2ème Journée d'Étude sur la Marmotte Alpine, Ramousse R. & Le Berre M. eds. : 83-94.


Contribution à l'étude des métabolismes
lipidique et glucidique chez la Marmotte Alpine
(Marmota marmota).

Nathalie COCHET, Roger MEISTER, Gabriel CROUZOULON et Hervé BARRE
Laboratoire de Physiologie Générale et Comparée, 43, Bd du 11 Novembre 1918, Bât 404,
69622 F VILLEURBANNE Cedex


Résumé.
Au cours de son cycle saisonnier, la marmotte alpine (Marmota marmota) présente de remarquables capacités de gestion de ses réserves lipidiques. La graisse corporelle accumulée durant la période estivale constitue tout au long de l'hiver l'unique source d'énergie de cet hibernant. Les modalités de la régulation hormonale du cycle lipolyse-lipogenèse chez ce mammifère sont encore de nos jours peu connues. L'objectif de ces recherches est l'étude de l'évolution saisonnière de la réponse et de la sensibilité aux hormones des adipocytes prélevés dans deux dépôts adipeux blancs différents : le tissu adipeux péritonéal (TAP) et le tissu adipeux sous-cutané (TASC). Chez les mammifères, la régulation hormonale de ces processus est assurée principalement par la noradrénaline (NA), le glucagon, l'insuline et l'ACTH. L'étude de l'action antilipolytique d'un médiateur local, l'adénosine (ADO), est également envisagée par le biais d'une enzyme, l'adénosine désaminase (ADA). Les résultats montrent qu'en période d'hibernation le métabolisme du tissu adipeux blanc est orienté vers la mobilisation des substrats. Ainsi, le dépot sous cutané pourrait soutenir l'approvisionnement basal en substrats énergétiques ainsi que la mobilisation rapide de ces substrats en cas de stress, sous l'effet d'une stimulation par l'ACTH. Pour sa part, le dépôt péritonéal, plus sensible à l'action la NA, serait le fournisseur principal d'énergie du tissu adipeux brun (tissu thermogène), lui même fortement solicité au cours des réveils périodiques. Les résultats obtenus en présence d'ADA mettent en évidence l'existence d'un contrôle important de l'activité lipolytique par l'ADO. Les effets du glucagon et de l'insuline sur l'activité lipolytique des adipocytes blancs de marmottes fluctuent fortement d'un individu à l'autre et suivant le dépôt considéré. La sensibilité des cellules à ces deux hormones reste difficile à définir. Les cellules ne répondent pas ou peu à l'action de l'insuline. Cette dernière ne stimule ni l'entrée du glucose ni son accumulation dans les cellules au cours de la saison d'hibernation. De même, l'activité de synthèse d'acides gras apparait fortement réduite durant cette même période.

INTRODUCTION

La marmotte alpine (Marmota marmota) est un mammifère hibernant de grande taille (environ 5 kg). Cet animal présente au cours de son cycle saisonnier, une remarquable capacité de gestion de ses réserves lipidiques. Durant la période estivale, la marmotte alpine accroît rapidement sa masse corporelle, grâce à une forte activité lipogénique qui entraîne une accumulation de triglycérides dans le tissu adipeux blanc. Ce dernier représente environ 1/3 de la masse corporelle. Ces réserves lipidiques sont consommées progressivement durant les 5 à 6 mois de jeûne qui accompagnent la phase d'hibernation, notamment pendant les réveils périodiques au cours desquels l'animal sort de sa torpeur pour rétablir sa normothermie.

La quantité de lipides stockés dans les adipocytes résulte du bilan des activités de synthèse et d'hydrolyse des triglycérides. Les vitesses d'hydrolyse (lipolyse) et de synthèse (lipogenèse) des triglycérides peuvent être modifiées par l'environnement hormonal de l'adipocyte in vivo et par sa capacité à répondre aux hormones concernées. Des fluctuations saisonnières de certaines hormones impliquées dans ces processus ont été mises en évidence chez divers hibernants. Les mesures réalisées chez Marmota flaviventris (Tokurama et al. 1991) ont montrées que la glucagonémie ne varie pas significativement au cours du cycle. En revanche, l'insulinémie (et la glycémie) présente un pic automnal coïncidant avec la période de pré-hibernation, caractérisée par une cessation spontanée de la prise alimentaire.

