Marie-Pierre Callait
Laboratoire départemental d'analyses vétérinaires, Chambéry
Résumé : La structure des systèmes hôtes-parasites et les différents niveaux de distributions des parasites dans la population-hôte pendant la fin de la période dactivité de la marmotte alpine, phase maximale de lintensité parasitaire ont été examinés. Les helminthes ont été recherchés chez vingt-deux marmottes provenant du même site. Des trois principales espèces parasites observées, Ctenotaenia marmotae présente la prévalence, labondance et lintensité moyenne les plus élevées, Citellina alpina, les plus faibles, et Ascaris laevis a des valeurs intermédiaires. Par contre, si ces trois espèces présentent un état dagrégation , celui-ci est très élevé chez Citellina et diminue chez Ascaris puis Ctenotaenia. Les stratégies dinfestation, de transmission et de survie sont discutées en tenant compte des caractéristiques des espèces-parasites et de lespèce-hôte. Elles traduisent les phénomènes de co-évolution très poussés qui unissent parasites et hôte. Mots clés : Marmota marmota, systèmes hôtes-parasites, helminthes, dynamique parasitaire, Savoie.
Abstract: Distribution of the parasite infrapopulations in the Alpine marmot.
Helminth-marmot systems and the distribution of the parasites in an host population were studied at the end of summer, phase of maximum parasite intensity. Parasitic surveys of twenty two marmotsprincipales at the end of summer, phase of maximum parasite intensity. Parasitic surveCtenotaenia marmotaeysCitellina alpina, Ascaris laevis of twenty two marmotse and average intensity were highest in Ctenotaenia , lowest in Citellina and intermediate in Ascaris. But all the species had high level organisation with over-dispersed patterns of distribution, decreasing from. Citellina to Ctenotaenia. Infestation, transmission and survival strategies, depending on the characteristics parasite-species and host-species, were discussed in relation with co-evolution phenomenon.Key-words : Marmota marmota, host-parasit systems, helminths, parasitic dynamics, Savoy, France.
Pour chaque espèce parasite, la description de la distribution individus-parasites dans les individus-hôtes est essentielle dans létude des phénomènes densité-dépendants qui ont lieu au niveau de la population parasite (Poulin 1993). La distribution des parasites parmi les hôtes est utilisée comme base de lévaluation quantitative de la nature du parasitisme (Crofton 1971a). Il est donc indispensable de pouvoir distinguer les distributions observées et de les relier à des distributions théoriques connues, qui pourront servir de modèle pour comprendre les mécanismes qui les dirigent. La distribution de trois espèces dhelminthes a été étudiée chez un échantillon de marmottes alpines sur le site de Bonneval-sur-Arc (Savoie) pendant la saison de chasse.
1. Objectifs et méthodes
Nous disposons des résultats de 22 bilans parasitaires, issus de lexamen, soit de cadavres entiers, soit uniquement de viscères. Seuls les helminthes ont été recherchés dans cette partie de létude. Léchantillon provient danimaux tués à la chasse sur le site de Bonneval-sur-Arc, au cours des mois de septembre et doctobre 1996 et 1997. Leur statut social au sein de la colonie nest pas connu.
Les index épidémiologiques (prévalence, abondance, intensité moyenne) sont calculés pour chaque infrapopulation parasite à partir des résultats de léchantillon entier.
Le test de Normalité de Kolgomorov-Smirnov (probabilités de Lilliefors) est appliqué aux données observées pour déterminer la nature des tests statistiques à utiliser par la suite (paramétriques ou non-paramétriques). Le logiciel utilisé pour les calculs statistiques est STATISTICA version 5 (StatSoft).
Il est possible de caractériser le mode de dispersion des organismes par des distributions statistiques pour des variables biologiques discontinues (Combes 1995, Frontier & Pichon-Viale 1998) : elles sont agrégées ("concentration" des parasites dans certains individus-hôtes, au détriment dautres), " poissonniennes " (répartition au hasard) ou régulières (répartition identique chez tous les individus-hôtes). Lagrégation est très répandue en écologie parasitaire (Combes 1995, Crofton 1971a et b).
La distribution de fréquences du nombre de parasites par hôte illustre quelle proportion de la population-hôte porte un nombre donné de parasites. De plus, plusieurs indices peuvent être calculés pour caractériser la tendance dune distribution observée et en particulier le niveau dagrégation.
Si R est voisin de 1, la distribution est " poissonnienne " (variance égale à la moyenne) ; sil est inférieur à 1, elle est régulière ; sil est supérieur à 1, elle est agrégée. Elle est dautant plus agrégée que R est élevé. Il permet de plus de comparer des échantillons de prévalence et dabondance différentes.
Nous utiliserons lestimateur du maximum de vraisemblance k3, car les conditions nécessaires au calcul des deux autres estimateurs ne sont remplies par aucune des distributions (Scherrer 1984). Cet estimateur k3 correspond à une équation itérative et ne nécessite pas de condition particulière :
avec
= somme des fréquences observées des classes supérieures à yi.
k est une estimation indirecte de lagrégation, car il est issu dune distribution binomiale négative théorique.
