Citation : Bosio J-L. 1994. Aspects économiques des réintroductions de marmottes. D.E.A. , DAAE, Analyse et politique économiques, Économie rurale, spatiale, régionale, Dijon, 49 p.

2. LES CAPTURES DE MARMOTTES

2.1. Les captures : limitation de la population de marmottes et demande de réintroduction

Sur les zones de captures les plus connues et probablement celles qui ont fourni la majorité des marmottes à réintroduire, des schémas voisins de décision de capture peuvent être observés :

- Augmentation de la population de marmottes et/ou déplacement vers des zones exploitées par des agriculteurs (en foin surtout) suite à une mesure de protection de la faune ;

- Plainte d'agriculteurs ne pouvant plus assurer la régulation de la population qu'ils avaient l'habitude de pratiquer par la chasse ou le déterrage des marmottes ;

- Intervention des organismes habilités à réguler les populations (parcs nationaux sur les zones centrales des parcs et Fédérations de Chasseurs en dehors).

Tableau N° 4 : Historique des premières captures sur trois massifs

Dates

Massif de La Vanoise

Massif des Ecrins

Massif du Mercantour

     

?

 

?

?

Surveillance des zones à marmottes suite à une forte chasse (fourrure) en Haute Ubaye

1963

Création du Parc de la Vanoise

 

premières plaintes d'agriculteurs (1963)

1965

Première demande de Marmotte au PNV

   

1969

lères demandes de la FDC 73 qui désire capturer des Marmottes sur le territoire du PNV pour des ACCA

   

1970

Premières plaintes écrites de dégâts de Marmottes sur chalets, alpages et granges (secteur de Bonneval/Arc), plaintes antérieures probables

 

1ère demande de marmotte de la FDC Haute Garonne, début probable des captures.

1973

57 captures

création du Parc National des Ecrins

 

1979

24 Captures

 

Création du Parc du Mercantour

1982

91 captures

 

Premiers rapports sur les captures de Marmotte sur le secteur de Larche (Haute Ubaye) 63 Captures.

1988

103 Captures

Premières captures sur le secteur du Champsaur (plaintes)

 

Avant les premières captures (dans les parties marquées par un ? dans le tableau) il est probable que, la chasse à la marmotte étant autorisée, elle contribuait à réguler les populations en place.

Les captures de marmottes ne semblent donc pas avoir été motivées seulement par des plaintes d'agriculteurs. Pour ce qui concerne les trois massifs présentés dans le tableau précédent, l'existence d'une demande de réintroduction semble avoir joué un rôle important. Dans les autres cas de captures, dans des espaces où la marmotte n'était pas protégée, il semble que la seule motivation ait été celle de la réintroduction. C'est le cas notamment des captures du Queyras en 1948 qui ont permis le premier essai d'introduction de la marmotte dans les Pyrénées, de Chamonix pour la réintroduction de Nancy-sur-Cluses et de très nombreuses initiatives qui n'ont pas fait l'objet de traces écrites.

Bien qu'il soit difficile d'estimer l'importance des captures qui n'ont pas fait l'objet d'écrits dans les circuits administratifs (demande d'autorisation de transport de gibier vivant), il semblerait que ce soit le massif de la Vanoise et surtout la haute vallée de la Maurienne qui ait fait l'objet de la majorité des captures (plus de 60 % des captures totales de marmottes au cours de la période 1963 /1994 d'après nos chiffres).

J.L. Michelot semble aller dans le même sens : "De nombreuses opérations (de réintroduction de marmottes) ont été facilitées par la fourniture de marmottes par le Parc National de la Vanoise ; des individus sont en effet capturés en Maurienne (Bonneval-Termignon) où ils dégradent des prairies de fauche par leur activité fouisseuse. " (J.L. Michelot 1991)

Les données ont été présentées par secteur géographique étant donnée l'antériorité du début de la période étudiée par rapport à la création des parcs des Ecrins (1973) et du Mercantour (1979).

Toutefois les captures de marmottes dans les vallées de Haute Maurienne et Tarentaise correspondent aux captures de la FDC 73 et du PNV, dans la vallée de la Haute Ubaye aux captures de la FDC 04, et du PNE pour ce qui concerne la vallée du Champsaur.