Les modalités de la régulation du cycle lipolyse-lipogenèse, très efficace chez ce mammifère, est encore de nos jours peu connue. L'objectif de nos recherches est d'étudier le cycle annuel de la réponse et de la sensibilité des adipocytes blancs aux hormones impliquées dans cette régulation (noradrénaline (NA), glucagon, ACTH), ainsi que celui d'un médiateur local, l'adénosine (molécule ubiquiste qui est issue en partie de la dégradation de l'ATP, l'AMP cyclique) qui est relarguée par les adipocytes in vivo et in vitro. Cette molécule exerce une action antilipolytique (Shwabe et al. 1976) par l'intermédiaire du récepteur membranaire A1 désormais bien connu (Stiles 1992). Les effets de l'adénosine sont étudiés par l'intermédiaire de l'adénosine désaminase (ADA) qui dégrade la molécule en un composé inactif : l'inosine.

La marmotte est un mammifère herbivore. La majeure partie de l'énergie apportée par les végétaux est de nature glucidique (végétaux pauvres en matières grasses, Florant et al. 1990) Chez les mammifères, le glucose est le principal précurseur de la lipogenèse. L'utilisation du glucose par les adipocytes est limitée par son entrée dans la cellule (James et al. 1989), via deux types de transporteurs dont les caractéristiques sont désormais bien connues.

- Glut 1, qui assure le transport basal du glucose à travers la membrane plasmique des adipocytes à l'état de repos (non stimulés par l'insuline).

- Glut 4, stocké dans des sites intracellulaires et transloqués au niveau de la membrane plasmique sous l'effet d'une stimulation par l'insuline.

L'aspect saisonnier de l'activité lipogénique à partir du glucose peut donc être la conséquence directe de modifications de l'entrée de ce dernier et/ou de son utilisation, processus tous deux fortement dépendants de la sensibilité des adipocytes à l'insuline.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

L'étude porte actuellement sur un lot de 12 marmottes adultes (7 mâles et 5 femelles), d'âge indéterminé (> 2 ans), gardées en conditions de température et de lumière naturelles durant la période estivale et placées en chambre froide (6deg.C +/- 1), à l'obscurité, au cours de la phase d'hibernation (début Décembre-fin Mars). Les prélèvements de tissus adipeux blancs sont effectués tout au long du cycle, sur des marmottes anesthésiées au Zoletil 100 (Lab. Reading, 0,2 ml / kg).

La stimulation des activités lipolytique, lipogénique et du transport membranaire des hexoses est étudiée à partir d'une suspension d'adipocytes isolés, suivant un protocole in vitro décrit par Rodbell (1964). La suspension cellulaire est lavée et reprise dans un tampon Krebs-Ringer dont le pH est de 7,4 , contenant 6 mM de glucose et 5% d'albumine. L'activité lipolytique est mesurée par dosage du glycérol relargué dans le milieu, lors de l'hydrolyse des triglycérides. L'activité lipogénique est mesurée par l'incorporation d'eau tritiée dans les lipides synthétisés au cours de deux heures d'incubation à 37deg.C, sous agitation constante.

L'étude de l'activité lipolytique a été conduite sur deux dépôts graisseux différents : - Le tissu adipeux blanc situé sous le péritoine (dépôt péritonéal), - Le tissu adipeux blanc sous-cutané prélevé au dessus de la région du bas-ventre ou de l'aine (dépôt sous-cutané inguinal). L'étude comparée des deux tissus renseignera sur l'existence éventuelle d'un recrutement préférentiel des triglycérides et des acides gras de l'un ou l'autre de ces deux dépôts.