Le calcul de D, après simplification, est le suivant :
où N = le nombre dhôtes dans léchantillon ; xj = le nombre de parasites dans lhôte j (les hôtes étant classés par ordre croissant de charge parasitaire) ; = le nombre moyen de parasites par hôte.
Lindex a pour valeur minimale 0, quand la courbe observée correspond à la ligne droite hypothétique, et pour valeur maximale 1, quand tous les parasites sont portés par un seul hôte (agrégation maximale). Dobson (1986) souligne quil faut toujours associer lindex D et lhistogramme de Lorenz correspondant. En effet, une valeur de lindex peut représenter deux types de distributions : soit beaucoup dhôtes portent peu de parasites et beaucoup de parasites sont portés par peu dhôtes (cas le plus fréquent), soit beaucoup dhôtes portent beaucoup de parasites et peu de parasites sont portés par peu dhôtes. La courbe de Lorenz correspondant au second cas est symétrique de la première mais au-dessus de la ligne droite de distribution idéale.
La précision de lestimateur de lagrégation augmente avec la taille de léchantillon (Poulin 1996). Le degré dagrégation ne dépend pas de la façon dont les hôtes sont examinés, mais les hôtes fortement infestés qui caractérisent lagrégation sont rares et napparaissent que dans les grands échantillons. Toutes les mesures de lagrégation tendent à sous-estimer lagrégation réelle du système hôte-parasite étudié lorsque léchantillon est réduit.
Nous chercherons à expliquer les patrons de distribution des parasites en fonction des particularités des espèces-parasites (mode de transmission, prolificité, résistance et distribution des formes de dissémination dans le milieu extérieur), des caractéristiques des espèces-hôtes (individus : sexe, âge et statut social ; populations : organisation sociale et spatiale, nature et intensité des contacts, homogénéité ou hétérogénéité de loccupation de lespace) et des facteurs de lenvironnement. Nous comparerons ici uniquement les distributions parasites en fonction du sexe et de lâge de lhôte et en fonction des deux années de prélèvement (test U de Mann-Whitney).
2. RĂ©sultats
2.1. Distibution de Ctenotaenia marmotae
La prévalence observée pour cette espèce en fin de saison est maximale avec une abondance (égale, de ce fait, à lintensité moyenne) très élevée (tableau I). La prévalence observée dans les Alpes italiennes au cours des mois de septembre et doctobre (n = 7) est identique et labondance plus faible (33,6 + 51, étendue 3-149) mais pas significativement différente de celle de notre échantillon (Bassano et al. 1992). La comparaison avec dautres données bibliographiques, sur la marmotte alpine ou dautres espèces de marmottes, est rendue impossible par le fait que les auteurs ne distinguent pas dans leurs résultats les valeurs obtenues à la fin de la saison dactivité des hôtes.
La distribution des fréquences du parasite et les trois index dagrégation (tableau II, figures 1 et 2) montrent une surdispersion nette de la population parasite dans la population-hôte. Lindex D présente pourtant une valeur assez faible (0,49), et la divergence entre la droite et la courbe formée par les barres dhistogramme nest pas très forte (figure 2). Cependant du fait que la prévalence est de 100 %, tous les hôtes sont parasités ; donc les parasites sont mieux répartis, quoique de façon très irrégulière, dans la population-hôte que lorsque la prévalence est plus faible. De plus, les individus-hôtes qui hébergent un très grand nombre de parasites sont nombreux (23 % portent plus de 200 vers). Ce qui explique valeur élevée de k : 1,083 .
Tableau I : Index épidémiologiques parasitaires pour C. marmotae dans la population de marmottes de Bonneval-sur-Arc en fin dété (n = 22)
Prévalence + I.C. |
Abondance M + E.T. |
Intensité moyenne M + E.T. |
Etendue |
100% + 4 |
96,4 + 96,3 |
96,4 + 96,3 |
1-309 |
I.C. = intervalle de confiance ; M = moyenne ; E.T. = écart-type.
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Tableau II : Indices dagrégation parasitaire pour C. marmotae dans la population en fin dété (n = 22 ).
Rapport Variance/Moyenne (R) |
Paramètre binomial. négatif (k3) |
Index de divergence (D) |
91,9 |
1,083 |
0,49 |
A cette période de lannée, la majorité des vers identifiés (97,9 %) présentait la caractéristique des individus adultes : extrémité caudale "carrée", traduisant la largeur des segments murs émis.
Du fait de la grande taille deC. marmotae, la biomasse parasitaire qui en découle est très élevée (86 grammes pour lindividu 44 qui hébergeait 206 C. marmotae, soit 2 % du poids corporel de ce mâle adulte de 4,4 kilogrammes, figure4). Les marmottes portent en moyenne une biomasse de 46,9 grammes de vers en fin de saison (soit un poids moyen pour un taenia de 0,4 gramme).
Figure 1 : Distribution de fréquences de Ctenotaenia marmotae
en fin dété sur le site de Bonneval-sur-Arc.