Tableau N° 5 Nombre de marmottes capturées de 1963 à 1994

Zones de capture

Haute Maurienne et Hte Tarentaise

Haute Ubaye

Ecrins, Champsaur

Autre provenance

Provenance inconnue

Total

Organismes

PNV

FDC 73

FDC 04

PNE

     

NB de marmottes capturées 1963-1994

1019

750

648

107

38

408

2970

% du total de marmottes capturées

34 %

25 %

22 %

4 %

1 %

14 %

100 %

Le choix de l'année 1963 s'explique du fait du faible nombre de captures dont il a été possible de retrouver la trace antérieurement à cette date : 79 marmottes capturées de 1931 à 1962 soit une moyenne d'un peu plus de 2 marmottes par an sur 32 ans contre une moyenne de près de 93 marmottes capturées par an pour les 32 ans suivants (période 1963-1994).

Il est probable que les données du tableau ci dessus (N° 5) soient sous estimées. En effet, les chiffres de captures d'un certain nombre d'années sont inconnus (10 années sur 32 pour le Parc de la Vanoise, 9 sur 32 pour la FDC 73) ou ont été reconstitués d'après les informations recueillies au sujet des sites de réintroduction (8 sur 32 pour le PNV, 7 sur 32 pour la FOC 73) (cf. en Annexe n° le tableau des captures de 1963 à 1994). De plus les captures effectuées sur les autres lieux et comptabilisées en "autre provenance" et "provenance inconnue" sont fort probablement largement sous-estimées puisqu'elles ne sont signalées que dans le cas où une trace de la réintroduction a été retrouvée. Enfin Ramousse, Martinot et Le Berre signalent une capture de 1336 marmottes par le PNV de 1969 à 1990, (Ramousse, Martinot et Le Berre, Twenty years of..., 1992), alors que d'après nos données il n'en a été dénombré que 1019 au cours de la période 1969-1994.

En ce qui concerne les captures effectuées avant 1963 il est assez difficile d'avoir une idée précise de leur quantité, de leurs provenances et destinations mais il est probable qu'elles furent plus nombreuses que celles dont il a été possible de retrouver une trace. "Au cours de ces dernières années un peu partout, tant dans les Alpes que dans les Pyrénées des lâchers de marmottes ont été pratiqués grâce aux captures par déterrage. La plupart de ces lâchés, effectués sans prétention de repeuplement et quelquefois tout bonnement pour se débarrasser de pensionnaires encombrantes, n'ont pas laissé de traces" (Couturier, 1964)

Si l'on ne tient compte que des données des années où la totalité des captures est connue pour calculer une moyenne de capture annuelle multipliée par le nombre d'années de capture totale probable on obtient une estimation de captures de marmottes, en considérant que les captures ont débuté l'année de la première trace écrite d'une capture ou d'un envoi de marmottes (1965 pour le PNV, 1968 pour la FDC 73, 1970 pour la FDC 04, et 1988 pour le PNE et 1963 pour les autres provenances et provenances inconnues).

Tableau N° 6 : Estimation du nombre de capture de marmottes de 1963 à 1994

Zone de capture

Haute Maurienne et Hte Tarentaise

Haute Ubaye

Ecrins Champsaur

Autre Provenance

Provenance inconnue

Total

Organismes

PNV

FDC73

FDC 04

PNE

     

% du total de marmottes capturées

34 %

25 %

22 %

4 %

1%

14 %

100

Moyenne de capture annuelle calculée

74

64

81

27

3

29

270

NB d'années de captures sur 32 ans, période 1963-94

30

27

21

3

32

32

 

Estimation du NB de marmottes capturées 1963-1994

2217

1739

1701

107

203

933

6900

% du total de captures estimées

32 %

25 %

25 %

1 %

3 %

14 %

100 %

D'après cette estimation c'est d'environ 43 % des captures dont il aurait été possible de trouver une trace. Le nombre de marmottes capturées aurait été de 6900 en 32 ans, soit une moyenne de 215 animaux capturés par an. Si les estimations de captures pourraient avoir été surestimées en ce qui concerne le PNV et les FDC 04 et 73, il est probable que les colonnes autres provenances et provenances inconnues aient été plutôt sous estimées.

2.1.1. Localisation et évolution des captures de marmotte

2.1.2. Coûts de capture

Les coûts de capture ont été évalués d'après les données recueillies auprès du Parc National des Ecrins PNE (Secteur du Champsaur), des services départementaux de garderie, des Fédérations de Chasseurs de Savoie FDC 73 et des Alpes de Haute Provence FDC 04. Quelques données provenant d'un dossier marmotte fourni par le Parc National de la Vanoise permettront de compléter ces résultats.