L'activité de transport du glucose (principal précurseur des acides gras) à travers la membrane adipocytaire est mesurée par l'utilisation d'analogues marqués et non métabolisables du glucose, le 3-O-Méthyl D Glucose (3-O-MG) et le 2 Desoxy-D-Glucose (2-DG). Ces derniers empruntent les mêmes transporteurs que le glucose. Le 3-O-MG traverse la membrane cellulaire via les deux transporteurs Glut 1 et Glut 4 , suivant son gradient de diffusion. L'accumulation de cet hexose s'achève lorsqu'il atteint son équilibre de diffusion. Le 3-O-MG permet de définir l'espace de diffusion cellulaire de l'hexose. Le 2-DG entre dans la cellule selon le même processus mais se concentre au dessus de son équilibre de diffusion (phase de concentration) du fait de sa capacité à subir la première étape de la glycolyse. Il s'accumule dans la cellule sous la forme de 2-DG phosphate (2-DGP). La vitesse de réaction de phosphorylation est plus grande que celle de déphosphorylation. Il se crée dans la cellule une compartimentation biochimique du 2-DGP ce qui ralentit la sortie du 2 DG hors de la cellule (Foley et Gliemann, 1981). L'emploi de cet hexose renseigne non seulement sur la sensibilité des transporteurs à l'insuline mais aussi sur l'efficacité du système de concentration du glucose dans la cellule.

RÉSULTATS

Les résultats exposés ici ont été recueillis au cours de la saison automne-hiver 93-94. Ils concernent des animaux mâles et femelles présentant des fluctuations pondérales saisonnières marquées. L'aspect sauvage du modèle animal, la présence des 2 sexes dans le lot et l'âge indéterminé des marmottes, sont autant de facteurs qui augmentent la variabilité interindividuelle au sein de l'échantillon suivi. Du fait de l'effectif réduit et du temps de cicatrisation nécessaire aux animaux entre chaque intervention chirurgicale, le nombre des manipulations est restreint à 2 animaux par mois en saison d'hibernation. Les résultats correspondent à des valeurs brutes obtenues et présentées mois par mois depuis Octobre 93. L'étude du cycle complet de la marmotte n'étant pas encore achevé, l'analyse statistique des données commentées dans les paragraphes ci-dessous n'a donc pas encore été effectuée.

a) Activité lipolytique.

L'activité lipolytique d'adipocytes isolés de marmottes (Tableau 1) et l'effet de différentes hormones telles que la noradrénaline (NA), le glucagon et l'ACTH, sont étudiés sur les dépôts péritonéal (TAP) et sous-cutané (TASC).

a.1) Activité lipolytique du dépôt péritonéal

L'activité lipolytique basale des adipocytes du TAP apparaît stable d'Octobre à Décembre, puis fluctue d'avantage au mois de Janvier et Février au cours desquels 2 individus montrent une lipolyse basale quasiment nulle (individus 8 et 10).

La réponse des adipocytes à la NA et à l'ACTH croît avec la concentration de ces hormones dans le milieu d'incubation. L'effet lipolytique de ces deux hormones est observé chez tous les individus au cours de la saison d'hibernation mais avec des fluctuations interindividuelles importantes. Si l'on se réfère à l'activité lipolytique basale, la réponse maximale est obtenue pour une concentration de 10-5 M de NA et 10-7 M d'ACTH. Les seuils de réponse se situent respectivement autour de 10-7 et 10-9 M, à l'exception des individus 6 et 8, chez qui la NA semble stimuler d'avantage à la concentration 10-8 M que 10-7 M.

Contrairement à ce que l'on peut observer avec la NA et l'ACTH, la réponse des adipocytes au glucagon reste faible chez la marmotte, même aux fortes concentrations d'hormone (sauf pour l'individu 9). Une grande variabilité entre individus est également observée.

