L'organisation spatiale d'un groupe familial de la marmotte alpine (Marmota marmota, L 1758) a été étudié dans les Alpes sur la commune d'Aussois (Savoie, Haute Maurienne, France) de début mai à fin juin 1996. Le but était d'analyser les causes de la distribution spatiale observée des terriers de la marmotte alpine. Deux typés de facteurs ont alors été étudiés : les facteurs environnementaux et les facteurs comportementaux.
La marmotte alpine creuse quatre sortes de terriers (terriers principaux, terriers secondaires, terriers tertiaires et abris) qu'elle répartit uniformément dans l'espace. La présence de roches en forte quantité augmente la probabilité d'installation de l'ensemble des terriers (probabilité de 0,6). Mais, pris séparément, l'installation d'un abris ne dépend plus des facteurs environnementaux. Quant aux terriers tertiaires, secondaires et principaux, ils sont creusés de préférence sur une pente inférieure à 15° associée à une forte quantité de roche (probabilité de 0,34). Les activités de surveillance, d'interaction entre congénères et d'affouragement sont centrées sur les terriers principaux et secondaires. Les déplacements de marmotte se font généralement entre terriers voisins et suivant des "itinéraires" formés de terriers tertiaires régulièrement espacés, allant d'un terrier principal aux terrier principal et secondaire les plus proches. La distribution uniforme des terriers, l'influence modérée des facteurs environnementaux sur la probabilité d'installation des terriers, la concentration des activités autours des terriers et les déplacements entre terriers les plus proches selon des "itinéraires", vont dans le sens d'une influence prédominante des facteurs comportementaux tel que le risque de prédation, sur le patron de distribution spatiale des terriers.
Beaucoup d'animaux utilisent des refuges, des nids ou des terriers pour échapper aux prédateurs et aux conditions climatiques, par exemple, les Ciseaux (Orians & Wittenberger, 1991), les Insectes (Hansell, 1993), les Lagomorphes (Bukacinska & Bukacinski, 1993 ; Kolb, 1994) et les Rongeurs (Barash, 1989 ; Jarvis et Sale, 1971). Parmi les Rongeurs de la famille des Sciuridae, les marmottes (Marmota sp.) utilisent un système complexe de terriers. De nombreux auteurs reconnaissent le rôle essentiel de ces terriers (Barash, 1989 ; Carey, 1985 ; Frase & Armitage, 1984 ; King, 1984 ; Perrin, 1993 ; Swihart, 1992).
La fonction des terriers est multiple, il sert de lieu de repos, de refuge, de surveillance et parfois de lieu d'hibemation et de reproduction. Les terriers vont alors concentrer et structurer dans l'espace les activités comportementales des marmottes (Barash, 1989 ; Frase & Armitage, 1984). Par conséquent, la stratégie d'utilisation de l'espace pourra être définie à partir de la répartition spatiale des terriers. L'étude de la sélection des sites d'installation des terriers permettra alors de savoir comment les marmottes exploitent leur milieu.
Le choix d'un site de nidification est déterminé par ses possibilités de protection contre les prédateurs et les intempéries et par des facteurs sociaux ou comportementaux. Selon Merriam (1971), la localisation d'un terrier de Marmota monax dépend de conditions environnementales et peut-être de contraintes comportementales. En effet, certaines variables environnementales peuvent favoriser l'installation de terriers et, certains besoins comme la reproduction, la protection ou d'autres facilitations sociales peuvent influer sur la répartition spatiale des terriers. Merriam (1971) explique alors une répartition agrégative des terriers par des regroupements sociaux et par une préférence pour des pentes raides associée à un sol suffisamment drainé. D'autres auteurs, Johns & Armitage (1979), ont émis l'hypothèse que la répartition spatiale des terriers de Marmota flaviventris dépendrait de la densité de marmottes et de la distribution des ressources alimentaires. La répartition spatiale serait agrégative dans le cas de faible densité de marmottes et d'une distribution uniforme des ressources et serait aléatoire dans le cas de forte densité de marmottes et d'une distribution parcellisée des ressources. Il apparaît donc que la répartition spatiale des terriers est influencée par des facteurs environnementaux et comportementaux.