2.1.2.1. Hypothèses

De façon à pouvoir comparer les données, le même coût de revient de l'agent pour les trois cas a été considéré à savoir de 15 400 F pour 22 jours travaillés dans le mois soit un coût de revient journalier de 700F T.T.C.. A titre de comparaison le PNV annonce un coût de revient de la journée agent de 500 F Hors Taxes en 1987 (courrier PNV 23/03/1987 à la FDC 38).

Le coût relatif au renouvellement des pièges a été calculé sur la base du nombre de pièges utilisés dans la session de piégeage, considérant qu'un piège coûte environ 35 F et qu'il est à changer au bout de 10 ans (Entretien FDC 04).

2.1.2.2. Résultats

Tableau N° 7 : Coûts moyens des captures de marmottes

 

Coûts par marmotte capturée

Organisme

Nb captures/jours/pers.

Efficacité piégeage

Transport

Main d'œuvre

Autre

Total

FDC 73

3,26

32 %

27 F

215 F

81F

323 F

FOC 04

2,42

29 %

28 F

289 F

127 F

444 F

PNE

0,81

10 %

19F

865 F

3 F

887 F

Les données de calcul sont récapitulées en annexe 9 en 10.

Le nombre de captures par personne et par jour permet de juger des différentes efficacités des équipes de piégeage.

L'efficacité correspond au nombre de marmottes prises par piège et par jour. Elle permet de juger de la technique de piégeage utilisée, ici le piège à palette dans les trois cas.

Les coûts de déplacement comprennent uniquement les coûts liés à l'utilisation de véhicules pour se rendre sur la zone de capture en début de cession de piégeage (et de départ en fin) ainsi que pour se déplacer sur la zone de capture (cas de captures sur les villages de toute une vallée comme en Maurienne ou Haute Ubaye).

Dans les coûts de main d'oeuvre ne figurent que les montants relatifs aux salaires des agents à l'exclusion de leurs frais de déplacement.

Dans les autres frais sont comptabilisés les coûts relatifs au renouvellement des pièges, ainsi que les frais relatifs au logement et à la nourriture de gardes (Hôtel pension complètes pour la FDC 04, Indemnités par nuitée et par repas concernant la FDC 73).

2.1.2.3. Discussion

Ces données sont compatibles avec celles calculées par le Parc National des Ecrins (PNE 1990) et citées par Ramousse et Le Berre (Ramousse et Le Berre 1993) qui se situent entre 350 et 700 FF par marmotte. L'estimation présentée ici pour le PNE est plus grande (887 F) en raison certainement du coût plus important des salaires des agents qui a été pris en compte.

Une différence assez importante peut être observée entre le coût calculé sur le PNE et les deux autres organismes. Bien que les frais de transports et de déplacement des agents (autres frais) soient beaucoup plus faibles pour le PNE, le coût de revient de la marmotte est d'environ le double voir plus. Cet écart s'explique presque essentiellement par une différence d'efficacité des équipes de piégeage étant donné que le coût de la main d'oeuvre est prépondérant. Cette différence d'efficacité est très certainement due à la grande différence d'expérience du piégeage. Le gardes du PNE n'ont que 3 années d'expérience (de 1988 à 1990) contre au moins 25 ans pour la FDC 73 et 24 ans pour la FDC 04. Les gardes de la FDC 73 bénéficient de plus des observations des agents du PNV.

A titre de comparaison les données disponibles concernant le PNV donnent une moyenne de capture de 5,1 marmottes/homme/j. en 1985 pour 79 marmottes capturées au total sur le secteur de Bonneval. A titre de comparaison la même année la FDC 73 sur un terrain voisin capturait au rythme de 2,45 marmottes/homme/j. par (rapports de capture du secteur de Bonneval, Parc de la Vanoise). Il est probable que la connaissance du terrain joue en faveur d'une plus grande efficacité des agents du PNV et que le coût de capture des marmottes y soit inférieur aux 323 F/marmotte de la FDC 73.

Dans les trois cas rencontrés c'est le coût de la main d'oeuvre (salaires des agents) qui est déterminant dans le coût de capture, 97 % du coût total de capture au PNE, 67 et 65 % respectivement pour la FDC 73 et la FDC 04.