L'addition d'ADA dans le milieu d'incubation contribue fortement à l'accroissement de l'activité lipolytique basale Il est intéressant de noter qu'en présence d'ADA, la valeur de l'activité lipolytique stimulée par la NA et le glucagon, quelles que soient les concentrations utilisées, est ramenée à l'activité lipolytique observée en présente d'ADA seule. L'ADA semble restreindre l'expression des propriétés lipolytiques de la NA.

a.2) Activité lipolytique du dépôt sous-cutané inguinal.

Les observations concernant le TASC sont similaires à celle faites à partir du TAP . On note cependant d'avantage de fluctuations interindividuelles dans la réponse adipocytaire basale du TASC.

a.3) Étude comparée de l'activité lipolytique des deux dépôts.

L'analyse comparée des deux types de tissu montre que les niveaux de réponse des adipocytes peuvent varier d'un dépôt à l'autre, suivant l'hormone stimulante considérée. L'activité lipolytique basale du TASC paraît plus élevée que celle du TAP pour 7 individus sur 9 (individus 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 10). Pour 6 individus sur 9 (individus 3, 4, 5, 7, 9 et 10), la NA et le glucagon semble stimuler d'avantage l'activité lipolytique du TAP que celle du TASC. L'inverse est observée chez 4

individus sur 6 (individus 6, 8, 9 et 10) dans le cas de l'hormone corticotrope.

En présence d'ADA, les observations précédemment établies évoluent différemment. En effet, les adipocytes du TAP apparaissent d'avantage sensibles à l'ADA entre Octobre et début Décembre. Cette sensibilité à l'ADA tend à décroître dans le TAP et à augmenter dans le TASC au cours de la période comprise entre fin Décembre et Février. Le même phénomène est également observé dans le cas de la réponse à la combinaison NA-ADA.

b) Action de l'insuline

b.1) Effets de l'insuline sur l'activité lipolytique d'adipocytes isolés de marmottes.

L'effet de l'insuline sur l'activité lipolytique d'adipocytes isolés stimulés par la NA 10-6 M. L'étude des effets de cette hormone ont été conduites sur les deux dépôts graisseux.
- Effets de l'insuline sur le TAP :
TA Péritonéal Oct Nov Dec Jan Fev
Individus 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Sexe M F M M M F F F M M
Noradrénaline 10-6 M 1463 975 1110 1872 1774 1448 2069 530 31 1689
NA 10-6 M + Insuline 10-10 M - - - 1871 2423 1251 1850 1211 1703 1498
NA 10-6 M + Insuline 10-9 M 796 1030 1723 2113 2301 1335 2200 1123 1110 1247
NA 10-6 M + Insuline 10-8 M - - 1603 2021 2337 1402 2050 1060 1480 1680
Concentration efficace (M) 10-9 - - SE - 10-10 10-10 - 10-9
% d'inhibition maximale 45 - - 0 - 14 10,5 - - 26
Tableau 2 : Activité lipolytique

Exprimée en nmol de glycérol libéré / 100 ul de cellules / h) d'adipocytes isolés de TAP en présence d'insuline (SE = sans effet)

A partir du mois d'Octobre, trois types de réponses à l'insuline ont été observés. Pour certains individus, les résultats obtenus en présence d'insuline traduisent une évolution inverse de celle habituellement observée chez un mammifère tel que le rat. En effet, pour les individus 3, 5, 8 et 9, l'insuline exerce une franche action lipolytique sur les adipocytes. Aucune raison ne peut actuellement expliquer une telle réponse des cellules adipeuses à cette hormone. Chez l'individu 4, l'insuline n'exerce aucun effet (ni lipolytique, ni antilipolytique), quelle que soit la concentration utilisée. Enfin, les adipocytes prélevés chez les individus 1 et 10 montrent une sensibilité maximale à l'insuline pour une concentration de 10-9 M. L'inhibition de la lipolyse est respectivement de 46 et 26 %. Les adipocytes de l'individu 6 montrent une réponse maximale à l'insuline pour une concentration de 10-8 M. L'inhibition de l'activité lipolytique est alors de 13 %.