Notre étude a pour objet d'analyser les relations entre la répartition spatiale des terriers et les facteurs environnementaux et comportementaux chez l'espèce Marmota marmota à l'échelle d'un groupe familial. Le groupe familial est la structure sociale de base de la marmotte alpine et comprend un couple reproducteur et ses jeunes des deux années précédentes. Plusieurs groupes familiaux peuvent s'associer pour former une colonie. Notre choix s'est porté sur le groupe familial, car, à l'échelle de la colonie, Merriam (1971) et Johns & Armitage (1979) n'ont pu obtenir de résultats précis sur l'effet des facteurs comportementaux. A ce jour, l'espèce Marmota marmota n'a fait l'objet d'aucune étude à cette échelle sur l'occupation de l'espace. Les travaux dans ce domaine avaient trait à la sélection de l'habitat (Allainé et al., 1994 ; Frigerio et al., 1996) compte tenu exclusivement des facteurs environnementaux. L'étude à l'échelle du groupe familial, permet de considérer à la fois l'effet des facteurs environnementaux et des facteurs comportementaux sur l'occupation de l'espace.
Afin de déterminer comment la marmotte alpine exploite son milieu, plusieurs questions sont posées. Tout d'abord, la répartition spatiale des terriers est-elle aléatoire ? Ensuite, les facteurs environnementaux expliquent-ils à eux seuls la répartition spatiale des terriers ? Enfin, les facteurs comportementaux tels que le risque de prédation, imposent-t-ils une contrainte sur le patron de distribution spatiale des terriers ?
Cette étude a été réalisée dans la zone périphérique du Parc National de la Vanoise, sur la commune d'Aussois (Savoie, Haute Maurienne, France). Le site d'échantillonnage est localisé au lieu dit La Randolière (6°43'N et 45°16'E) à une altitude comprise entre 2250 m et 2300 m et une exposition Sud-OuesL La zone est recouverte par une prairie alpine, parsemé d'éboulis rocheux, où passe un sentier de grande randonnée (GR) et une route forestière espacés d'environ 150 m (Figure 1). Le site n'est étudié que depuis 1996. C'est dans cet espace que vit un groupe familial de marmottes alpines.
1.2. Sujet biologique : Marmota marmota
La marmotte alpine, Marmota marmota (L, 1758), est un Rongeur appartenant à la famille des Sciuridae. Semi-fouisseuse, elle creuse des terriers sur les prairies alpines parsemées d'éboulis ou de gros blocs rocheux, à une altitude comprise entre 1400 m et 2700 m (Couturier, 1964). Elle s'installe de préférence sur l'adret, évitant apparemment les pentes orientées au Nord (Perrin, 1993). Cette espèce est sédentaire, territoriale (Perrin, 1993) et semble être le plus souvent monogame. La polygynie n'est cependant pas exclue (Goossens et al., 1996). Elle vit soit en groupe familial isolé comprenant un couple reproducteur dominant et ses jeunes des deux années précédentes, soit en colonie constituée de plusieurs groupes familiaux. Son régime alimentaire se compose principalement d'une dizaine de Dicotylédones (10 espèces recensées par Massemin (1992) et 11 espèces recensées par Bassano et al. (1996)), attestant de sa haute sélectivité alimentaire. Ces prédateurs sont essentiellement le renard et l'aigle royal. Les marmottes présentent un rythme d'activité saisonnier avec une phase d'hibernation de fin septembre à fin mars et une phase active les 6 autres mois. Au cours de la phase active, elles se reproduisent, élèvent leurs jeunes et augmentent leur masse pondérale. La prise de poids est essentielle afin de stocker suffisamment de graisse pour survivre à l'hibernation à venir (Barash, 1989).