Figure 2 : Diagramme de Lorenz des pourcentages cumulés de Ctenotaenia marmotae
en fin dété (la ligne droite indique la distribution uniforme idéale)
Le coefficient de corrélation r2 entre nombre de vers et biomasse parasitaire (n = 19) est de 0,31 ; il atteint 0,56 pour le sous-échantillon ne comprenant que les valeurs inférieures à 200 vers/hôte (n = 14) mais diminue à 0,12 pour lautre partie (n = 5). La faiblesse de la corrélation au-dessus du seuil de 200 vers/hôte, montre quune augmentation du nombre de vers présents dans lhôte, si elle nest pas liée à une augmentation correspondante de la biomasse, est due à une diminution de la taille des vers.
Figure 3Â : Biomasse parasitaire de Ctenotaenia marmotae en fonction du nombre de vers.
(avec les droites de régression linéaire correspondant aux deux parties de léchantillon)
Ce phénomène, "effet de surpeuplement" (crowding effect), est étudié depuis longtemps pour les cestodes (Read 1951, Euzeby 1966). Il est caractérisé sur le plan morphologique par la diminution de la taille du nombre de vers, dont nous observons ici la conséquence directe sur la biomasse parasitaire, et, sur le plan biologique, par un ralentissement de la croissance des cestodes à partir dun certain seuil dinfestation. Le délai dacquisition de la maturité sexuelle nest pas affecté par ce phénomène, car il est indépendant de la vitesse de croissance des vers, mais le nombre de segments ovigères émis est considérablement réduit (Euzeby 1966).
Les valeurs de labondance et lintensité moyenne observées suivant le sexe et lâge de lhôte, et suivant les années de prélèvement ne montrent aucune différence significative (Mann-Whitney).
Distribution dAscaris laevis
La prévalence dA. laevis est élevée. Labondance et lintensité moyenne sont plus faibles que pour Ctenotaenia marmotae (tableauIII). Les index calculés à partir des données de Bassano et al. (1992) sont significativement inférieurs : prévalence 28 %, abondance 3,6 + 7,2 et intensité moyenne 12,5 + 9,2.
La distribution observée diffère dune distribution normale (Kolmogorov-Smirnov, d = 0,24 p < 0,01).
Tableau III : Index épidémiologiques parasitaires pour Ascaris laevis dans la population de marmottes de Bonneval-sur-Arc en fin dété (n = 22)
Prévalence + I.C. |
Abondanceo M + E.T. |
Intensité Moyenne M +E.T. |
ExtrĂŞmes |
86% + 14 |
45,1 + 60,4 |
52,2 + 62,2 |
0-258 |
Tableau IV : Indices dagrégation parasitaire pour Ascaris laevis dans la population de Bonneval-sur-Arc en fin dété (n = 22 ).
Rapport Variance/Moyenne (R) |
Paramètre binomial. négatif (k3) |
Index de divergence (D) |
77,3 |
0,786 |
0,56 |
Les trois index (tableau VI) et la figure 4 montrent une réelle agrégation de la population parasite dans la population-hôte. Lindex D est supérieur à celui de Ctenotaenia marmotae, et la divergence entre la droite et la courbe formée par les barres dhistogramme est plus grande (figure 5) ; de même le paramètre k indique une agrégation plus forte à cause de la présence de deux individus-hôtes porteurs dun nombre extrême de vers. Au contraire, le rapport R est plus faible pour A. laevis que pour C. marmotae, car la majorité des individus-hôtes sont porteurs de moins de 80 vers.
Pour 6 individus-hôtes le sexage des parasites a été réalisé. La valeur du sex-ratio est de 0,37. Les femelles sont donc majoritaires en automne dans lorganisme-hôte. De plus une grande partie dentre elles est au stade adulte (présence dufs, visibles par transparence dans le corps des individus).
Figure 4 : Distribution de fréquence pour Ascaris laevis en fin dété sur le site de Bonneval-sur-Arc.
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Figure 5 : Diagramme de Lorenz des pourcentages cumulés dAscaris laevis
en fin dété (la ligne droite indique la distribution uniforme idéale).
Figure 6: Biomasse parasitaire dAscaris laevis en fonction du nombre de vers
Ascaris laevis est, comme Ctenotaenia marmotae, un parasite de grande taille à létat adulte. La biomasse parasitaire quil représente est parfois aussi impressionnante : 80,3 grammes pour lindividu (32) de 4 kilogrammes hébergeant 66 parasites. Portant aussi 73,6 grammes de C. marmotae, la charge parasitaire totale de cet individu sélevait donc à 3,9 % de son poids corporel ! Mais la figure 6 ne montre pas de relation linéaire étroite entre le nombre de vers et la biomasse corporelle (r2 = 0,2). Au contraire, mis à part deux cas extrêmes, toutes les biomasses parasitaires sont groupées autour des mêmes valeurs ( < 20 grammes), quel que soit le nombre de vers.