- Effets de l'insuline sur le TASC :
La réactivité de ce dépôt diffère quelques peu de celle du TAP. La sensibilité maximale des adipocytes à l'insuline est la même dans le tissu de l'individu 10 (10-9 M) mais le pourcentage d'inhibition passe de 26 à 68 %. Les adipocytes du TASC des individus 3 et 9 maintiennent une réponse lipolytique à l'insuline. Des variations de la sensibilité à l'insuline des adipocytes sont notées chez les individus 4 et 7. Alors que chez l'individu 4, l'hormone n'exerce aucun effet sur le TAP, elle inhibe de 23 % la lipolyse du TASC à la concentration 10-10 M. le phénomène inverse est observé chez l'individu 6. On note également une diminution de la sensibilité à l'insuline chez l'individu 7, puisque l'inhibition maximale est obtenue pour une concentration de 10-8 molaire.

TA sous-cutané inguinal Oct Nov Dec Jan Fev
Individus 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Sexe M F M M M F F F M M
Noradrénaline 10-6 M - 354 611 1456 491 1654 999 1081 45 1093
NA 10-6 M + Insuline 10-10 M - - - 1120 1449 1652 1176 1900 1726 731
NA 10-6 M + Insuline 10-9 M - 315 1121 1405 1269 1692 1201 1986 1368 349
NA 10-6 M + Insuline 10-8 M - - - 1391 1331 1776 852 380 1457 642
Concentration efficace (Molaire) - 10-9 - 10-10 - SE 10-8 10-8 - 10-9
% d'inhibition maximale - 11 - 23 - 0 15 64 - 68

Tableau 3 : Activité lipolytique

Exprimée en nmol de glycérol libéré / 100 ul de cellules / h) d'adipocytes isolés de TASC en présence d'insuline (SE = sans effet)

b.2) Effets de l'insuline sur l'activité lipogénique d'adipocytes isolés de marmotte.

L'action lipogénique de l'insuline n'a été étudiée que sur les adipocytes du dépôt péritonéal. Cette activité est exprimée en cpm de 3H incorporés dans les lipides de 100 ul de cellules durant une incubation de 2 heures (Tableau 4). Les résultats obtenus ne permettent pas de décrire une évolution de la sensibilité des adipocytes à l'insuline, pendant la période étudiée. En effet, la sensibilité des cellules à l'insuline fluctue fortement d'un individu à l'autre. Cependant, si l'on s'intéresse à la stimulation maximale de l'activité lipogénique (exprimée par le rapport lipogenèse sur lipogenèse basale) pour la concentration efficace déterminée, on note une décroissance de la réponse des cellules entre le mois d'Octobre et le mois de Janvier. L'absence de stimulation (rapport inférieur ou égal à 1) reflète une insensibilité des cellules à l'insuline entre Décembre et Janvier. La levée de cette insensibilité semble survenir dès le mois de Février.

TA péritonéal Oct Nov Dec Janv Fev
Individus 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Sexe M F M M M F F F M M
Basale 26 24 50 71 32 15 30 14 24 21
+ ADA (2* ou 4 ug / ml) 27* 6* 57* 21 3 3 1 1 6 8
+ Insuline 10-6 M 35 30 66 81 26 13 29 8 31 23
+ Insuline 10-7 M 32 30 101 80 27 13 26 14 34 14
+ Insuline 10-8 M 30 27 101 78 26 13 26 9 28 17
+ Insuline 10-9 M 29 24 95 75 34 11 27 12 29 24
Concentration efficace (M) 10-6 10-7 10-8 10-6 10-9 10-8 10-6 10-7 10-7 10-9
Rapport l. stimulée / l. basale maximal 1,25 2,02 1,14 1,06 0,86 0,96 1 1,41 1,14
Tableau 4 : Activité lipogénique d'adipocytes isolés de marmotte

Exprimée en cpm de 3H incorporés dans les lipides par 100 ul de cellules, au cours d'une heure d'incubation pour 10 millions de cpm initiaux.

d) Étude du transport trans-membranaire du 3-O-MG et du 2-DG.

