserve, and the history of its subsequent colonisation between 1961 and 1991. Proc. 1st International Symposium on Alpine Marmot and on Genus Marmota, Bassano B., Durio P., Gallo Orsi U., Macchi Eds., 253-255.

A suivre...

retour ou sommaire