Le coût d'opportunité de la main d'oeuvre est aussi à prendre en ligne de compte. En effet, le nombre de gardes d'un Parc National ou d'un service départemental de garderie est fixe au cours de l'année. Si la période de capture correspond à une période creuse ou très chargée en travail, le coût de revient de la main d'oeuvre ne sera pas le même pour l'organisme repreneur. Concernant cet aspect, il semblerait, selon les organismes repreneurs, que la période de capture la plus favorable (fin du printemps) n'était pas particulièrement chargée jusque dans le milieu des années 80. Il semblerait que depuis quelques années les agents des différents organismes repreneurs de marmottes aient un emploi du temps très chargé pendant la période de fin de printemps expliquant peut-être en partie les récentes facturations du coût de la main d'oeuvre par le PNV, depuis 1985 probablement et plus certainement 1987 (lettre du PNV à la FDC 38 du 23/03/87). La FDC 04 signale une recrudescence des travaux de comptages d'animaux à cette époque rendant difficile la disponibilité du personnel pour les captures de marmotte. Le PNV invoque en 1984 auprès de la DDAF 74 et en 1986 auprès de la FDC 38, deux organismes pourvus les années précédentes par le PNV, la trop grande occupation de ses agents de terrain pour être en mesure de fournir des marmottes.

2.1.3. Varaiation du coût de capture fonction du type de piégeage

2.1.3.1. Présentation de l'expérimentation

Le piégeage utilisé par les différents organismes contactés (FDC 73 et 04, PNV, PNE jusqu'en 1990) et qui ont donné lieu aux différentes données et analyses des paragraphes précédents consiste à utiliser un piège à mâchoire dont le ressort a été détendu ou les mâchoires protégées. Cette technique bien que très efficace pour la capture des animaux présente cependant l'inconvénient de blesser quelquefois les animaux (Le Berre, Ramousse 1992).

Une expérimentation sur différents types de piégeages qui visait à déterminer la faisabilité de captures plus respectueuses de la santé des animaux afin d'augmenter les chances de succès d'une réintroduction a été mise en place sur le plateau de Charnières (Prapic, commune d' Orcière, Vallée du Champsaur, PNE). Cette expérimentation a permis de comparer la technique de capture au piège à palettes (à mâchoires) avec des captures avec 3 autres types de piège (piège boîte une porte, boîte deux portes et collet). Les données de l'expérimentation ont permis de comparer les efficacités et les coûts relatifs aux différents types de pièges.

2.1.3.2. Applications numériques et discussion

Tableau N° 8 : Coût de différents types de piégeage.

 

Coûts par marmotte capturée

Type de piège

Nb captures/jours/pers.

Efficacité piégeage

Transport

Main d'œuvre

Autre Piège

Total

A palette

1,70

17,04 %

25 F

411 F

2 F

437 F

Boîte 1 p

0,81

8,15 %

52 F

859 F

43 F

953 F

Boîte 2 p

0,74

7,41 %

57 F

945 F

47 F

1 049 F

Collet

1,80

22,50 %

23 F

389 F

9 F

421 F

Calcul effectués d'après les données d'expérimentation de Papet R (Papet 1992).

Il apparaît sur ce tableau que le passage de l'utilisation de pièges à palettes à des pièges porte semble occasionner un surcoût de piégeage non négligeable de 118 % si le piège une porte est adopté et de 140 % si c'est le piège deux portes. Cependant si l'objectif visé n'est pas simplement de faire régresser la population de marmottes mais aussi de fournir des animaux en bonne santé, il est observé que le passage au piège porte permet d'augmenter de 130 % le nombre d'animaux en bon état (ni fracture (au lieu de 4 cas sur 23), ni d'hématome pouvant entraîner une phlébite (au lieu de 8 cas), ni mortalité (au lieu de 1 cas)). Avec le piège à palette seuls 10 animaux indemnes ou avec blessure légère ont été constatés sur 23 capturés contre 100 % d'animaux indemnes ou avec blessure légère avec les pièges boîte. Il serait préférable pour comparer les techniques de capture de prendre comme indicateur non plus le coût de capture de la totalité des animaux mais celui des animaux indemnes, ou légèrement blessés.

Tableau N° 9 : Coûts de capture des animaux indemnes (données PAPET R. 1993)

Type de piège

Nb captures /jours/pers.

Efficacité piégeage

Transport

Main d'œuvre

Autre

Total

A palette

0,52

5,19 %

81 F

1 350 F

5 F

1 436 F

Boîte 1 p

0,52

5,19 %

81 F

1 350 F

67 F

1 498 F

Boîte 2p

0,74

7,41 %

57F

945 F

47 F

1 049 F

Tableau N° 10 Coûts de capture des animaux indemnes et légèrement blessés

Type de piège

Nb captures/jours/pers.