Le terrier tient une place prépondérante dans la vie des marmottes puisqu'elles y sont confinées pendant l'hibernation et qu'elles passent plus de 50 % de leur temps sous terre en période d'activité. Différents types de terriers sont distingués selon leur structure et leur fonction (Couturier, 1964 ; Huber, 1978 ; Zelenka, 1965) :
- les terriers principaux : formés de plusieurs galeries qui s'élargissent par endroits sous forme de chambre, ils possèdent une ou plusieurs ouvertures et mesurent jusqu'à 3 m de profondeur. Leur structure, assez variable, reste encore peu connue. Ce type de terrier possède, néanmoins (1) une chambre principale qui peut servir de lieu de repos pour la nuit, de lieu de sevrage des marmottons et de lieu d'hibernation s'il s'agit de l'hibernaculum et, (2) une latrine ;
- les terriers secondaires : formés d'une galerie qui débouche sur une chambre moins vaste que précédemment, servent d'abri et de lieu de repos pendant la joumée. La profondeur de ces terriers est de l'ordre de l m ;
- les terriers abris : ces terriers peu profonds, aux dimensions réduites, sont le plus souvent creusés sous un rocher.
Le domaine vital comprend parfois plusieurs terriers principaux mais, en règle générale, il n'est composé que d'un seul terrier principal accompagné de quelques terriers secondaires et de nombreux terriers abris. Le domaine vital se divise en 2 zones selon le taux d'activité des animaux et la répartition spatiale des terriers :
- une zone principale où l'activité est intense et la distance entre terriers est réduite, il contient les terriers principaux. Cette zone correspond au centre d'activité (Dixon & Chapman, 1980 ; Samuel et al., 1985). Autour des terriers principaux est défini un espace de forte activité comportementale, appelée système principal (Perrin, 1993) ;
- une zone périphérique où l'activité est nettement plus faible et la dispersion des terriers plus grande. Elle entoure le système principal et est constituée par des terriers secondaires et des terriers abris.
La surface échantillonnée, couvrant 15450 m2, correspond à la zone principale du
domaine vital du groupe familial étudié. Le choix s'est porté sur la zone principale, car elle concentre toutes les activités comportementales. Durant l'étude, réalisée du 6/05 au 21/06, le groupe était constitué de 7 individus dont deux adultes.
Afin de déterminer la structure spatiale de l'ensemble (Frontier, 1983 ; Porter & Church, 1987) et de localiser les individus pour l'étude comportementale, l'échantillonnage a été réalisé à partir d'une grille composée de 618 quadrats de 5 mètres de côté (Figure 2). L'échelle du quadrat a été définie pour ne comprendre qu'un ou 2 terriers.
1.3.1. Recueil des données environnementales
Pour chaque quadrat, 4 variables environnementales (type de végétation, pente, surface rocheuse et pression anthropique) ont été mesurées ainsi que la présence d'ouverture de terriers notée. Le type de végétation a été codé en 4 classes : (H/0) herbe seule, (H/B) présence d'herbe et de broussaille, (0/B) broussaille seule et (0/0) absence de végétation. Les broussailles sont surtout constituées de genévriers et parfois de rhododendrons. La pente a été mesurée en direction du Sud, à l'aide d'un rapporteur et d'un niveau, aux quatre coins du quadrat (Figure 3). Les 4 pentes ont été sommées pour en faire une moyenne par quadrat. La direction n'a pas été prise dans le sens de la pente globale du site afin d'obtenir une meilleure représentation de la topographie de l'aire étudiée.
La surface rocheuse a été déterminée en assimilant les roches isolées ou les éboulis à des surfaces géométriques simples comme le carré, le rectangle ou le triangle. De plus, nous avons pris en compte le type rocheux, éboulis (E) ou roche isolée (R), et la taille des pierres : p = longueur ou largeur maximale inférieures ou égales à 0,10 mètre ; m = longueur ou largeur maximales comprises entre 0,10 m et 1 m ; g = longueur ou largeur maximales supérieures à 1 m. La combinaison de ces deux caractères donne 6 types rocheux : Rp, Rm, Rg, Ep, Em, Eg.
