Citation : Bosio J-L. 1994. Aspects économiques des réintroductions de marmottes. D.E.A. , DAAE, Analyse et politique économiques, Économie rurale, spatiale, régionale, Dijon, 49 p.

2.2. L'échange de marmottes à réintroduire

2.2.1. Captures de marmottes pour la réintroduction

Une des questions qui reste en suspens au sujet des captures de marmotte est de savoir dans quelle mesure elles sont motivées par un désir de régulation de population ou par fournir des animaux à des réintroducteurs potentiels. Répondre à cette question devrait permettre d'interpréter plus finement non seulement les pratiques de capture plus ou moins respectueuses de la santé des animaux mais aussi les modalités de formation des prix des animaux à réintroduire.

2.2.1.1. Devenir des animaux capturés

Les marmottes capturées vivantes ne sont pas seulement intéressantes pour permettre des réintroductions. Elles sont demandées par des zoos, des parcs animaliers ou encore des organismes qui font de l'expérimentation sur les animaux.

Sur les 2 970 animaux dont il a été possible de retrouver une preuve de capture, 23 soit moins de 1 % auraient été destinés à des parcs (tels que des parcs zoologiques) et 125 soit 4 % auraient été destinés à des expérimentions médicales. Pour une très large majorité (95 %) les animaux capturés ont été destinés à des introductions, des réintroductions ou des renforcements de population selon les cas.

La revue des demandes de marmottes reçues par le PNV montrent qu'une très large majorité est constituée par des organismes qui souhaitent faire des transferts d'animaux. Il est possible d'affirmer que l'échange des marmottes capturées est largement dominé par les échanges à buts de réintroduction, introduction ou renforcement de populations.

2.2.1.2. Demandes de marmottes adressée au PNV et suites données à ces dernières

L'analyse de la correspondance du PNV concernant la marmotte a permis, pour un certain nombre d'années, de comparer le nombre de marmottes demandées au Parc avec le nombre de marmottes qui ont été fournies en définitive.

Tableau N° 12 : Confrontation du nombre de marmottes demandées au PNV et du nombre capturé

 

Nb de marmottes

demandées

Nb de marmottes

capturées

capturées/demandées

Période

1969 à 1979

696

275

40 %

1980 à 1987

670

294

44 %

1969 à 1987

1 366

569

42 %

Le Parc National de la Vanoise fournirait environ 40 % des marmottes qui lui sont demandées.

Deux raisons motivent une non fourniture de marmottes : soit la fourniture de marmotte est considérée comme contraire aux objectifs de protection de la nature du parc (demandes d'associations de chasseurs pour des territoires où aucune mesure de protection de la marmotte contre la chasse n'est prise) ce qui représenterait lié du nombre de marmottes demandées, soit les effectifs des populations de marmottes sur les zones de capture sont jugées trop faibles, l'année non favorable aux reprises, ou le personnel chargé des captures trop occupé ce qui représente 99 % des marmottes refusées.

Il est possible de considérer dans cette analyse que la demande de marmottes à réintroduire excède largement l'offre. Cette même remarque peut être faite concernant les captures effectuées par la Fédération des chasseurs de Savoie pour qui les demandes de marmottes ont toujours dépassé les captures réalisées ce qui a permis de sélectionner les réintroducteurs les plus sérieux (LIEGEON com. pers.).

La logique du PNV serait en première approche une logique de fourniture. Les captures qu'il effectue seraient au moins autant motivées par le désir de fournir des animaux à réintroduire que d'éliminer des animaux devenus gênants.

Il semble qu'il n'existe pas d'évolution significative du pourcentage de marmottes capturées par le PNV sur le nombre de marmottes qui lui sont demandées sur les deux périodes étudiées.

Néanmoins, il semblerait que depuis 1985 le PNV soit de moins en moins enclin à capturer des marmottes.