Efficacité piégeage

Transport

Main d'œuvre

Autre

Total

A palette

0,74

7,41 %

57 F

945 F

4 F

1 005 F

Boîte 1 p

0,81

8,15 %

52 F

859 F

43 F

953 F

Boîte 2 p

0,74

7,41 %

57 F

945 F

47 F

1 049 F

Dans les deux cas présentés, capture d'animaux indemnes ou légèrement blessés, le coût de capture de marmottes avec le piège à palette se situe entre les coûts de capture des pièges une porte et deux portes.

Les animaux présentant un hématome n'ont pas été comptabilisés ici en raison "des risques de phlébite" (Le Berre et Ramousse 1992a), ni les animaux ayant subi une fracture et morts a fortiori, ce qui explique l'augmentation importante du coût de capture par le piège à palette qui entraîne de nombreuses blessures.

Capturer des marmottes non plus dans une optique de régulation de population prépondérante mais dans un objectif double de régulation et de recolonisation de nouveaux espaces multiplierait le coût de capture de 2,3 à 3,3 environ si la technique de capture reste inchangée (capture au piège à palette).

Toutes techniques confondues le prix de revient d'un animal indemne ou légèrement blessé serait compris entre 950 et 1500 F. De tels résultats semblent donc démontrer que le fait de vouloir transférer des animaux en bon état implique une augmentation du coût de capture.

Néanmoins ces différentes données ne sont que des indications. Il faudrait s'assurer de la reproductibilité de ce type de capture sur des terrains différents de celui où a été réalisée l'expérimentation.

Il est cependant intéressant de constater que les différents organismes réalisant des captures n'ont pas recherché des méthodes assurant de ne jamais endommager les animaux. Ces constatations tendraient à démontrer une assez forte disponibilité en animaux à capturer, et une motivation relative des demandeurs de marmottes pour des animaux en parfait état, compte tenu d'une certaine facilité pour se procurer des animaux.

2.1.3.3. Analyse des résultats

Il serait possible d'interpréter le coût de capture de l'ensemble des animaux (blessés, morts ou pas) comme un coût de régulation de la population de marmottes imputable aux efforts d'adaptation des agriculteurs, développés dans le chapitre 1. Le coût d'un animal à réintroduire serait lui différent puisque en théorie les réintroducteurs ne s'intéressent qu'aux animaux dont l'état de santé permet la colonisation d'un biotope nouveau pour eux. Il serait compris entre 1,3 et 2,3 fois le coût d'élimination.

Le désir de limiter la population de marmottes au moindre coût semble avoir été, jusqu'à une période récente, le souci principal des organismes repreneurs de marmottes, plus que le succès des réintroductions permises par les marmottes capturées.

Des réflexions actuelles tentent de replacer les captures de marmottes dans une optique de plus grande efficacité de réintroduction (Ramousse et Le Berre, 1993) et pose, à juste titre, le problème de la reconstitution des groupes familiaux chez les animaux réintroduits.

Les recommandations soucieuses d'un succès des opérations de réintroduction auraient dû amener les réintroducteurs ou introducteurs potentiels à ne pas faire d'opération en dessous d'un nombre de marmottes suffisant pour que, compte tenu d'une mortalité naturelle possible importante les premières années, des groupes puissent se reformer et hiberner dans de bonnes conditions de survie. L'analyse du nombre d'animaux par opération montre cependant que ce souci ne semble pas avoir été présent chez l'ensemble des réintroducteurs (voir tableau du nombre de marmottes par réintroduction en 212).

Ces remarques précisent le statut de la marmotte et permettent de mieux comprendre dans quelles conditions ont pu se passer les échanges de marmottes à réintroduire. La valeur accordée aux animaux était assez faible du fait à la fois de sa relative abondance, et de son statut d'animal gênant sur les zones de capture dont il fallait se débarrasser à moindre frais.