La comparaison des valeurs de labondance et de lintensité moyenne observées suivant le sexe et lâge de lhôte, et suivant les années de prélèvement, test de Mann-Whitney, ne montre aucune différence significative pour toutes les combinaisons possibles. Au contraire, les mâles et les femelles présentent des valeurs très proches dabondance (p = 0,91) et dintensité moyenne (p = 0,83).
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2.3. Distribution de Citellina alpina
La valeur de la prévalence obtenue pour Citellina alpina est plus faible que celle des deux espèces précédentes : elle atteint 67 % (tableau V). Le maximum de vers dénombrés a été de 230, alors que, dans la majorité des cas, on observe la présence de 5 à 25 parasites par hôte sur le site étudié (figure 7).
Tableau V : Index épidémiologiques parasitaires pour Citellina alpina dans la population de marmottes de Bonneval-sur-Arc en fin dété (n = 22)
Prévalence + I.C. |
Abondance M + E.T. |
Intensité Moyenne M + E.T. |
ExtrĂŞmes |
67% + 20 |
20,6 + 48,7 |
30,2 + 56,9 |
0-230 |
La distribution observée diffère dune distribution Normale (Kolmogorov-Smirnov , d = 0,35 p < 0,01).
Les trois index dagrégation (tableau VI) et la figure 7 illustrent la forte surdispersion de la population parasite dans la population-hôte. Lindex D présente la valeur la plus élevée, et la divergence entre la droite et la courbe formée par les barres dhistogramme est encore plus concave que dans les deux cas précédents (figure 8). De même, le rapport R est plus élevé et le paramètre k plus faible que pour Ascaris laevis et Ctenotaenia marmotae. Ce degré dagrégation plus élevé est dû à la présence, dune part dune majorité dindividus porteurs de moins de 30 parasites et, dautre part dun seul individu présentant un nombre de vers très supérieur aux autres. En effet 50 % des vers sont portés par 95 % des hôtes (figure 8).
Tableau VI : Indices dagrégation parasitaire pour Citellina alpina dans la population de Bonneval-sur-Arc en fin dété (n = 22 ).
Rapport Variance/Moyenne (R) |
Paramètre binomial. négatif (k3) |
Index de divergence (D) |
109,9 |
0,492 |
0,73 |
Figure 7 : Distribution de fréquence de Citellina alpina en fin dété.
Figure 8 : Pourcentages cumulés de Citellina alpina en fin dété
(la droite indique la distribution uniforme idéale).
Les vers adultes sont de petite taille (7 à 10 mm), donc la biomasse parasitaire qui découle de leur présence na pas été mesurée.
Dans tous les cas, le sexage des vers a montré une forte prédominance des mâles : le sex-ratio est de 0,88. Dans la majorité des infrapopulations, les parasites femelles présents étaient des formes immatures ; seul lindividu (53), qui présentait la charge maximale en Citellina alpina à cette époque de lannée, arborait presque autant de femelles matures que de femelles immatures.
Comme précédemment, aucun des tests U ne signale de différence significative entre les différentes séries, sexe et âge de lhôte ainsi que lannée de prélèvement.
Discussion : Causes et conséquences des distributions agrégées
Les distributions du nombre de parasites dans une population hôte sont des " entités dynamiques plutôt que statiques, générées par des forces opposées, certaines agissant pour créer la sur-dispersion et dautres pour engendrer la sous-dispersion " (Anderson & May 1979 ; Anderson & Gordon 1982 ; figure 9).
Facteurs qui génèrent la sous-dispersion | Facteurs qui génèrent la sur-dispersion |
1. Mortalité parasite | Hétérogénéité dans la sensibilité hôte à linfestation |
1. Processus densité-dépendants | 2. Structures spatiales et sociales de la population hôte |
3. Mortalité hôte induite par le parasite | 3. Hétérogénéité dans la capacité hôte à tuer les parasites par réponse immunologique ou autre |
4. Mode de transmission du parasite | |
5. Reproduction directe du parasite dans lhĂ´te |
Figure 9 : Facteurs à lorigine de la dispersion des parasites (Anderson & Gordon 1982, modifié).
Cet aspect dynamique nous a fait choisir de dresser un "état des lieux" de la distribution des parasites de la marmotte alpine sur un site délimité et dans un intervalle de temps réduit. Nous avons ainsi pu montrer un état de sur-dispersion ou dagrégation différent pour les trois espèces dhelminthes, Ctenotaenia marmotae, Ascaris laevis et Citellina alpina, dans un échantillon dindividus-hôtes.
3.1. Origines de lagrégation
Les processus à lorigine des patrons de dispersion des parasites sont liés à lhétérogénéité de la relation de la population-hôte avec la population-parasite (Combes 1995). Les "causes" de lagrégation peuvent être rangées dans deux catégories : celles qui dépendent du parasite et celles qui dépendent de lhôte. Dans chacune de ces catégories, se distinguent à nouveau deux types de mécanismes : ceux liés à la rencontre hôte/parasite et ceux liés au développement et à la survie du parasite dans lhôte.