La pression anthropique a été déterminée en tenant compte de deux paramètres :
- la distance du quadrat aux sources de pression anthropiques, à savoir, le sentier de grande randonnée, la route forestière et le chalet (Figure 1).
- la distance d'alerte et de fuite de la marmotte qui sont respectivement de 40 m et de 20 m pour des marmottes accoutumées à la présence de l'Homme (Gibault, 1994 ; Louis, 1995). Sachant que la distance de fuite est de 20 m, la pression anthropique a été fixée à 100 % pour les quadrats qui étaient à une distance inférieure ou égale à 20 mètres d'une source de pression anthropique. De même, pour les quadrats distant de 40 mètres (= distance d'alerte) d'une source de pression, la pression anthropique a été arbitrairement estimée à 50 %. A partir de ces deux hypothèses, des codes de pression anthropique ont été réalisés en fonction de la distance du quadrat à la source de pression (Figure 4). Ainsi, au delà de 20 mètres, l'écart de pression anthropique diminue de 5 % tous les 5 mètres soit 5 %, 10 %, l5 %, 20 %, 25 % et 30 % (=suite géométrique de raison 5).
1.3.2. Recueil des données comportementales
La session d'observation comportementale représente environ 65 heures réparties du 14/06 au 20/06 (de 7h30 à 18h30 quand les conditions météorologiques le permettaient). Deux méthodes d'observation ont été utilisées, par sondage et en continu. La localisation sur la grille d'échantillonnage et le comportement de chaque marmotte a été notée toutes les 15 mn (Martin & Bateson, 1986). Chaque instant d'observation correspond à un sondage. Cinq types de comportements ont été relevés : l'affouragement (F), l'interaction entre congénères (I), le déplacement (D), la surveillance (S) et le bain de soleil (E) (pour des détails sur les comportements, cf. Annexe). La localisation précise d'un animal en mouvement étant difficile, sa présence a simultanément été notée sur le quadrat où l'animal était supposé être et sur les huit quadrats adjacents (soit neuf quadrats au lieu d'un quand l'animal était immobile et parfaitement localisable). Les mouvements d'un terrier à un autre ont été observés en continu. Chaque mouvement d'une marmotte entre terriers a été enregistré avec son comportement (d'affouragement~ d'interaction ou de simple déplacement).
1.3.3. Caractéristiques des terriers
Chaque ouverture de terrier a été caractérisée par la taille de son remblai, la pente de sa galerie et par son taux de fréquentation. La taille du remblai, évaluée par sa hauteur, sa largeur et sa longueur, donne une indication sur la profondeur du terrier. La pente de la galerie a été mesurée à l'entrée à l'aide d'un rapporteur et d'un niveau (Figure 3). Le taux de fréquentation a été déterminé à partir des observations effectives toutes les 15 minutes en calculant le nombre total de marmottes recensées par ouverture. Chaque ouverture a été localisée sur la grille suivant des coordonnées (x,y) avec l'axe X en direction de l'Est et l'axe Y en direction du Sud.
1.4.1. Caractéristiques et répartition spatiale des terriers
Afin de déterminer une typologie des ouvertures en fonction de l'ensemble des variables descriptives, une Analyse en Composante Principale normée (ACPn) a été conduite à partir des caractéristiques des ouvertures de terrier. La répartition spatiale des terriers a été analysée par la méthode de la distance au plus proche voisin (Clark & Evans, 1954). Cette technique consiste à comparer la distance moyenne entre terriers voisins les plus proches à la distance moyenne attendue sous l'hypothèse d'une distribution aléatoire. Le rapport R de la distance moyenne observée sur celle attendue est alors un indice de l'écart au modèle aléatoire : R = 1 pour une distribution aléatoire, R = 0 sous des conditions maximales d'agrégation et R = 2,15 pour une distribution parfaitement uniforme (Clark & Evans, 1954). L'écart au modèle aléatoire est testé par la statistique c qui suit une distribution normale (valeur seuil de c à 1,65 pour un risque de première espèce de 5 % dans le cas d'un test unilatéral).