2.1.4. Interprétation des coûts de capture

2.1.4.1. Présentation

La quasi totalité des captures dont il a été possible de trouver une trace ont été motivées par des plaintes d'agriculteurs. Il s'agit des captures du PNV, des FDC 04 et 73 et du PNE représentant 85 % des captures dont il a été trouvé une trace, ou 83 % des estimations des captures (cf. tableau N° 5). Ces plaintes sont motivées par les différents dégâts que la présence du rongeur occasionne. Dubos C. mentionne des prélèvements et piétinements d'herbe sur près de fauche occasionnés par les marmottes, des creusements de galeries et terriers dans ces mêmes prés, des apports de cailloux entraînant des avaries du matériel de fauche. Ces différents dégâts peuvent entraîner l'abandon de certaines parcelles. Il est aussi signalé des dommages sur des bâtiments (Dubos C, 1993).

Ramousse et Le Berre mentionnent les mêmes dégâts et y ajoutent la gêne au travail agricole causée par l'accumulation de déblais terreux, le piétinement d'herbe non plus dû aux marmottes seulement mais aussi aux approches des touristes pour voir les marmottes, ainsi que des dégâts au paysage (érosion accélérée) sur certaines zones pentues et densément peuplées en marmottes (Ramousse et Le Berre, Rapport d'expertise, 1991).

Le rapport de C. Dubos fournit un certain nombre d'éléments sur les coûts de la présence de la marmotte sur une commune, interprétés comme une offre de marmottes de la part des agriculteurs. Une interprétation des coûts de capture conjointement aux coûts déjà mentionnés par C Dubos est proposée ici.

2.1.4.2. Analyse

Le schéma adopté consiste à considérer que la présence de la marmotte a des conséquences négatives sur la fonction de production des agriculteurs. Il s'inspire du mécanisme d'interprétation des dommages dus à la pollution. Face à une "pollution", les individus "pollués" ne restent pas inactifs. De la même façon, les agriculteurs tentent un certain nombre d'aménagements ou d'adaptations (par exemple épierrage des parcelles où s'installent les marmottes, bouchage des trous, élimination physique des animaux, etc.). Leur intervention auprès des organismes chargés de la régulation des animaux peut être rangée dans cette rubrique d'effort d'adaptation.

L'analyse économique précise que le pollué agit comme s'il recherchait un "optimum de pollution". En présence d'une pollution subie donnée, il cherche à réduire le dommage brut (celui qu'il devrait subir s'il ne s'adaptait pas). Il engage un certain nombre d'efforts pour se protéger de la pollution, moyennant des coûts de protection. La pollution se trouve réduite mais non éliminée. Il reste, en effet, un dommage résiduel qu'il vaut mieux supporter car son élimination entraînerait des dépenses plus importantes que les frais qu'il occasionne. "Le dommage (du pollué rationnel) est donc égal à la somme du coût d'adaptation et du dommage résiduel (pour un effort d'adaptation optimal, c'est-à-dire celui qui minimise cette somme)"(Combe, PM, doc. de travail, 1994).

Les différents coûts que supportent les agriculteurs du fait de la présence de marmotte dont l'évaluation monétaire a été faite sur la commune de Bonneval/Arc (DUBOS 1993) peuvent être rangés soit en coûts d'adaptation soit en dommages résiduels.

Tableau N° 11 : Interprétation des coûts et dommages subis par les agriculteurs

Description des dommages et des adaptations

Equivalent utilisé pour l'évaluation monétaire

Estimation monétaire

Interprétation

Prélèvement, piétinement d'herbe

Rachat d'herbe

50 000 F

Dommage résiduel

Dangers : terriers et galeries

Abandonner la fauche

67 000 F

Coût d'adaptation

Apports de cailloux sur prés de fauche

Casse sur matériel de fauche

10 000 F

Dommage résiduel

Dégâts sur bâtiments

Réparations

4 000 F

Dommage résiduel

L'intérêt d'une telle analyse est de permettre de rechercher systématiquement si, pour chaque effort d'adaptation, il n'existe pas un dommage résiduel qui n'a pas été mentionné. Les frais de réparation des chalets endommagés sont des coûts d'adaptation mais ils ne représentent peut être pas l'intégralité du dommage qui doit aussi prendre en compte les dommages résiduels (dommages constatés mais qui n'ont pas fait l'objet de réparation). Réciproquement, cette analyse conduit à se demander si, en face de chaque dommage résiduel il n'existe pas un coût d'adaptation qui aurait pu être mentionné. Dans le cas présent, face aux dommages occasionnés au matériel de fauche (coûts résiduels liés à la présence de marmottes) il faut peut-être estimer les coûts d'adaptation qui ont consisté à épierrer les champs.