3.1.1. Facteurs liés aux parasites
Le mode de transmission du parasite est un élément déterminant de la rencontre avec ses hôtes potentiels. On distingue les parasites " contagieux ", à transmission directe (contact physique des hôtes entre eux ou avec leurs déjections) ou indirecte par le milieu (sans déplacement par un vecteur) et les parasites transmissibles (transmission par vecteur ; Cote & Poulin 1995, Fromont 1997).
Dans le groupe des parasites " contagieux ", certaines espèces, comme Ascaris laevis et Citellina alpina, présentent un cycle direct (pas de stade dispersant). Le parasite ne peut donc pas aller à la rencontre de son hôte. Pour augmenter ses "chances" de transmission, il doit augmenter le nombre de ses propagules émises dans les fèces de lhôte, puis disséminées dans le milieu extérieur ou sur le pelage de lhôte. Le parasite doit aussi augmenter leur capacité de résistance dans le milieu extérieur. Ce mode de transmission favorise donc les parasites à longue durée de vie, à fécondité élevée et dont les propagules sont bien résistantes dans lenvironnement. Ces mécanismes augmentent la densité des stades infestants de parasites dans le milieu extérieur après maturation. Les pertes au cours de la transmission sont énormes. Chez le lagopède, un stade libre sur un million du parasite Trichotrongylus tenuis devient adulte (Dobson & Hudson 1992) ! Dautre part, le taux de rencontre entre les hôtes éventuels et les stades infestants est fortement influencé par la distribution spatiale de ces derniers (Keymer & Anderson 1979) : la distribution, elle-même agrégée, des stades infestants dans le milieu extérieur peut permettre lacquisition des parasites en "lots" plus ou moins grands (Combes 1995).
La biologie dAscaris laevis, avec une longévité probable de plusieurs mois et une bonne survie des ufs dans le milieu extérieur, en particulier dans la neige, explique donc en partie la sur-dispersion observée. De plus, la distribution des propagules dans le milieu est agrégée, car les fèces, qui les renferment, sont regroupées dans les nombreuses latrines externes disséminées sur chaque territoire.
Pour Citellina alpina, la résistance des ufs est probablement de courte durée. Mais le manque de connaissances sur sa longévité et sa fécondité ne permettent pas dévaluer lefficacité de sa transmission et dexpliquer les mécanismes de rencontre ainsi, que lorigine de lagrégation observée.
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Dans le groupe des espèces transmissibles, les parasites, tels que Ctenotaenia marmotae, présentent des cycles de vie indirects avec deux hôtes (ou plus), en général mobiles, pour compléter leur développement. La transmission se fait par des liens de type "prédateur-proie" avec une phase dinfestation de lhôte-intermédiaire (ingestion dufs présents dans les fèces par les Oribates coprophages dans le cas de C. marmotae), suivie de la contamination de lhôte-définitif (ingestion des Oribates infestants par les marmottes). Les contraintes imposées par ces liens "prédateur-proie" ne sont probablement pas désavantageuses pour la stabilité et la persistance des populations-parasites puisquelles sont fréquentes dans les cycles de vie des helminthes (Keymer & Anderson 1979).
Enfin, linfestation multiple des hôtes-intermédiaires conduit à linfestation des hôtes-définitifs par "lots" : lagrégation du parasite, dans le premier lot, participe à la création de lagrégation dans le second. Par contre, alors quun parasite semble rare dans son hôte intermédiaire, une telle rareté ne sobserve pas nécessairement chez lhôte définitif (Hair 1975). Ainsi, chez Ctenotaenia marmotae,, sa prévalence chez lhôte intermédiaire est estimée à 0,4 % alors quelle est de 100 % chez lhôte définitif en automne (Ebermann 1976). La combinaison de ces processus chez C. marmotae, explique linfestation des individus examinés. Lefficacité des stratégies de transmission du parasite est à lorigine dune dispersion moins forte des vers de cette espèce que lagrégation montrée pour les deux autres helminthes.
Le phénomène de favorisation : processus éthologique adaptatif modifiant les positions spatio-temporelles du parasite et de sa cible dans un sens qui augmente la probabilité de leur rencontre a été défini par Combes (1991). Ainsi, les cystacanthes de lacanthocéphale Polymorphus paraxodus provoquent lexpression de comportements de lamphipode hôte-intermédiaire qui augmentent significativement ses chances dêtre ingérés par le canard hôte-définitif (Holmes & Bethel 1972). Un tel phénomène serait à rechercher chez les hôtes intermédiaires de Ctenotaenia marmotae pour expliquer lécart de prévalence observé entre les deux hôtes, intermédiaire et définitif. En fait, linfluence de la manipulation comportementale de lhôte par le parasite est probablement très sous-estimée (Thompson & Kavaliers 1994 , Combes 1995).