L'étude des systèmes de transport et de concentration des hexoses n'a été réalisée sur le TAP qu'aux mois d'Octobre et de Novembre, au cours de la période de préhibernation des marmottes. Les résultats (Fig. 1) montrent qu'à cette période, l'activité des deux systèmes est faible et peu ou pas sensible à l'insuline.

d.1) transport du [3H]3-O-MG

La quantité de [3H]3-O-MG qui a pénétrée dans les adipocytes à l'équilibre, fluctue entre 1 et 2 nmoles / 100 ul de cellules, suivant les individus. Cette quantité correspond à l'équilibre de diffusion atteint lorsque la concentration en hexose intra et extra-cellulaire sont égales. Elle permet donc de calculer le volume de diffusion de l'hexose, lequel permet de contrôler le bon état des cellules au cours du temps et d'estimer la capacité des cellules à concentrer les sucres phosphorylables.

d.2) transport du [3H2]-DG

Activité du système de transport Glut 4 :
La figure 1 montre qu'en présence d'insuline dans le milieu d'incubation ne modifie pas la vitesse initiale d'entrée du 2-DG. En fin de phase de pré-hibernation, l'insuline 10-9 M n'entraîne pas la translocation des transporteurs Glut 4 dans la membrane.
Activité du système concentratif intracellulaire
En fin de phase de pré-hibernation, le processus concentratif des hexoses est inopérant et insensible à l'insuline. l'accumulation basale et stimulée du 2-DG ne surpasse pas l'équilibre de diffusion donnée par le 3-O-MG.

Figure 1 : Étude cinétique du transport des hexoses à travers la membrane adipocytaire.

La vitesse d'entrée et d'accumulation du 3-O-MG et du 2-DG est exprimée en nanomoles pour 100 ul de cellules. l'activité du système concentratif est faible en période de pré-hibernation : le 2-DG ne s'accumule pas au dessus de l'équilibre de diffusion, du 3 -O-MG. On note également une insensibilité à l'insuline du système de transport. La vitesse d'entrée et l'accumulation du 2-DG dans l'adipocytes n'est pas stimulée par l'insuline.

DISCUSSION

Les premiers résultats exposés ici montrent que durant les saisons de pré-hibernation et d'hibernation, le métabolisme des cellules adipeuses est orienté vers la mobilisation des substrats de réserve. En effet, d'une manière générale, les adipocytes ne répondent qu'aux hormones au pouvoir hautement lipolytique telles que la NA et l'ACTH. L'étude comparée des dépôts péritonéal et sous-cutané révèle différents niveaux de réponse des adipocytes et une éventuelle utilisation préférentielle de ceux-ci au cours de l'hibernation. Ainsi, d'après les résultats, le dépôt sous-cutané pourrait soutenir l'approvisionnement basal en substrat énergétique ainsi que la mobilisation rapide de ces substrats en cas de stress, sous l'effet d'une stimulation par l'ACTH. Pour sa part, le dépôt péritonéal, plus sensible à l'action de la NA, serait le fournisseur principal d'énergie du tissu adipeux brun (organe thermogène), lui même fortement sollicité au cours des réveils périodiques sous l'effet de cette hormone. Le rôle du glucagon apparaît moins évident du fait de l'irrégularité de ses effets chez les différents individus étudiés. On ne note pas de réponse lipolytique prépondérante à cette hormone dans l'un ou l'autre des dépôts. Les fluctuations interindividuelles ne permettent pas de conclure quant à son rôle précis dans la régulation de la lipolyse pendant l'hibernation de la marmotte ni de confirmer les observations faites par Castex et Hoo-Paris (1985) chez d'autres hibernants tels que le loir et le hérisson.

