3ème Journée d'Étude sur la Marmotte Alpine, Ramousse R. & Le Berre M. eds. :23-30.
ISBN : 2-9509900-1-0


MARMOTTE ALPINE ET PARASITISME

Marie-Pierre CALLAIT
Le Concorde, 2 rue du Villard, 73490 La Ravoire

Le fonctionnement de l'association marmotte-parasite est recherché, en milieu naturel, ainsi que l'influence du parasitisme sur la survie des individus de deux groupes de marmottes (un groupe témoin et un groupe déparasité, Praziquantel et Ivermectine). Tout au long de la saison, les cinétiques d'émission des oeufs des parasites (coproscopies), la vitesse de réinfestation et l'accroissement pondéral des individus sont analysés. En 1994 et 1995, les parasites présents sont des Coccidies du genre Eimeria (toute la saison, pic au printemps), 1 Cestode (présent courant juin) : Ctenotaenia marmotae et 2 Nématodes (émission fin juillet : Ascaris laevis (Ascaris, monoxène) et Citellina alpina (Oxyure). Les deux molécules utilisées ont un effet immédiat, un effet différé différent entre Ascaris et Cestode et pour l'effet à long terme, les données sont insuffisantes, comme les données individuelles d'accroissement pondéral des deux lots (traité et témoin).
Mots-Clés : Marmota marmota, Coproscopies, Bilans parasitaires, Accroissement pondéral.

Alpine marmot and parasitism
The functionning of the association marmot-parasite was studied, in the field, as well as the parasitism influence on survival of two groups of marmots (a control group, and one treated with vermifuges, Praziquantel et Ivermectine). Egg kinetics of parasites (coproscopies), reinfestation speed and individual ponderal increase were analysed during the whole season. In 1994 and 1995, the following parasites were found, coccidia of Eimeria genus (Protozoa; the whole season, peak in spring); 1 cestode (since June), Ctenotaenia marmotae; and 2 nematodes (since the end of July), Ascaris laevis and Citellina alpina. The vermifuges used had an immediate effect, a different postponed effect between Ascaris and Cestode, and data were inadequate to determine the long term effect, as well as to compare individual ponderal increase between the two groups (control and treated).
Key-words: Marmota marmota, Coproscopies, Parasite outcome, Mass increase.

PRÉSENTATION DE L'ÉTUDE

* Déroulement et cadre : Nous avons commencé cette étude en 1994 pour le mémoire de D.E.A. ; elle se poursuit de 1995 à 1997 dans le cadre d'un doctorat à l'université de Savoie.

* Objectif : C'est une étude écopathologique, à visée essentiellement parasitologique, pour approfondir les connaissances sur le parasitisme de la marmotte alpine et ses conséquences sur l'hôte en milieu naturel.

* Problématique : Etant donnée la très forte charge parasitaire relevée chez la marmotte et la très grande spécificité de ces parasites pour leur hôte, nous cherchons à savoir comment fonctionne cette association hôte-parasite, et quelle peut être l'influence du parasitisme sur la survie des individus. Nous nous sommes donnés comme impératif d'intervenir au maximum en milieu naturel et de minimiser le dérangement infligé aux animaux.

* Méthodes :

Analyses coproscopiques sur des crottes ramassées régulièrement, sur les latrines des groupes étudiés : pour apprécier la présence des parasites tout au long de la saison et établir les cinétiques d'émission des oeufs de ces parasites.

Pesées régulières des animaux avec les pesons simples après capture ou grâce à la balance électronique mise en place sur le terrain.

Comparaison d'un lot d'animaux déparasités par injection et d'un lot témoin: pour mettre en évidence leur vitesse de réinfestation, leurs différences d'accroissement pondéral au cours de la saison.

* Sites : en 1994 et 1995, la Réserve Naturelle de la Grande Sassière ; en 1996, en complément du site habituel de la Sassière, Prapic, Valdrôme et Termignon/Bonneval, pour comparer les infestations sur des sites d'occupation variés.

VOLET TECHNIQUE

* Collet arrêtoir : Ce dispositif à pour objectif de pallier la relative lenteur des captures par les cages-pièges classiques (et l'impossibilité évidente d'utiliser les pièges à palette). La figure 1 représente ce système. En 1995, les premiers essais ont été faits en août et septembre donc en fin de saison. Pour minimiser les problèmes rencontrés (animaux sortis par d'autres trous, passés trop vite ou sans déclencher, ou encore pas sortis du tout jusqu'à la nuit) et améliorer le principe, nous allons réaliser différents essais en début de saison 1996 pour comparer ce mode de capture aux deux autres.