2.2.1.3. Nombre de marmottes demandées et fournies par la fédération des chasseurs des Alpes de Haute Provence

L'analyse des échanges de marmottes fournies par cet organisme se fera sur des indicateurs différents de ceux utilisés pour le PNV, d'autres données que l'échange de correspondance entre l'organisme repreneur et les organismes réintroducteurs ayant pu être collectées. Deux ensembles de réintroducteurs se fournissant auprès de cette fédération se distinguent. D'une part, les associations et sociétés de chasse du département peu actives dans la réintroduction et dont la demande est le plus souvent suscitée par la fédération (Raso, com. pers.) qui se charge du transport et du lâcher des animaux après les avoir capturés et ne facture pas ces services et d'autre part, des organismes qui sollicitent des marmottes, qui se chargeront du transport du lieu de capture au lieu de lâcher et qui prennent en général en charge une partie des frais de capture.

Le pourcentage de marmottes fournies aux autres organismes que les associations et sociétés de chasse du département, constitue un indicateur intéressant de l'importance des demandes. Le nombre de marmottes fournies à ces organismes peut être assimilé au nombre de marmones demandées du PNV. Le nombre de marmottes capturées sur le nombre d'animaux demandés peut être calculé à l'image de ce qui est fait pour le PNV.

Tableau n° 13 : Rythme de capture de la FDC 04 et destinations

Destination des captures

1982

1983

1984

195

1986

1987

1988

1989

1990

Total

ACCA et sociétés de chasse des Alpes de Hte Provence

63

42

17

22

 

25

44

14

 

227

Autres

38

25

54

36

 

35

58

142

20

408

Total

101

67

71

58

0

60

102

156

20

635

Ratio Hors 04/ total

38 %

37 %

76 %

62 %

 

58 %

57 %

91 %

0 %

64%

Capturées/demandées

265 %

373 %

131 %

161 %

 

171 %

176 %

110 %

100 %

 

La fédération des chasseurs des Alpes de Haute Provence semblerait avoir plus de difficultés que le PNV ou la fédération des chasseurs de Savoie pour trouver des organismes intéressés par ses marmottes. Les sollicitations d'organismes intéressés par des marmottes ne permettraient de placer que 64 % des marmottes capturées sur la période allant de 1982 à 1990, la fédération devant se charger de réintroduire elle-même les 36 % de marmottes restantes. Cette analyse semble confirmé par un courrier de la Direction Départementale de l'Agriculture des Alpes de Haute Provence qui sollicite en 1982 l'aide du PNV pour placer les marmottes qui seront capturées sur la commune de Larche.

Il semblerait que l'on assiste à une évolution vers des demandes plus importantes qui en 1989 couvre la quasi totalité des captures.

En résumé, il semblerait que la demande de marmottes pour la réintroduction soit plus importante que l'offre dans deux des trois cas étudiés d'organismes captureurs. Cette demande ne semble pas fléchir bien que de nombreux massifs soient maintenant pourvus et que les organismes effectuant les reprises aient quelques difficultés. En effet, les captures de marmottes sont arrêtées depuis 1990 sur les communes de Haute Ubaye en raison de la pression d'association d'amis des animaux. De plus, le Parc Naturel de la Vanoise et la fédération des chasseurs de Savoie ont à faire face à une baisse de disponibilité de leurs agents aux périodes favorables aux captures.

2.2.2. Mode d'échange des marmottes à réintroduire

L'échange de marmottes à réintroduire ne se fait pas selon les règles d'un marché régulé par un prix. Chaque organisme qui se charge des captures de marmottes fixe des règles d'obtention des animaux aux éventuels demandeurs.

2.2.2.1. Les différentes procédures d'attribution des marmottes

Envoi d'une demande :

Ne sont prises en compte que les demandes écrites sauf quand se posent des difficultés pour trouver un lieu d'accueil pour les marmottes capturées (cas des ACCA des Alpes de Haute Provence).