1.4.2. Analyse des facteurs environnementaux
Pour déterminer la probabilité d'installation d'un terrier en fonction des conditions environnementales, nous avons utilisé le modèle logistique linéaire (Cox, 1972). Ce modèle a déjà été utilisé par Allainé et al. (1994) dans des conditions voisines. Le modèle exprime la probabilité d'installation 6 en fonction des variables environnementales par le postulat suivant :
[1] q = eab
avec a le vecteur défini par les variables environnementales et b un vecteur de paramètres inconnus à estimer.
La transformation logistique de q donne :
[2] ab = l = Ln (q /(1-q))
La transformation logistique de q est donc une combinaison linéaire de la moyenne m, des effets principaux des variables environnementales et de leurs interactions. Par exemple, dans le cas de deux variables environnementales qualitatives A et B, le modèle s'écrit :
[3] lij = m + ai+ bj + cij + e
où ai est l'effet de la modalité i de la variable A, bj l'effet de la modalité j de la variable B, cij l'effet de l'interaction entre les deux modalités des variables A et B et e la part résiduelle. L'estimation de lij permet alors de calculer la probabilité qij de la situation (ai, bj) à partir de l'équation [2]. Pour identifier les modèles les plus significatifs, nous avons utilisé le test du rapport de vraisemblance.
Avant d'appliquer le modèle logistique linéaire, un test du Khi-deux a été réalisé sur chacune des variables environnementales. Cette procédure préliminaire a permis de choisir les facteurs environnementaux les plus probants et de réduire le nombre de modalités par variable afin de maximiser le nombre de quadrats dans chaque combinaison de modalités entre variables. Le test du Khi-deux comparent, pour une variable, la distribution en fréquence des modalités disponibles dans le milieu (= distribution de disponibilité) et la distribution en fréquence des modalités pour lesquelles les marmottes ont creusé un terrier (= distribution d'utilisation).
Le choix des analyses statistiques a été déterminé par la classification des méthodes de comparaison entre disponibilité et utilisation, réalisée par Thomas & Taylor (1990).
1.4.3. Analyse des activités comportementales
L'occupation de l'espace par le groupe familial a été cartographié à l'aide de courbes de niveau à 8 voisins (une analyse préliminaire a révélée que au delà de 8 voisins, l'erreur commise par le lissage par régression locale augmente). Un patron de distribution spatiale a ainsi été obtenu pour chaque activité comportementale. Les mouvements entre terriers relevés en continu ont été figurés par des diagrammes de flux.
Pour savoir si les mouvements s'effectuent entre terriers voisins, ou indifféremment entre tous les terriers, le chemin le plus court entre terriers (hormis les abris) a été déterminé à partir de "l'arbre de longueur minimale" ou "graphe de Delauney" (Kevin & Whitney, 1972). Cet arbre relie les terriers les plus proches. Les mouvements d'un terrier à un autre ont été identifiés par le nombre de terriers non utilisés sur le parcours par la marmotte. Ensuite, nous avons calculé un coefficient de corrélation de Spearman entre le nombre de terriers sautés par mouvement et leurs fréquences, et testé si la probabilité d'occurrence d'un mouvement diminue avec l'augmentation du nombre de terriers sautés.
1.4.4. Logiciels et traitements statistiques
Les analyses univariées ont été réalisées à l'aide du logiciel Statview 1.04. Le modèle logistique linéaire a été mis en oeuvre par le logiciel Glim-3.77 (Aitkin et al., 1989).
L'analyse en composante principale normée ainsi que toutes les cartes ont été réalisées par le logiciel ADE-4 (Thioulouse et al., 1995).
n.b. : L'ensemble des cartes ont été orientées suivant la direction de la pente globale du site et non suivant le Nord, par souci de commodité de lecture et afin de mieux percevoir l'organisation spatiale observée sur le site.
Le site d'échantillonnage comprend, répartis sur 65 quadrats, 31 terriers avec un remblai et 41 terriers sans remblai. L'ACPn du tableau descriptif des ouvertures permet de distinguer quatre types de terriers : terriers principaux, secondaires, tertiaires et abris (Figure 5A). Les terriers secondaires et tertiaires correspondent aux terriers "secondaires" définis dans la littérature (voir § 12). Seuls les deux premiers facteurs, présentant de fortes valeurs propres, ont été conservés (Figure 5C).