Figure 1. Collet arrêtoir, prototype avec déclencheur BANTIN.

* Balance électronique : Nous avons mis en place ce système en 1994 pour peser les animaux sans avoir à les capturer ou les manipuler. La balance est disposée sur le terrier principal du groupe étudié ; en 1995, nous l'avons reliée à un poste distant par un câble de 200 mètres ; à ce poste, un observateur muni d'une longue-vue note les allées et venues des marmottes sur le plateau et identifie les individus. Avec encore quelques modifications (allègement du plateau, augmentation de la puissance du système, modification du programme informatique pour enregistrer les données à la demande par l'observateur) nous pensons que l'ensemble sera pleinement opérationnel pour la saison 1996.

VOLET ÉCOPATHOLOGIQUE

* Parasites présents

* Coccidies du genre Eimeria (Protozoaires)

* 1 Cestode: Ctenotaenia marmotae (Anoplocéphale, dixène)

* 2 Nématodes: Ascaris laevis (Ascaris, monoxène) et Citellina alpina (Oxyure).

Les coproscopies nous permettent de déterminer la présence des oeufs émis par ces parasites et donc la présence d'adultes matures dans l'organisme parasité. Dans quelques cas seulement il est possible de corréler le nombre d'oeufs émis et l'intensité de l'infestation de l'hôte.

* Prévalence et variations saisonnières

* Coccidies : Sur le site de la Grande Sassière nous les rencontrons durant toute la saison, sur tous les individus et dans tous les groupes. Les variations individuelles du nombre d'oeufs dénombré dans les crottes sont très importantes. C'est pourquoi, pour établir les cinétiques globales d'émission des oeufs, les prélèvements étaient constitués de mélanges de crottes issues de plusieurs individus différents du même groupe. Nous pouvons comparer ces cinétiques pour les années 1994 et 1995 (Fig. 2) . Les pics d'émission ont lieu à la même période, au printemps, comme l'avait déjà décrit BASSANO (1992) sur d'autres sites. Ce pic est notablement moins élevé en 1995 qu'en 1994, peut-être à cause des différences climatologiques entre ces deux années (l'hiver 1995 était beaucoup plus enneigé que l'hiver 1994).

Figure 2. Cinétique générale d'émission des Coccidies en 1994 et 1995

Figure 3. Cinétique des émissions des Ascaris en 1994 et 1995

* Ascaris : L'émission commence à partir de la fin du mois de juillet ; elle devient ensuite constante sur tous les individus et tous les groupes. En comparant les cinétiques, il apparaît le même phénomène que pour les coccidies : le pic automnal d'émission est beaucoup plus faible en 1995 qu'en 1994 (Fig. 3).

* Cestode : Les oeufs sont présents courant juin (soit environ 2 mois après la sortie des terriers). On peut déterminer la présence de ce parasite dans les oeufs de deux façons : macroscopiquement, on voit très nettement des segments blanchâtres émis entiers à la surface des crottes ; microscopiquement, ce n'est que lorsque ces segments sont écrasés que les oeufs sont directement présents dans les crottes. La coproscopie nous donne donc dans ce cas un résultat qualitatif (présence ou absence), nullement corrélé à l'intensité de l'infestation. Nous n'avons donc pas de cinétique d'émission pour ce parasite.

Tableau 1 : Résultats des autopsies réalisées en 1995 (G.S.= Grande Sassière ; B= Bonneval sur Arc)
Date Identification des individus Bilans parasitaires Coproscopies
1995 Âge Sexe Lieu Ascaris Cestodes Coccidies
4 Mai 1 an F G. S. 2 Citellina alpina immatures 0 0 0
9 Mai 1 an M G. S. 0 0 0 43.200/gr
9 Mai Adulte M G. S. 2 Ctenotaenia immatures 0 0 100/gr
1 Juin Adulte F B. 82 Ctenotaenia immatures = 29,4gr
2 Citellina alpina immatures
0 0 7.200/gr
1 Juin 1 an F B. 11 Ctenotaenia immatures
9 Ascaris laevisimmatures
2 Citellina sp. immatures
0 0 69.000/gr
17 Juil marmotton M G. S. 1 Ascaris sp. immature / / / .
17 Juil. marmotton M G. S. 0 / / /

* L'infestation est très précoce : la sortie des terriers se fait mi-avril, avec théoriquement un intestin complètement vide ; déjà 3 semaines après (9 mai), les marmottes hébergent des parasites immatures ; 1 mois après (1er juin), l'infestation atteint un très haut niveau ; la révélation en coproscopie se fait seulement à la mi-juin.