Une fois que le parasite a atteint son hôte, il doit être capable de vivre et de se développer dans cet organisme jusquà sa reproduction sexuée dans lhôte définitif, sa maturation ou sa multiplication asexuée dans lhôte intermédiaire. Pour cela la sélection sexerce au niveau des parasites, pour favoriser ceux qui possèdent la meilleure capacité à sadapter à lenvironnement hôte, notamment à échapper à limmunité de celui-ci (Combes 1995). Cette adaptation nécessaire conduit le parasite à réduire le nombre dhôtes dans lesquels il peut vivre : la restriction de la dimension hôte de la niche écologique dun parasite est la règle (Rhodes 1994, Combes 1995), même si certaines espèces parasites sont capables de se développer, avec plus ou moins de succès, dans un grand nombre despèces hôtes. Il peut ainsi arriver quun hôte soit réceptif à peu despèces de parasites, mais les héberge en abondance. Ainsi, chez deux espèces sympatriques de crabes, hôtes intermédiaires dhelminthes parasites : lune possède une faune parasitaire riche mais très peu abondante, alors que lautre présente une communauté parasitaire pauvre mais très abondante (Bush et al. 1993).
Parmi les trois helminthes de la communauté parasitaire de la marmotte alpine, recensés en abondance sur le site de Bonneval-sur-Arc, Ctenotaenia marmotae et Ascaris laevis sont sténoxènes et Citellina alpina oïoxène. Leur abondance dans les autres populations ou espèces-hôtes est rarement connue, à lexception des études chez la marmotte alpine où elles forment aussi la structure principale des communautés parasitaires observées (Sabatier 1989, Bassano et al., 1992, Manfredi et al., 1992, Preleuthner et al., 1996). La spécialisation des trois helminthes présents dans les infracommunautés de marmottes alpines étudiées favorise lagrégation dans le sens où les formes infestantes ingérées, en quantités variables, par la marmotte ont de bonnes chances de se développer dans leur hôte définitif.
3.1.2. Facteurs liés à lhôte
Certains individus-hôtes peuvent offrir une meilleure "qualité dhabitat" que dautres (Combes 1995), favorisant lagrégation des individus-parasites. Ainsi, un habitat de bonne qualité pour un parasite est un hôte que le parasite peut rencontrer facilement et avec lequel la compatibilité est possible.
La nature des contacts entre individus-hôtes sains et infestés est déterminante pour la transmission du parasite à lhôte, en particulier pour les parasites contagieux. Les structures spatiale et sociale des populations-hôtes sont donc susceptibles de favoriser ou non lagrégation parasitaire.
Les structures spatiales sont les plus étudiées. Fromont (1997) distingue les populations homogènes, dans lesquelles tous les individus ont la même probabilité de rencontre, et les populations hétérogènes, dans le cas contraire. Les colonies de marmottes présentent des structures spatiales hautement hétérogènes : lorganisation en métapopulations, ensemble de colonies interconnectées, correspond à un cas extrême dhétérogénéité. Au sein dune colonie donnée, la répartition des marmottes en groupes familiaux, territoriaux est susceptible de favoriser la transmission des parasites, par rapport à une distribution régulière (Blower & Roughgarden 1989 , Grosholz 1993). Limportance des charges parasitaires dénombrées montre que lutilisation des mêmes latrines par les membres du groupe, le toilettage mutuel, la cohabitation dans les même terriers sont des sources de transmission parasitaire très efficaces. De plus, la taille des groupes, parfois importante chez la marmotte alpine (10 individus ou plus), peut accroître encore le risque dinfestation. En effet, Cote & Poulin (1995) ont montré lexistence dune corrélation positive entre la prévalence du parasite et la taille du groupe hôte, dans une méta-analyse regroupant six études despèces sociales. Ils nont au contraire pas mis en évidence de relation entre charge parasitaire et taille du groupe, même chez les espèces hôtes sédentaires pour lesquelles on pouvait attendre une corrélation positive. Labsence de connaissances sur la composition des groupes doù sont issues les marmottes de Bonneval-sur-Arc ne nous permet pas détudier cet aspect.
Chez la marmotte la structure spatiale se mêle à lorganisation sociale : les relations entre les individus dépendent de leur statut hiérarchique. Les interactions sociales, amicales ou agonistiques, entre individus, le choix du partenaire sexuel pour les individus dominants, favorisent les contacts. Ces relations peuvent donc influencer ou être influencées par le parasitisme.
Létude de la relation entre les niveaux dinfestation par des ectoparasites et la socialité, en conditions naturelles, chez la marmotte alpine (Arnold & Lichtenstein 1993) comme chez la marmotte à ventre jaune (Van Vuren 1996) ne montre pas daugmentation significative de la charge en ectoparasites avec la taille des groupes sociaux. Le nombre moyen dEchinonyssus blanchardi, différent dun groupe à lautre, nest pas corrélé avec la densité de marmottes alpines sur un territoire donné (Arnold & Lichtenstein 1993). Les charges en ectoparasites des marmottes à ventre jaune ne sont pas plus élevées chez les individus coloniaux que chez ceux qui ne le sont pas, ni plus élevées chez les mâles polygynes (censés avoir plus de contacts avec les autres membres du groupe, en particulier avec les femelles) que chez les monogames (Van Vuren 1996). Ne connaissant pas la structure sociale des groupes dorigine de notre échantillon, nous ne pouvons apporter aucune information nouvelle concernant les relations entre le statut social des individus et la charge parasitaire pour chacun des helminthes recensés. De plus, il est très difficile de prédire dans quel sens peuvent se faire ces relations, puisque les deux hypothèses proposées par Combes (1995) " plus élevé le statut, moins abondant le parasite " et " plus élevé le statut, plus abondant le parasite " sont vérifiées tour à tour suivant les systèmes hôte-parasite étudiés. Par exemple, une étude expérimentale montre que linfestation des souris par le nématode Heligmosomoides polygyrus peut empêcher les mâles daccéder à la dominance comportementale à partir dune certaine charge parasitaire (Freeland 1981).
