3ème Journée d'Étude sur la Marmotte Alpine, Ramousse R. & Le Berre M. eds. : 31-34.
ISBN : 2-9509900-1-0


PREMIÈRES OBSERVATIONS SUR LES POPULATIONS
DE MARMOTTES DES ALPES DU MASSIF DU MADRES-CORONAT (66).

DESCRIPTION SUCCINCTE DU PROJET D'ÉTUDE.

Luc CHAZEL* & Muriel DA ROS**
*Conservateur et **Chargé de recherche de la Réserve Naturelle de Jujols,
Maison de la Réserve, 66360 Jujols

Résumé : L'inventaire des populations de marmottes du massif du Madrès-Coronat a été réalisé. La population découverte dans une zone de pins à crochets en 1985 s'est maintenue. De nouvelles populations ont été répertoriées, en particulier dans des landes à genêts et sur le versant sud du massif où les conditions écologiques étaient jugées à priori peu favorables à l'installation des marmottes. Une population a été signalée à faible altitude (limite du chêne vert).
Mots-clés : Marmotte alpine, Marmota marmota, Distribution, Ecologie, Pyrénées-Orientales, France.

Abstract: Preliminary observations of the Alpine marmot populations of the Madrès-Coronat massif. Brief description of the study project.
The survey of Alpine marmot in the Madrès-Coronat massif was realised. The population discovered in 1985 in a mountain pine area remained. Other populations were found, particularly in broom heathland and on the southern side of the massif where ecological conditions were considered as rather unpropitious to marmot settlement. Another population was seen at low altitude (evergreen oak borderline).
Key-words: Alpine marmot, Marmota marmota, Range, Ecology, Pyrénées-Orientales, France.

PRÉSENTATION

Le massif du Madrés-Coronat situé dans l'extrême orient pyrénéen accueille une population de marmottes des Alpes dont l'origine demeure mystérieuse. Selon Claude Novoa de l'ONC (communication personnelle) le rongeur aurait fait l'objet dans le massif d'une introduction semi-clandestine réalisée en 1970 ou 1971.

Entre 1990 et 1994, nous avons été chargé de réaliser conjointement avec M. J.P. Pompidor, l'inventaire mammalien de ce massif pour le compte de la Réserve Naturelle de Nohèdes. Lors de cet inventaire, la présence de la marmotte des Alpes a été notée sur la totalité des vallons et des vallées centrées sur le pic de Madrès (2469 m). La fourchette altitudinale utilisée avait à cette époque été fixée entre 1700 et 2400 m, c'est-à-dire, qu'elle englobait la zone de plus grande extension des pelouses (1900-2300 m). Ce type de biotope est relativement rare dans le massif, comprimé entre la lande à genets et la forêt qui dépassent souvent les 2000 mètres, et les crêtes qui correspondent à des plateaux granitiques largement arasés par l'érosion glaciaire. Cette disposition générale suggérait que l'espace disponible peu étendu pouvait constituer un obstacle ou tout au moins un frein au développement démographique des colonies.

TENTATIVES DE COMPTAGE

La morphologie du relief sur les hautes vallées de Nohèdes et d'Evol, série de petits cirques, nous donna alors l'idée de tenter une évaluation de l'effectif présent en organisant des comptages. Il s'agissait de placer des équipes de deux à quatre personnes en un point permettant de tenir le secteur choisi sous contrôle visuel total et permanent. Chaque équipe était placée sous la direction d'un chef d'équipe sélectionné pour sa compétence sur le terrain et sa connaissance de la montagne.

La réserve Naturelle de Nohèdes fonctionnant sur un mode associatif, les adhérents de l'Association Gestionnaire de Nohèdes, furent conviés à participer à ces comptages, solution élégante pour créer un lien entre les adhérents de l'association et les acteurs sur le terrain.

Les opérations réalisées eurent lieu en 1990, 1991, 1992 et à deux reprises en 1993. Les conditions météorologiques défavorables obligèrent le gestionnaire à annuler les deux comptages prévus en 1994, mettant ainsi l'accent sur l'un des points faibles de ce type d'opérations ponctuelles.

COLLECTE D'INFORMATIONS

Des données furent également collectées par le biais d'informateurs qui nous révélèrent la présence possible de marmottes en des lieux assez peu favorables, récits que nous tentions d'expliquer par l'observation de sujets en quête de nouveaux territoires.

Enfin, notre ami J.P. Pompidor (qui fut conservateur de la Réserve Naturelle de Jujols jusqu'en février 1995), nous avait signalé la présence d'un noyau forestier dans le sud du massif du Coronat (Chazel 1992).

Nommé en février 1995 conservateur de la Réserve Naturelle de Jujols, l'étude de ce noyau de population installé en forêt fut promu au rang des priorités. Une demande de financement pour son étude a été faite auprès de la DIREN Languedoc-Roussilon, cette étude sera réalisée par Mlle Muriel Da Ros à partir du printemps 1996. Mais entre février 1995 et la fin de cette année, des recherches préliminaires ont été menées par Mlle Da Ros et moi-même, avec les participations occasionnelles de M. Robin Letscher, de Mlle C. Vagnon et de M. Y. Vagnon.

Ces recherches préliminaires ont porté sur trois points :

1- Complément de l'inventaire des zones occupées par la marmotte dans l'ensemble du massif.
2- Répartition des colonies au revers Sud du massif, c'est-à-dire, en conditions écologiques peu favorables.
3- Premières observations de suivi du noyau forestier.