* La présence de Citellina alpina n'est pas négligeable sur le site : des formes immatures sont présentes très précocement (4 mai) et sur plus de la moitié de notre petit échantillon (3 animaux de plus de un an sur 5).

* Traitements : Nous avons utilisé deux molécules, le Praziquantel efficace contre les Cestodes et l'Ivermectine contre les Nématodes et les ectoparasites. Le recul obtenu après deux années d'utilisation nous permet de mettre en évidence trois types d'effets :

* L'effet immédiat est observé 1 à 2 jours après l'administration. On ne peut noter aucun effet pathogène (ni sur l'état général ni au niveau digestif). Pour un individu nous avons observé un effet expulsif net et bien visible macroscopiquement sur Ctenoteania marmotae : les crottes récoltées le lendemain du traitement étaient recouvertes de longues séries de segments de taenia (au moins 5 cm de long).

* L'effet différé, plusieurs semaines après traitement, est différent entre Ascaris et Cestode.

Pour Ctenotaenia marmotae, on observe une période charnière, aux alentours de 50 jours après traitement : avant, les analyses (macroscopiques et microscopiques) sont toujours négatives ; à 50/55 jours, elles sont mitigées ; après, elles sont en majorité positives. Donc, sous réserve de confirmation avec un plus grand échantillon, nous pouvons considérer que : 1deg.) le traitement administré élimine effectivement ce Cestode de manière efficace mais ponctuelle ; 2deg.) les animaux se réinfestent immédiatement par ingestion de l'hôte intermédiaire, un Acarien Oribate (présent à l'intérieur des terriers ou sur les prairies extérieures?) et 3deg.) la période prépatente de Ctenotaenia marmotae en milieu naturel peut être évaluée à une cinquantaine de jours (ce qui correspond à quelques jours près à l'extrapolation proposée par BASSANO, 1992, à partir des connaissances sur les autres Anoplocaphalidés).

Pour Ascaris laevis, nous n'avons pas trouvé de période charnière comme précédemment. Or, c'est un parasite monoxène qui possède une période de migration larvaire dans l'hôte définitif, période probablement très variable en fonction de l'état de santé de l'hôte, de son degré d'infestation, de la saison... Donc le temps entre le traitement et une coproscopie positive peut correspondre à cette durée de maturation, variable individuellement. On ne peut donc pas déterminer de période prépatente.

* Pour l'effet à long terme, nous avons un recul de 1 an, donc après passage d'une hibernation, période critique s'il en est. Sur les 18 individus traités en 1994, nous en avons revu 10 en 1995. La majorité des individus "manquants" appartenaient au groupe A, qui a dans son ensemble subit de grandes pertes pendant cette hibernation : seulement 3 animaux sont ressortis au printemps 1995, sur le total des 10 présents en 1994 (vermifugés ou non). Nous avons observé le même phénomène dans d'autres groupes (non concernés par le traitement) situé comme le groupe A en fond de vallée, près du torrent. Cette mortalité semble donc être liée à des facteurs de survie pendant l'hibernation ou de situation près de torrent (une partie de la berge donc des terriers proches a été emportée par le torrent dans certains groupes). Nous pouvons d'autre part souligner la "bonne santé" d'un individu de 1 an du même groupe A dont nous avions souligné le cas en 1994. Il nous avait semblé perturbé par le traitement, avec un accroissement pondéral beaucoup plus faible que ses congénères et une infestation massive par Ascaris laevis (décelé par coproscopie après traitement). En 1995, il fut l'un des rares individus de ce groupe à sortir des terriers au printemps, avec un embonpoint tout à fait satisfaisant : 2,1 kg, par rapport aux autres individus de son âge.

* Accroissement pondéral : Les données individuelles des deux lots (traité et témoin) sont encore assez faible pour obtenir un échantillon significatif (tableau 2). Les poids de fin de saison sont toujours les plus difficiles à obtenir. Il ne semble pas y avoir de différence notable entre les deux lots. Cela peut être logique si l'on tient compte de la remarque que nous avons faite sur le traitement qui n'a qu'un effet ponctuel : le lot "traité" n'est pas parasites "free". Par contre on peut utiliser les données de poids pour suivre l'accroissement pondéral des animaux des différentes classes d'âge tout au long de la saison (Fig. 4, 5, 6 et 7). On retiendra donc que les jeunes ont une croissance très forte : les animaux de deux ans atteignent le poids des adultes en fin de saison ; la chute de poids pendant hibernation est donc impressionnante.

