Graziani et al. 96
In Biodiversité chez les marmottes /Biodiversity in marmots,
Le Berre M., Ramousse R. & Le Guelte L. eds., International Marmot Network, 235-236.
ISBN 0-9509900-0-2


Analyse des tactiques comportementales chez la marmotte alpine (Marmota marmota) au cours de leur première année

Behavioural tactics analysis in young Alpine Marmots
(Marmota marmota) during their first year of life

GRAZIANI L. & ALLAINÉ D.
UCBLyon I - IASBE, Laboratoire de Socioécologie 43 Bd du 11 Novenbre 1918, 69 622 VILLEURBANNE cedex (FRANCE)

Le suivi durant un an de marmottons marqués dans la réserve naturelle de La Grande Sassière, nous a permis de caractériser le budget temps et l'occupation de l'espace par les marmottons des deux sexes. Les femelles sont caractérisées dès l'émergence par les interactions (allotoilettage et flairage du partenaire) tandis que les mâles sont caractérisés par le jeu à partir du printemps suivant la première hibernation.

Mots clés : Marmotte alpine, Marmota marmota, jeu, tactiques comportementales, différences sexuelles, budget temps.

Monitoring of marked young marmots in La Grande Sassière Natural Reserve during a year, allowed us to characterize the time budget and space occupation of both sexes of young marmots. Females are characterized by interaction (allo-grooming, allo-sniffing) as early as emergence. Males are characterized only on the spring after the first hibernation by many play activities.
Key words : Alpine marmot, Marmota marmota, play, behavioral tactics, sex differences, time budget



INTRODUCTION

Il est largement reconnu (Bateman 1948, Trivers 1972), que les stratégies de reproduction des mâles et des femelles sont différentes. Nous avons recherché si des tactiques comportementales, pouvant affecter la stratégie de reproduction des deux sexes, pouvaient se mettre en place dès le plus jeune âge. Nous nous sommes intéressés plus particulièrement au budget temps et à l'occupation de l'espace par les marmottons des deux sexes, de l'émergence au printemps suivant la première hibernation.

RÉCOLTE DES DONNÉES

Les marmottons de 5 groupes familiaux (Vallon de la Grande Sassière, Alpes Françaises), ont été cap-turés et marqués avec des marques auriculaires colorées, permettant une reconnaissance individuelle jusqu'à 100 m. Plus de 250 heures d'observation (de juillet 1993 à juin 1994) ont été réparties en 4 périodes : Émergence, 0 à 15 j. ; Juillet, 15 à 30 j. ; Août, 30 à 60 j. après l'émergence, et Mai au printemps suivant.

Pour l'analyse du budget temps, des observa-tions de 11 types comportementaux, focalisées sur 15 minutes (Altmann, 1974), ont été utilisées. Les données concernant le budget temps (293 focales en lignes x 11 comportements en colonnes), et le temps alloué à cha-cun des comportements (277 focales en ligne x 9 com-portements en colonne) ainsi obtenues, ont alors été trai-tées par une analyse des correspondances sous la con-trainte de la période et du sexe (Lebreton et al. 1988). L'analyse de l'occupation de l'espace a été réalisée par échantillonnage instantané (Altmann 1974). Les positions de chaque marmotton ont été reportées sur une carte du territoire observé et ont ensuite été converties en leurs coordonnées sur la carte.

RÉSULTATS

Le budget temps des femelles se caractérise dès la première période par une prépondérance des inter-actions sociales telles que allotoilettage et le flairage réciproque, tandis que celui des mâles est caractérisé par le jeu et ce, seulement au printemps suivant la première hibernation. L'analyse de l'occupation de l'espace met en évidence un fort effet période et laisse supposer l'existence d'une tendance au rapprochement inter-sexe.

DISCUSSION

Le jeu caractérise les mâles à partir de la qua-trième période. Il représente un stade crucial du déve-loppement social des individus (Poirier & Smith 1974). Deux fonctions non exclusives y sont souvent associées (Jamieson & Armitage 1987) :

Le jeu comme facteur de cohésion sociale (Smith 1982, Arnold, 1990) montre que les mâles se dispersent plus tardivement que les femelles lorsque des marmot-tons sont présents dans le groupe familial. Dans ce con-texte nos résultats vont dans le sens d'une plus grande facilité des mâles à s'intégrer dans le groupe en dépit d'un éventuel coût lié au partage des ressources. Les parents auraient un avantage à retenir leur fils plus longtemps que leur filles sur leur territoire.

Le jeu comme facteur de développement locomoteur (Bekoff & Byers 1981, Byers 1980) peut favoriser les aptitudes à combattre. Alors, nos résultats peuvent aller dans le sens d'une plus grande capacité des mâles à la défense du territoire.