Elle offre, de plus, un cadre d'analyse afin d'interpréter les coûts de capture de marmotte. Ils peuvent être, en première analyse, considérés comme des efforts adaptation consentis non pas par les agriculteurs mais par les organismes repreneurs sous la pression des agriculteurs.

Ces dépenses engagées par les organismes chargés de la gestion des espèces sauvages peuvent, en deuxième analyse, être considérées comme devant être ajoutées aux nuisances subies par les agriculteurs. Quel que soit le type d'élimination des animaux envisagés, et les personnes le prenant en charge, si un effort de réduction de rongeurs n'était pas fait, les dommages ne seraient que plus importants que ceux déjà constatés. Cependant, il ne semble pas que dans le cas étudié (Bonneval/Arc), l'intégralité des coûts de capture soient à considérer comme un coût d'adaptation.

En effet, il semblerait que la présence de marmottes sur, ou en proximité des champs cultivés ne pose problème que lorsqu'elle est générée par une démarche de protection de la nature. La création du PNV a soulevé la réprobation des agriculteurs qui semble être à l'origine des captures de marmotte. D'autres exemples reproduisent le même schéma : La création du PNE en 1979 est suivie assez vite de plaintes entraînant les captures de marmottes en 1988 sur le site de Prapic, la protection de la marmotte en Haute Ubaye entraîne des plaintes d'agriculteurs et des captures par la fédération des chasseurs des Alpes de Haute Provence. Il est par ailleurs intéressant de noter que peu d'agriculteurs pensent qu'une indemnité spéciale "dégâts de marmotte" soit la solution à leur problème (19 sur 46 soit 41 % ) (Dubos 1993).

Il semblerait par contre, d'après les personnes effectuant les captures, que celles-ci soient une réponse relativement adéquate aux problèmes des agriculteurs. Ce qui est cohérent avec l'hypothèse que les dégâts directs subis par les agriculteurs ne sont qu'une partie des dommages qu'ils subissent du fait de la présence de marmottes. Il faudrait y ajouter le fait que la présence de marmotte leur signifie qu'ils ne sont pas libres de gérer leur espace comme ils l'entendent, gestion qui leur a été enlevée lors de la création du parc. Dans ce contexte, proposer une indemnisation propre aux dégâts de marmottes ne fait que leur signifier une fois de plus que les marmottes ont le droit de s'installer sur leurs parcelles. Alors que des captures signifient plutôt l'inverse.

Un autre argument en faveur de cette hypothèse est que les personnes rencontrées effectuant les captures s'accordent sur le fait que leur efficacité sur la diminution des dégâts est plutôt relative. Les agriculteurs le savent bien puisqu'ils sont les premiers à subir les dégâts, mais indiquent cependant chaque année de nouveaux endroits où la marmotte doit être capturée. Ce ne serait donc pas que les dégâts qui seraient gênants.

Le conflit ne provient donc pas simplement d'un dégât constaté mais de vues différentes sur la gestion d'un espace. Cet espace était traditionnellement géré par les agriculteurs que l'on oblige, en raison de la création d'espaces protégés, à supporter la présence d'animaux indésirables dans leurs champs. Le montant des coûts de capture représenterait donc aussi une estimation des dommages psychologiques que subissent les agriculteurs du fait de l'existence d'une politique de protection de la nature. Il est d'ailleurs probable que cette estimation du dommage soit inférieure à la réalité. En effet, ce n'est que le retour de leurs droits sur les terres qu'ils exploitent qui pourrait éliminer l'intégralité du dommage psychologique.

La valeur mesurée ici serait peut-être une estimation (sous estimée) de la valeur que les agriculteurs attribuent au fait que l'on reconnaisse le droit de gérer les populations de marmottes, animaux gênants pour leur activité sur leurs parcelles.

De plus, en estimant les coûts de capture sur une commune, il est probable qu'il faille relativiser le montant trouvé. En effet, le montant affecté aux captures de marmottes dépendra de bien d'autres considérations que de la gravité des dégâts et préjudices subis par les agriculteurs. Il pourra dépendre entre autres du coût d'opportunité des agents affectés à la capture, du degré de mobilisation des agriculteurs, du degré d'écoute consenti par l'administration aux plaintes de ces derniers, et tout bonnement aussi des conditions météorologiques qui peuvent empêcher toute capture certaines années.