Tableau 2 : Gain Moyen Quotidien des individus des deux lots.

Lot Traité Groupe Identité des individus GMQ blobal GMQ début de saison (*) GMQ mi-saison (**) GMQ fin de saison (***)
Traité N Yoyo (M Ad) 15gr/j ? 15gr/j
C "C" (M Ad) 9gr/j 17gr/j 5gr/j ?
B "N" (M Ad) 10gr/j 9gr/j 11gr/j
N Huguette (F 2 ans) 28gr/j 19gr/j 46gr/j 29gr/j
N Globule (F 2 ans) 16gr/j 9gr/j 18gr/j
C "F" (F 2ans) 18gr/j 22gr/j 15gr/j
N "3" (M 2ans) 26gr/j 13gr/j 31gr/j
C "6" (M 2ans) 15gr/j 17gr/j 19gr/j 10gr/j
B "^" (F 1an) 25gr/j 12gr/j 35gr/j ?
B "o" (F 1an) 16gr/j 12gr/j 20gr/j ?
N "Point" (M 1 an) 25gr/j 6 gr/j 32gr/j
N "Plus" (M 1an) 19gr/j 6gr/j 24gr/j
B "X" (M 1an) 19gr/j 10gr/j 26gr/j ?
Moyenne des Traités 18gr/j 13gr/j 23gr/j 21gr/j
Témoin C "E" (F Ad) 6gr/j 9gr/j 5gr/j -2gr/j
C "7" (F Ad) 14gr/j 14gr/j ?
B "Z" (F Ad) 8gr/j 8gr/j ? ?
G F Ad 4gr/j 4gr/j ? ?
E M Ad 16gr/j -12gr/j 30gr/j ?
C "2" (F 2ans) 24gr/j 24gr/j ?
I F 2 ans 18gr/j 18gr/j ? ?
F F 1 an 28gr/j 28gr/j ?
D F 1 an 18gr/j 18gr/j ? ?
I F 1 an 18gr/j 18gr/j ? ?
B "=" (M 1an) 14gr/j 13gr/j 15gr/j
Moyenne des témoins 15gr/j 13gr/j Insuffisant
(*) Avril à Juin (= avant traitement); (**) Juillet-Août (= après le premier traitement); (***) Août-Septembre (= après le second traitement).

Figure 4. Evolution pondérale des animaux de un-an, 1995

Figure 5. Evolution pondérale des animaux de deux-ans en 1995

Figure 6. Evolution pondérale des animaux adultes 1995

Figure 7. Poids moyen des différentes classes d'âge, 1995

CONCLUSION - OBJECTIFS POUR 1996

* Bilans parasitaires sur des animaux morts naturellement ou tués à la chasse, pour préciser la structure de la communauté d'helminthes.

* Cinétiques parasitaires générales par coproscopies, sur des sites d'utilisation humaine et animale variée : site sans interférences externes : La Grande Sassière ; sites fortement anthropisés : Prapic (Écrins) et Termignon/Bonneval (Maurienne) ; site de réintroduction récente : Valdrôme (Drôme).

* Cinétiques parasitaires particulières : avant et après la mise-bas, pour connaître les modifications de la dynamique d'émission des oeufs ; avant et après l'hibernation sur des individus en captivité, pour objectiver l'hypothèse de purge hivernale des marmottes et obtenir des pistes de recherche pour découvrir le déterminisme de ce mécanisme.

* Accroissement pondéral en conditions naturelles des animaux suivant leurs classes d'âge (pour connaître les variations possibles d'une année sur l'autre et en déterminer l'origine) d'individus identifiés tout au long de la saison (pour établir une courbe de poids).

BIBLIOGRAPHIE

BASSANO B., SABATIER B., ROSSI L. & MACCHI E. 1992 Parasitic fauna of the digestive tract of Marmota marmota in the western Alps. Proc. 1st Intern. Symp. on Alpine Marmot and gen. Marmota, Bassano B., Durio P., Gallo Orsi U., Macchi E. eds.,Torino, 13-24.

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