Filtration des demandes :

Les Parcs Nationaux (Ecrins et Vanoise) ne fournissent des marmottes que si la réintroduction envisagée n'est pas en contradiction avec leurs objectifs de "protection de la nature". Les marmottes doivent être protégées sur le lieu de réintroduction et la pertinence de la localisation est en général étudiée. Les fédérations de chasseurs de Savoie et des Alpes de Haute Provence opèrent un tri sur le sérieux des demandes, notamment sur la mise en place d'un minimum de protection des marmottes réintroduites.

2.2.2.2. Modalités de paiement des marmottes à réintroduire

Différentes formes de paiement des animaux ont été rencontrées selon les organismes. Afin de préciser à quoi correspondent ces paiements d'après les organismes consultés, il est proposé une décomposition du paiement des marmottes en différentes rubriques :

1. La valeur des marmottes qui correspond à la valeur qui pourrait être attribuée aux animaux sans lien avec leur coût de capture. Elle pourrait éventuellement être déduite du coût de "production" des marmottes = coût de protection + coûts d'adaptation des agriculteurs + dégâts résiduels des marmottes. Aucun organisme ne mentionne la prise en compte de cette valeur dans le paiement des marmottes.

2. Le coût de capture qui est l'équivalent du "coût d'extraction" de la ressource naturelle considérée et peut se décomposer en différents frais :

2.1 Salaire du personnel mobilisé pendant le temps des captures, sa prise en compte dépendra du coût d'opportunité du personnel au moment des captures,

2.2 Indemnités de déplacement et de séjour du personnel durant la période de capture,

2.3 Frais liés au déplacement du personnel sur les communes de piégeage en début de piégeage et entre les communes tout au long de la période de capture,

2.4 Frais de renouvellement du matériel de piégeage.

Ces différentes rubriques sont prises en charge, soit par l'organisme qui se charge des reprises, soit par l'organisme réintroducteur et constituent alors une facturation. En général un seul mode de paiement est mis en place par chaque organisme chargé des captures. Dans le cas de la fédération des chasseurs des Alpes de Haute Provence, le mode de paiement varie selon que les marmottes sont destinées à une ACCA du département, contactée par la fédération pour accueillir un lâcher de marmottes, ou d'un organisme extérieur ayant demandé des marmottes.

Dans le tableau qui suit sont mentionnés les pourcentages de prise en charge des différents types de frais par le "client" réintroducteur. Il est entendu que, si les dépenses ne sont pas prises en charge par le client elles le sont forcément par le fournisseur.

Tableau N° 14 : Niveau de prise en charge des frais et valeurs des marmottes à réintroduire par le réintroduceur

Rubriques

Parc National de la Vanoise

Fédération des chasseurs de Savoie

Parc National des Ecrins

Fédération des chasseurs des Alpes de Haute Provence

Type de "réintroducteurs"

Tous depuis 1986 au moins

Tous

Tous

Organisme demandeur

ACCA du département

1. Valeur animaux

0

0

0

0

0

2.1. Salaire personnel

100

0

0

0

0

2.2 Indemnités pers.

100

0

100

50

0

2.3 Déplacement pers.

0

0

100

0

0

2.4. Matériel piégeage

0

0

100

0

0

Aucun des organismes ne prend en compte dans sa facturation une valeur de l'animal fiée à son "coût de production". Seuls des coûts de capture sont considérés (coût d'extraction de la ressource). Les deux parcs nationaux factureraient depuis quelques années une bonne partie de leur coûts de capture, en lien semble-t-il avec une certaine augmentation du volume de travail de leur personnel au cours des périodes favorables aux captures. Par contre les deux fédérations de chasseurs adoptent une position différente. Celle de Savoie prend entièrement à sa charge les coûts de capture alors que celle des Alpes de Hautes Provence ne facture qu'à une partie de ses "clients" une fraction des frais liés au séjour de ses gardes sur la zone de capture.