1- des terriers abris sans remblai donc peu profond, avec une galerie de pente faible et un faible taux de fréquentation,
2- des terriers tertiaires de profondeur moyenne, avec une galerie de pente forte et un taux moyen de fréquentation,
3- des terriers secondaires de profondeur importante, avec une galerie de pente moyenne à forte et un taux élevé de fréquentation,
4- des terriers principaux très profonds avec une galerie de pente variable et un taux très élevé de fréquentation.
Les caractéristiques de ces 4 types de terriers sont quantifiées dans le Tableau 1.
Tableau 1. Caractéristiques moyennes des ouvertures de chaque type de terrier : longueur, largeur et hauteur du remblai ; pente de la galerie ; taux de fréquentation de l'ouverture.
Longueur (m) |
Largeur (m) |
Hauteur (m) |
Pente (degrés) |
Fréquentation |
|
Terriers Principaux |
1,6 |
1,8 |
0,2 |
28,3 |
20,7 % |
Terriers secondaires |
1,4 |
1,3 |
0,2 |
25,6 |
1,08 % |
Terriers tertiaires |
0,8 |
0,7 |
0,1 |
26,6 |
0,22 % |
Terriers abris |
0 |
0 |
0 |
11,1 |
0,08 % |
La distribution des différents types de terriers à l'intérieur de l'aire d'échantillonnage est représentée par la Figure 6. Les terriers sont distribués de façon uniforme au sein de la zone principale (R = 1,47, c = 6,90, P < 0,0001). De même, le test de Clark et Evans reste significatif si on exclut les abris (R = 1,25, c = 2,53, P < 0,01). Par conséquent, la distance entre terriers voisins voie peu dans l'espace et donc, les terriers vont dépendre les uns des autres pour leur position spatiale. Si chaque terrier est relié par une droite à son voisin le plus proche, le patron obtenu ou graphe de Delauney (Kevin & Whitney, 1972), est une structure simple, peu arborescente (Figure 6). Ce graphe est formé d'un "tronc" principal qui va du terrier principal n°30 au terrier secondaire n°22 en passant par les terriers principaux n°1, 2 et 18, et de "branches" qui relient les terriers secondaires n°11 et n°24, et les terriers tertiaires n°16, 28, 31 et 4, au "tronc".
2.2. Influence des facteurs écologiques
Les conditions environnementales varient sur l'ensemble de l'aire d'échantillonnage (Figure 7).
Tableau 2. Effet de chaque variable écologique sur l'installation d'un terrier de marmotte. Seules 7 variables ont été testées par le Khi- Carré : la pente en direction du Sud ; le type de végétation [herbe seule (1/0), broussailles seules (0/1), mixte (1/1) et absence de végétation (0/0)] ; la pression anthropique ; la surface de roche totale par quadrat de 5 m de côté ; Rm, la surface de rochers isolés de mille moyenne ; Rg, la surface de rochers isolés de grande taille et Em, la surface d'éboulis de pierres de taille moyenne. Les autres variables n'ont pas été testées, du fait d'un trop petit nombre de quadrats par classe.