RÉSULTATS

1- L'espèce est en fait beaucoup plus répandue sur l'ensemble du massif que nous ne le pensions, hantant des secteurs très variés, dont certains à priori peu favorables. Toutefois, cette étendue de l'aire de répartition pourrait abuser l'observateur superficiel, et les densités s'avèrent extrêmement variables sur l'ensemble de la zone. Des colonies importantes qu'à ce jour nous ne connaissions pas ont été découvertes, certaines dans des secteurs où prédomine la lande à genêts, c'est-à-dire, des secteurs où nous n'avions pas cherché. Des colonies importantes, ont également été découvertes dans des secteurs assez difficiles d'accès, ou tout simplement peu fréquentés parce que non situés sur des itinéraires classiques de randonnée.

Si les expériences de comptage étaient intéressantes, elles s'avèrent aujourd'hui notoirement insuffisantes pour une évaluation de l'effectif, par sous-estimation de la difficulté réelle de contrôler visuellement la totalité de la zone. En outre, les prospections menées nous ont permis de découvrir la présence de terriers isolés parfois très loin des zones où se concentre l'espèce. A ce jour, nous n'avons pas expliqué le phénomène.

La connaissance des colonies de la partie Sud du massif, s'avère indispensable pour deux raisons essentielles. D'une part en tant que préalable incontournable à la gestion des espaces naturels, d'autre part, parce que ces colonies sont installées dans des secteurs dont les paramètres écologiques paraissent éloignés de ceux existants dans les zones où l'espèce est florissante. Le versant Sud du massif est une vaste soulane, ouverte sur la vallée de la Têt par laquelle les influences méditerranéennes remontent et sont ressenties en altitude. Ainsi le bas de la vallée (600 m) constitue-t-il le domaine du chêne vert, Q. ilex, qui monte en boisements denses jusqu'à 1000 m. En petits bosquets, cette essence atteint 1200 à 1250 m, altitude à laquelle elle se mêle à Q. pubescens. Mais des sujets isolés (notion de performance individuelle) atteignent 1750 m! La zone du chêne vert est en général relayée par une zone de landes à thym et à cistes (1100-1300m), à laquelle succède la grande couronne de pins sylvestres (1400-2000 m), au-delà nous entrons dans le domaine du pin à crochets (P. uncinata) qui atteint presque les 2400 m. Ce versant, jugé peu favorable, n'avait pas été l'objet de recherches très poussées, il recèle pourtant des colonies relativement importantes, malgré les très fortes chaleurs estivales, une aridité liée aussi bien à ces chaleurs qu'à la nature de la roche mère peu propice à la conservation de l'humidité, et en bien des secteurs une exposition très importante aux prédateurs.

3- C'est J.P. Pompidor, qui a découvert le premier l'existence d'un noyau forestier sévissant entre 1550 et 1900 m dans les sylves du Sud Coronat. Le Coronat constitue un chaînon calcaire culminant à 2172 m, et en connexion orographique avec le massif du Madres proprement dit, au col du Portus (1736 m).

Cette vaste croupe calcaire dont le versant nord est situé sur la Réserve Naturelle de Nohèdes est recouverte par un beau manteau forestier, issu de la recolonisation par la forêt de secteurs largement surexploités il y a un siècle pour alimenter les forges catalanes.

La localisation géographique du noyau de marmottes des Alpes au flanc sud du Coronat suppose pour ces animaux une distance importante parcourue en forêt depuis le noyau granitique du Madres où fut réalisée l'introduction. Malgré des perturbations importantes le noyau initial découvert par Pompidor a témoigné d'un remarquable attachement au site.

Nos premières observations nous ont révélé un fait insoupçonné, à savoir que les marmottes accomplissent la totalité de leur cycle annuel dans trois secteurs différents. Ces déplacements sont en apparence accordés aux périodes optimales du potentiel trophique des différents secteurs. En outre, ce cycle que nous avons qualifié de pseudo-nomadisme est en parfaite adéquation avec l'optimum de quiétude réalisable eu égard à la fréquentation touristique du massif. Est-ce seulement un hasard?

Ces observations sur les marmottes du massif du Madrès-Coronat ne seraient pas complètes si nous ne mentionnons pas une donnée qui nous a été récemment communiquée et qui provient du Nord du massif. Des observateurs nous ont signalé la présence d'une colonie de marmottes située à basse altitude, tout près de la limite du chêne vert. Si nous pouvons confirmer cette information nous serons là dans un contexte écologique extrême qui méritera une attention particulière.

PROJET POUR 1996

- Cette année verra l'abandon des prospections systématiques dans tout le massif au profit de recherches plus fines dans des secteurs insuffisamment explorés à ce jour.

- Nous allons également tenter de vérifier des informations marginales, notamment celle à laquelle nous venons de faire allusion, qui pourrait présenter de très forts intérêts de recherche.

- Enfin, le noyau forestier fera l'objet de notre plus grande attention, afin de connaître avec précision les périodes de fréquentation de chaque site. Sur chacun, nous observerons et analyserons le rythme d'activité. Le botaniste Jacques Borrut nous prêtera son concours pour les inventaires locaux des différents secteurs utilisés par les rongeurs. Ceci afin de mieux appréhender les potentiels trophiques.

BIBLIOGRAPHIE

CHAZEL L. 1992. Les marmottes du Massif Madrès-Coronat, Pyrénées-Orientales. Tentatives de comptage et étude d'une population forestière. In 1ère Journée d'Etude sur la Marmotte Alpine, Ramousse R. & M. Le Berre eds., 35-36.

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