Notre travail fournit donc les preuves de l'exis-tence d'une différence entre les tactiques comporte-mentales des mâles et des femelles, et ceci avant même l'âge d'un an. Le jeu, caractéristique des mâles, peut éventuellement contribuer à retarder leur dispersion malgré le coût lié au partage des ressources. Il doit alors être à l'origine d'un avantage réciproque, tant pour les parents que pour leurs fils.

*****


INTRODUCTION

It is largely accepted that males and females differ in their reproductive strategies (Bateman 1948, Trivers 1972).We have investigated for early differences in behavioural tactics of young marmots, that could affect both sex and reproductive strategies. Our study mainly dealt with time-budget and space occupation of young Alpine Marmot from emergence to the spring after the first hibernation.

DATA RECORDING

Young marmot of 5 family groups (valley of La Grande Sassière, French Alps), were trapped and marked with coloured ear tags and collars which allow us to recognise individuals up to 100 m. Marmots were observed during more than 250 hours from July 1993 to June 1994. These observations were divided into four periods: Emergence, 0 to 15 d.; July , 15 to 30 d.; August, 30 to 60 d. after emergence and May, the next spring after the first hibernation.

For time-budget analyses, we used 15 minutes focal animal sampling (Altmann, 1974) and 11 beha-vioural classes. Information on the splitting of the time-budget (293 focal lines x 11 behavioural class columns) and the time length, allocated to each behavioural class (277 focal lines x 9 behavioural class columns) were collected. We performed on these data a cor-respondence analysis under period and sex constraints. (Lebreton et al. 1988)

For Space occupation analyses, we used scan animal sampling (Altmann 1974) to note the location of each young marmot, on the territory map of the obser-ved group. An arbitrary point was used to convert these locations into coordinates.

RESULTS

The great importance of social interactions (allo-grooming and allo-sniffing) characterized female time budget as early as the first period whereas males were characterized by play only on the spring after the first hibernation.

Space occupation analysis supports such a great period effect and gives us some indications for an inter-sex attraction.

DISCUSSION

Play characterizes males from May. Play is a crucial stage of social development (Poirier & Smith 1974). Two non exclusive functions are frequently associated to play (Jamieson & Armitage 1987) :

Play as a factor of social cohesion (Smith 1982, Arnold 1990) shows that males disperse later than females when young are present in the family group. In this con-text, our results suggest a greater ability of males inte-gration despite a supposed cost of resource sharing. Thus a strong advantage is expected for parents to retain their sons on their territory longer than their daughters.

Play as a factor of motor development (Bekoff & Byers 1981, Byers 1980). In this way, play helps to perfect fighting abilities. Thus, our results could be considered as indications of a greater contribution (ability ?) of males for territory protection against intruders.

Our work shows evidence for a sex-difference in behavioural tactics as early as the first year of life. Play, which characterizes males, can contribute to delay the dispersal of male subordinates, despite resource sharing cost. In this way, we suspect that play provided reciprocal advantages for parents and their sons.

*****

BIBLIOGRAPHIE / REFERENCES

ALTMANN,J. 1974. Observational study of behavior : sampling method. Behaviour, 49 : 227-265.
ARNOLD W. 1990. The evolution of marmot sociality : I. Why disperse late? Behavioral Ecology and Sociobiology, 27 : 229-237.
BATEMAN A.J. 1948. Intrasexual selection in Drosophila. Heredity, 2 : 349-368.
BEKOFF M. & BYERS J.A. 1981. The development of behavior from evolutionary and ecological perspectives in mammals and birds. Evol. Biol., 19 : 215-286.
BYERS J.A. 1980. Play partner preferences in siberian ibex, Capra ibex sibirica. Tierpsychol., 53 : 23-40.
JAMIESON S.H. & ARMITAGE K.B. 1981. Sex differences in the play behavior of yearling yellow-bellied marmots. Ethology, 74 : 237-253.
LEBRETON J.D., RICHARDOT-COULET M., CHESSEL D., YOCCOZ N. 1988. L'analyse des relations espèces-milieu par l'analyse canonique des correspondances. II. Variables de milieu qualitatives. Acta Œcologica, Œcologia Generalis : 9, 2, 137-151.
POIRIER F.E. & SMITH E.O 1974. Socialising functions of primate play. Am. Zool., 14 : 275-287.
SMITH P.K. 1982. Does play matter ? Functional and evolutionary aspects of animal and human play. Behav. Brain. Sci., 5 : 139--155.
TRIVERS R.L. 1972. Parental investment and sexual selection. In Sexual selection and the descent of man, Campbell, B. ed., 136--179, Aldine and Atherton, Chicago.

A suivre
Forward

Retour à Documents scientifiques du réseau Back to Scientific publications of the network
sommaire/contents