Limites de classe |
Statistique Khi-carré |
Probabilité |
|
Pente Sud (en degrés) |
[< 5[ [5 - 10[ [10 - 15[ [15 - 20[ [20 - 40[ |
4,455 |
0,8139 NS |
Végétation H/B(présence - absence) |
(1/0) et (0/0) (1/1) et (0/1) |
5,4 |
0,0672 NS |
Pression anthropique (%) |
[0 - 25] [50 - 70] [85 - 100] |
3,92 |
0,4169 NS |
Roche totale (m2) |
[0 - 1] [1 - 3] ]3 - 5] ]5 - 10] [l0 - 15] [l5 - 25] |
30,938 |
0,0006 * ** |
Rm (m2) |
0 ]0 - 1] [l - 3] ]3 - 25] |
5,459 |
0,4864 NS |
Rg (m2) |
0 ] 0 - 1] [l - 25] |
21,369 |
0,0003 *** |
Em (m2) |
[0 - 1] [l - 3] ]3 - 5] ]5 - 25[ |
25,838 |
0,0002 *** |
La présence de roches à l'intérieur d'un quadrat augmente la probabilité d'installation d'un terrier ou d'un abri (tableau 2). La présence d'éboulis de pierres de taille moyenne [Em] et de rochers isolés de grande taille [Rg] augmentent notamment la probabilité. Par contre, la pente, le type de végétation et la présence de l'Homme n'ont pas d'effet significatif sur la position d'un terrier ou d'un abri (Figure 8).
Lors de l'application du modèle linaire généralisé, 3 variables explicatives ont été retenues ; à savoir, la pente (2 modalités), le type de végétation (2 modalités) et la surface de roche (3 modalités) (tableau 3). Parmi les 35 combinaisons possibles entre modalités de toutes les variables, seules 6 combinaisons ont été retenues par variable à expliquer. Le type de végétation n'intervient pas sur la probabilité d'installation des terriers. Quant aux abris et à l'ensemble [terriers + abris], la variable non significative est alors la pente. Les modèles les mieux ajustés sont :
pour les terriers (déviance résiduelle 1,40, ddl = 6, P > 0,9)
[4] l = m + Pente + Roche + (Pente.Roche)
Pour les abris (déviance résiduelle 19,59, ddl = 8, p > 0,01)
[5] l = m + Veg + Roche
Pour l'ensemble [terriers + abris] (déviance résiduelle 12,87, ddl = 8, p > 0,1)
[6] l = m + Veg + Roche
Le modèle est validé pour les terriers et pour l'ensemble [terriers + abris] mais n'est pas acceptable pour les abris au risque de 5 %. La probabilité d'installation des abris ne peut donc pas être prédite à partir des variables environnementales retenues.
Tableau 3. Probabilités d'installation d'ouverture de terrier et d'abri prédites pour les modèles retenus. Le modèle utilisé est l'équation [4] pour les terriers et l'équation [6] pour l'ensemble (terriers + abris). Les variables sont : la pente en direction du Sud avec deux modalités, ]<15°[ et [l5° - 40°[ ; le type de végétation avec deux modalités, herbe seule (1/0) et absence de végétation (0/0), broussailles seule (0/1) et mixte (1/1) ; la surface, en m2, de roche totale sur un quadrat de 5 m de coté avec 3 modalités, [0 - 1] , ]l - l0] et ]10 - 25]. q est la probabilité d'installation. Les chiffres en gras sont les probabilités les plus fortes pour chaque modèle.
Pente (°) |
Végétation(P/A) |
Roche (m2) |
q Terriers |
q Terriers + abris |
(1/0) et (0/0) |
[0 - 1] |
0,05 |
||
(1/0) et (0/0) |
]l - 10] |
0,18 |
||
(1/0) et (0/0) |
]10 - 25] |
0,55 |
||
(0/1) et (1/l) |
[0 - 1] |
0,06 |
||
(0/1) et (1/1) |
]l - 10] |
0,21 |
||
(0/1) et (1/1) |
]10 - 25] |
0,60 |
||
]< 15[ |
[0 - 1] |
0,02 |
||
]< 15[ |
]l - 10] |
0,04 |
||
]< 15[ |
]10 - 25] |
0,34 |
||
[15 - 40[ |
[0 - 1] |
0,04 |
||
[15 - 40[ |
]1 - 10] |
0,16 |
||
[15 - 40[ |
]10 - 25] |
0,24 |