En ce qui concerne la structure démograph ique, Arnold & Lichtenstein (1993) montrent quil ny a pas de différence significative de la charge parasitaire entre mâle et femelle. Lanalyse statistique des données de notre échantillon ne détecte pas de différence entre les sexes, ni pour la prévalence ni pour labondance et lintensité moyenne.
Ce sont ici les dimensions immunitaires et personnelles des individus-hôtes qui sont susceptibles de favoriser ou non lagrégation. Limmunité, sous linfluence des caractères génétiques, conduit à rendre les individus résistant aux parasites de façon très inégale. Le phénotype de chaque individu, et donc sa capacité à résister ou non aux parasites, est sous linfluence de lhistoire de vie, présente ou passée, de chaque animal (Anderson & May 1978). Ainsi il a été montré que les communautés de parasites se modifient qualitativement et quantitativement au cours de la vie des individus-hôtes, en particulier chez une espèce de poisson méditerranéen (Saad-Fares & Combes 1992). Cet exemple est certes éloigné de celui de la marmotte et notre échantillon na pas permis de mettre en évidence une relation entre lâge des hôtes et la richesse spécifique ou la charge parasitaire. Indépendamment de lâge, tout événement, susceptible daffaiblir lhôte, peut favoriser linfestation.
Chez la marmotte alpine, un événement de cette nature intervient au moins une fois dans la vie des hôtes : la dispersion. Les individus subadultes sont soit chassés de leur territoire dorigine, soit chassent eux-mêmes le dominant du même sexe de leur groupe dorigine pour prendre sa place, soit partent deux-mêmes chercher une place de dominant dans un autre groupe. Ces différentes stratégies sont étudiées au niveau comportemental (Magnolon et al. 1997), mais le parasitisme peut aussi participer à leur déterminisme. Holekamp (1986), chez une espèce décureuil, et Van Vuren (1996), chez la marmotte à ventre jaune, ont émis lhypothèse que les individus se dispersent si le risque parasitaire est élevé, se coupant ainsi du contact social. Ce dernier a en effet montré que la charge en ectoparasites a tendance à être plus élevée chez les marmottes qui sont en période de dispersion que chez les autres, bien que lauteur précise que la différence nest pas statistiquement significative.
Le stress et la nutrition peuvent aussi participer à la création dune dispersion plus ou moins forte des parasites entre les hôtes.
Notre échantillon est évidemment de taille insuffisante pour aborder linfluence de ces divers facteurs. La complexité des structures de populations de marmottes laisse penser que linfluence respective des différents facteurs sur lagrégation observée ne pourrait être mise en évidence que grâce à une étude pluridisciplinaire, en éthologie et parasitologie. Or la réalisation des bilans parasitaires indispensables nécessite de sacrifier des individus dans les groupes sociaux étudiés, ce qui perturbe lorganisation sociale de ceux-ci et rend les observations éthologiques inopérantes.
3.2, Conséquences de lagrégation
Anderson (1978) a établi que : les patrons agrégés ou sur-dispersés du nombre de parasites par hôtes, largement observés dans les habitats naturels, agissent en augmentant la régulation densité-dépendante à la fois des populations hôtes et parasites. Anderson & Gordon (1982) précisent que " cest dans les quelques hôtes porteurs de la majorité des parasites que les processus densité-dépendants exercent leur influence régulatrice, soit via la suppression de la fécondité ou de la survie parasitaire, soit via linfluence du parasite sur la survie et la fécondité de lhôte ".
La régulation est un mécanisme de dynamique de population, qui sapplique partout, dès linstant où le milieu dans lequel vit la population abrite des ressources inévitablement limitées (Barbault 1997). Lhôte du parasite est nécessairement un milieu limité et seul un processus de régulation soppose à laccumulation a priori illimitée dindividus-parasites par recrutement dans le milieu extérieur.
Combes (1995) définit la régulation comme : " le maintien dune population à un effectif inférieur à sa capacité de croissance théorique, par des mécanismes densité-dépendants ". Elle se manifeste dans une population à partir dun certain seuil, évidemment variable suivant le parasite et lhôte en cause. Les modèles réalisés pour décrire les relations entre populations-parasites et populations-hôtes (Crofton 1971a et 1971b, Anderson & May 1978, May & Anderson 1978) montrent que la régulation de la populationhôte par un parasite nécessite, soit lagrégation de la distribution des parasites, soit une augmentation de leffet pathogène plus rapide que laugmentation de la charge parasitaire.