Un résumé de l'analyse qui est proposée est présenté dans le schéma suivant :

Graphique N° 1 Schématisation des efforts et dommages induits par la présence de marmottes

Activités gênantes des marmottes DE

EFFORT D'ADAPTATION

DOMMAGES RESIDUELS

Psychologiques

Physiques

Creusement de galeries

Rebouchage

 

Souhait de piégeage

Risque de

Remontée de cailloux

Epierrage des

Casse de matériel

Remontée de terre

 

Augmentation coût foin

Consommation d'herbe

 

Pertes de foin

Piétinement d'herbe

 

Pertes de foin

Endommage les bâtiments

Réparations, abandon

 

Les efforts de piégeage qui sont effectués par la collectivité (fédérations de chasse, parcs nationaux) ne couvrent qu'une partie des souhaits de piégeage des agriculteurs auxquels il est demandé de tolérer des animaux sur leurs parcelles. Ils subissent non seulement un certain nombre de dommages physiques qui peuvent être estimés à partir des efforts d'adaptation qu'ils consentent, mais ils ne peuvent réduire l'activité des animaux et se trouvent obligés de supporter de nombreux dommages résiduels. Lorsque ces derniers ont des manifestations physiques il est relativement aisé d'en faire une estimation. Par contre les dommages résiduels psychologiques (perte de droits sur leurs terres) sont bien difficiles à estimer.

2.1.4.3. Application numérique

Les exemples numériques traités seront uniquement relatifs à la commune de Bonneval qui a déjà servi d'exemple pour l'étude de C Dubos. Les données numériques ne pourront donc qu'être utilisées avec précaution sur d'autres cas.

Le détail des captures par commune est connu depuis 1973 en ce qui concerne le PNV (Le Berre et Ramousse, Rapport d'expertise, 1991). Il devrait nous permettre de calculer la contribution des captures effectuées sur Bonneval au total des captures effectuées par le PNV. Ce pourcentage sera appliqué à l'ensemble des captures (PNV et FDC 73) réalisées sur cette zone de Haute Maurienne.

D'après les données recueillies, la moyenne annuelle de capture aurait été de 74 marmottes par an par le PNV et de 64 par la FDC 73. D'après le rapport d'expertise de Le Berre et Ramousse, 78,7 % des captures du PNV seraient faites de 1973 à 1991 sur la commune de Bonneval. Si l'on considère que le même pourcentage peut être appliqué aux captures de la FDC 73 et que le coût de capture moyen considéré est celui calculé pour la FDC 73 (323 F/marmotte), l'estimation de l'effort total de capture sur la commune de Bonneval-sur-Arc s'élèverait à 35 000 F par an.

2.1.4.4. Discussion

La comparaison entre l'offre et la demande de marmottes sur un site n'est pas sans poser à la fois des difficultés de définition des deux termes et d'évaluation monétaire. Une des remarques qui peut être faite à partir du schéma proposé est qu'il est difficile de savoir quelle est la part des coûts de capture qui doit être considérée comme un dommage psychologique et la part qui relève plutôt des efforts d'adaptation.

Le mode de comparaison consiste à mettre en parallèle des offres (dommages résiduels et coûts d'adaptation) et des demandes (touristiques) qui se renouvellent chaque année. Les observations faites par les personnes qui se chargent des captures depuis de nombreuses années (Raso, com. pers. et Lambrech, com. pers.) amènent à conclure à une efficacité courte des captures sur la diminution de la population en un site donné. La venue de marmottes extérieures semble nécessiter au bout de quelques années souvent de nouvelles captures. Ces observations rejoignent les résultats d'une expérimentation menée aux États-Unis où les marmottes des plaines sont considérées par les agriculteurs comme des nuisibles. L'expérimentation menée sur 600 acres soit 2,43 hectares a montré qu'en réponse au prélèvement de 1040 individus sur 4 années il était observé une diminution des pertes par émigration, une augmentation du taux de naissance et du taux de survie des jeunes. De nombreuses techniques de contrôle des populations de marmottes sont utilisées aux États-Unis. Mais une recolonisation assez rapide des zones où les marmottes sont tirées, empoisonnées ou gazées semble souvent observée (Çhapman et al., 1982).

Il semblerait donc que l'on puisse considérer que l'offre de marmottes soit renouvelée régulièrement et que la comparaison entre l'offre et la demande de marmottes sur un pas de temps annuel soit justifiée.

L'offre de marmottes a été interprétée comme provenant de l'agriculture qui tolère l'animal. Cependant il faudrait peut-être aussi prendre en compte l'activité de protection du Parc National, dont une partie de l'effort de protection pourrait être considérée comme "produisant" des marmottes.