Les terriers sont creusés de préférence sur des pentes faibles inférieures à 15°, inclinées au Sud et présentant une surface de roche élevée (]10 - 25] m2 correspondant à des quadrats recouverts de 40 % à 100 % de roche). La probabilité d'installation q dans de telles conditions est alors de 0,34 (Tableau 3). Une pente plus forte, de 15° à 40°, réduit la probabilité d'installation si la surface de roche est élevée (q = 0,24), mais elle l'accroît si la surface de roche est moyenne (q passe de 0,04 à 0,16, Tableau 3). L'effet de l'interaction entre la pente et la surface de roche varie donc suivant la combinaison de modalités. Quand les abris sont joints au modèle, le facteur "Pente" n'intervient plus. Il ne jouerait pas sur l'installation des abris (Tableau 3). Par contre, le type de végétation a une influence alors qu'il n'en avait pas précédemment. Son influence reste toutefois faible, car les probabilités varient peu entre ses deux modalités. Néanmoins, la plus forte probabilité d'installation est observée dans le cas de quadrats où la surface de roche est élevée et le type de végétation plutôt broussailleux (q = 0,6, Tableau 3). Il apparaît, à la vue des probabilités d'installation, que la présence de roche en forte quantité, 40 % à 100 % de la surface du quadrat, favorise le creusement d'un terrier et d'un abri. Les probabilités d'installation calculées restent cependant moyennes, de 0,3 à 0,6, par conséquent les facteurs écologiques sélectionnés n'expliquent qu'une partie de la répartition spatiale des terriers et des abris.
2.3. Influence des facteurs comportementaux
L'activité des marmottes ne se répartit pas de façon aléatoire sur l'aire échantillonnée. Trois centres d'activité sont localisés autour des terriers principaux n°1, n°18 et n°30 (Figure 9G). Une zone, qui ne comprend que des abris, est peu fréquentée par les marmottes -cette zone sera appelée zone B pour la suite de l'analyse- (Figure 9F & 9G). Prises séparément, les différentes activités ne présentent pas le même patron d'utilisation de l'espace. La répartition spatiale de l'affouragement définit quatre zones connectées entre elles (Figure 9F) : la zone herbeuse au-dessous du terrier principal n°30, les deux secteurs entourant les terriers principaux n°1 et n°18 et la prairie située entre le terrier secondaire n°22 et le terrier n°19. Toutefois, les marmottes utilisent l'ensemble de la prairie disponible (Figure 7H) hormis la zone B. Les activités de surveillance et de bain de soleil ont lieu exclusivement à proximité ou sur le remblai d'un terrier, le plus souvent des terriers principaux et secondaires (Figure 9S & 9E). De même, les déplacements et la localisation des interactions dépendent de la répartition spatiale des terriers (Figure 9M & 9I). Les activités d'interaction sont centrées sur les terriers principaux et secondaires alors que les déplacements sont localisés sur tous les terriers excepté les abris.
Les patrons d'utilisation de l'espace décrit ci-dessus sont corroborés par les mouvements observés entre terriers. Ainsi, les mouvements d'interactions sont composés de séquences d'aller et de retour entre trois ou quatre terriers adjacents, expliquant la concentration de cette activité autour de quelques terriers (Figure 10). Les mouvements entre terriers lors de l'affouragement sont plus diversifiés et s'effectuent dans tout l'espace (Figure 11 ). Aucun cheminement d'affouragement n'a été mis en évidence. Le déplacement des marmottes suit la distribution spatiale des terriers et se fait généralement d'un terrier au terrier le plus proche (Figures 12 & 13). De plus, le diagramme de flux des déplacements peut être mis en parallèle avec le graphe de Delauney (Figure 6). En effet, le déplacement des marmottes reproduit le "tronc" du graphe de Delauney reliant l'ensemble des terriers principaux, secondaires et tertiaires. L'étude de la distribution du nombre de terriers sautés, lors de mouvement entre deux terriers, démontre que pour toutes les activités les mouvements se font de préférence entre terriers voisins (Figure 13). En effet, il existe une corrélation négative entre le nombre de terriers sautés et la probabilité d'occurrence d'un mouvement (affouragement p = -0,86, déplacement p = -0,91, interaction p = -0,64 ; avec une valeur critique à 59b de 0,380 sous l'hypothèse alternative p < 0).