3.2.1. RĂ©gulation des populationshĂ´tes par les parasites :
A léchelle des individus, le parasite est, par définition, considéré comme défavorable, responsable de la maladie, voire de la mort de son hôte. Par contre, à léchelle dune population ou dune espèce, le même parasite peut en permettre la survie. Par exemple leffet pathogène du parasite (au sens large, incluant virus et bactéries) participe à la régulation dune population trop dense, où la compétition, spatiale ou alimentaire, devient trop forte, en créant une décroissance brusque du nombre dindividus (Holmes 1982). Mais le parasite peut agir de façon moins visible : étant en compétition avec son hôte pour ses ressources, en particulier alimentaires dans le cas dun parasite du tractus digestif, il peut en affecter la fécondité et la survie, même si aucune pathologie nest visible. Linfluence du parasite peut se noyer dans le bruit de fond de tous les autres facteurs qui affectent la fécondité et la survie de lhôte (Combes 1995) et est souvent difficile à mettre en évidence, surtout pour les macroparasites. Pourtant, en conditions semi-naturelles, la survie des individus de lespèce Apodemus sylvaticus parasités par le nématode Heligmosomoides polygyrus est inférieure à celle des individus sains (Gregory 1991).
Il ressort des études, concernant les helminthes en particulier, que les effets régulateurs des populations-parasites sur les populations-hôtes deviennent visibles quand les hôtes sont soumis à des parasites auxquels ils ne sont pas préparés et/ou quand la compétition alimentaire devient telle que les individus-hôtes sont affaiblis par la malnutrition (Gulland 1992).
Chez la marmotte alpine, nous avons recherché un effet régulateur de linfestation parasitaire sur le site de la Grande Sassière, en particulier sur laccroissement pondéral des individus au cours de la saison, sans succès du fait de linsuffisance de captures en automne. La difficulté à mettre en évidence une telle relation tient au fait que laugmentation de poids des marmottes est un processus plurifactoriel, et que, sur le site détude, les sources de nourriture des marmottes sont suffisamment abondantes et de bonne qualité pour éviter la compétition alimentaire et que les marmottes sont bien "habituées" à leurs parasites.
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3.2.2. RĂ©gulation des populations-parasites par les hĂ´tes :
Une infrapopulation parasite ne saccroît pas indéfiniment dans son individu-hôte. Un processus régulateur intervient donc sur linfrapopulation, à la fois de la part des autres parasites présents et de la part de lhôte. La régulation par linteraction des parasites entre eux fait intervenir les processus de compétition, intra- et interspécifique que nous envisagerons dans la discussion suivante.
Nous avons vu que le niveau moyen dinfestation parasitaire (prévalence et abondance) de la marmotte est très élevé et variable suivant les espèces parasites. Les mécanismes développés par lhôte définitif pour limiter linfestation parasitaire sont dorigine immunitaire (Grundmann et al. 1976 ; Anderson& May 1978) et la sévérité de la réponse immunologique par lhôte est liée au niveau de stimulation antigénique reçue, cest-à -dire au nombre de parasites présents dans linfracommunauté. Anderson & Michel (1977) ont établi pour Ostertagia ostertagi que, une telle réponse, dorigine humorale ou cellulaire, tend à augmenter le taux de mortalité dans la population parasite et/ou à réduire son potentiel reproductif. Chez la souris à pattes blanches (Peromyscus maniculatuss), un seul gène autosomal contrôle le développement de limmunité contre le cestode Hymenolepis citelli. (Wassom et al. (1974)
Létude des processus immunitaires mis en uvre par les marmottes pour contrôler leur infestation parasitaire demande des investigations que nous navons pas réalisées dans cette étude. La nature et lefficacité des mécanismes en cause sont probablement très différentes suivant lespèce parasite, comme en témoignent les fortes variations dabondances : limmunité mise en uvre contre Ctenotaenia marmotae serait-elle moins efficace que celle destinée à Citellina alpina, labondance du second étant, en fin de saison, nettement moins forte que celle du premier ?
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4. Conclusion
Les infracommunautés dhelminthes parasites de la marmotte alpine sont structurées et prédictibles dans le sens où elles semblent être le résultat de processus complexes qui ne doivent que peu de chose au hasard et où leur organisation nest pas différente dune année à lautre.
Le comportement de la marmotte, son organisation sociale et spatiale jouent des rôles très importants dans la création des patrons agrégés de distribution des infrapopulations.
Le mode de transmission des parasites, contagieux ou transmissibles, favorise et entretient cette agrégation.
Les conséquences de la distribution agrégée des parasites sont difficiles à mettre en évidence car, en labsence de pathologie visible, les effets du parasitisme sur la survie et la fécondité de lhôte sont difficiles à distinguer des autres facteurs qui les affectent.
La marmotte semble donc être un "habitat de bonne qualité" pour ses helminthes parasites, qui, eux, sont capables de "tirer partie" de ses particularités comportementales.
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