Les résultats obtenus en présence d'ADA mettent en évidence l'existence d'un contrôle important de l'activité lipolytique des adipocytes de marmotte par l'adénosine durant l'hibernation. La levée d'inhibition de la lipolyse basale par l'ADA est forte dans les deux dépôts et un relais dans la sensibilité des tissus à l'adénosine semble prendre place au milieu de la saison d'hibernation. En effet, la sensibilité de l'activité basale du TAP à l'action de l'ADA décroît en milieu d'hibernation alors que celle du TASC augmente à partir de cette période. Il est intéressant de noter qu'en présence d'ADA (donc en absence d'adénosine) dans le milieu d'incubation des cellules, l'effet lipolytique des hormones paraît supprimé et que seul, semble persister celui dû à l'action de l'ADA. Cette observation est contraire à celle faites chez le rat où l'ADA accentue les effets lipolytiques de la NA et du glucagon tout en préservant l'incrément de stimulation provoqué par des doses croissantes d'hormones.

La sensibilité des cellules à l'insuline au cours de l'hibernation reste difficile à définir. L'ensemble des résultats concernant l'activité lipolytique et lipogénique des adipocytes en présence d'insuline tend à montrer que les cellules ne répondent pas ou peu à l'action de cette hormone. L'effet de l'insuline n'est pas reproductible d'un dépôt à l'autre chez les mêmes individus. Les pourcentages d'inhibition maximale mesurés dans le TASC sont supérieurs à ceux du TAP et ne sont pas obtenus pour les mêmes concentrations en hormone.

Des concentrations élevées en insuline ont également peu d'effets sur la stimulation des activités lipogéniques et de transport des hexoses. En milieu de période d'hibernation, les cellules présentent une véritable insensibilité à l'insuline puisque des concentrations de 10-6 et 10-7 M ne suffisent pas à stimuler la mise en réserve du glucose sous forme de lipides. Il en est de même pour le transport des hexoses. Dès novembre l'accumulation du 2-DG dans la cellules ne s'élève pas au dessus de l'équilibre de diffusion. Cette faible accumulation qui n'est pas stimulée par la présence d'insuline dans le milieu d'incubation, montre d'une part que l'hormone ne stimule pas la translocation des transporteurs Glut 4 au niveau de la membrane plasmique de l'adipocytes mais aussi que l'équipement enzymatique nécessaire à la phosphorylation du glucose n'est pas fonctionnel durant cette période du cycle de l'animal.

L'ensemble des résultats semble en accord avec ceux de Tokurama et al, 1990 et Mosfata et al, 1993. Les premiers auteurs ont montré qu'en période de pré-hibernation, l'insulinémie des marmottes à ventre jaune (Marmota flaviventris) est élevée, ce qui serait le reflet d'une diminution de liaison et de la capture de l'insuline par l'ensemble des tissus périphériques dont le tissu adipeux blanc. La raison de cette insulinorésistance n'est pas encore très étudiée chez les hibernants. Les seconds auteurs ont montrés que l'acide gras synthétase ainsi que d'autres enzymes impliquées dans la synthèse et la transformation des acides gras, présentent au cours de l'hibernation une activité minimale dans le tissu adipeux blanc. Les données de la littérature n'indiquent pas si une modification de la vitesse de synthèse est à l'origine de la diminution de l'activité de ces enzymes. De même, aucune recherche concernant un éventuel rythme saisonnier d'une régulation de la transcription des récepteurs à l'insuline n'a été conduite à ce jour.

BIBLIOGRAPHIE

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FLORANT GLL., NUTTLE C., MULLINEX D. E., RINTOUL D. A. 1990 : Plasma and white adipose tissue lipid composition in marmots. Am. J. Physiol., 258 : R1123-R1131.
JAMES D. E., HIKEN J. AND LAWRENCE J. C. JR 1989 : Isoproterenol stimulates phosphorylation of the insuline-regulatable glucose transporter in rat adipocytes. Proc. Natl. Acad Sci., Vol 86, pp. 8368-8372.
MOSFATA N., EVERETT D. C., CHOU S. C., KONG P. A., FLORANT G. L., COLEMAN R. A. 1993 : Seasonal changes in critical enzymes of lipogenesis and triacylglycerol synthesis in the marmot (Marmota flaviventris). J. Comp. Physiol. B, 163 : 463-469.
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A suivre...

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