GIBOULET Olivier
Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive, UMR 5558
Equipe de Socioécologie & Conservation
UCBLyon 1, Bat 403, 43 Bd du 11/11/1918 Villeurbanne 69622 Cedex
Résumé : La colonisation post-dispersion natale chez les espèces territoriales est une période difficile à étudier, et qui reste donc assez mal connue. La mise en place depuis 1996 dune étude sur la marmotte alpine, en Hte Maurienne, a permis dapporter quelques éléments dinformation pour cette espèce. Il est apparu que la dispersion affectait autant les mâles que les femelles. Les dispersants semblent coloniser préférentiellement des territoires voisins de leur site natal. Le coût de création dun territoire semble élevé, comme lavaient suggéré les études menées lors de réintroductions. Ce coût pourrait être en relation avec le risque de prédation élevé qui caractérise les périodes où les marmottes se retrouvent sans terriers, et des problèmes dallocations énergétiques limitées dus à la période dhibernation. Les dispersants sont donc conduit à choisir entre 4 stratégies : prendre de force un territoire occupé, coloniser un territoire vacant, créer un nouveau territoire, ou attendre une opportunité. La stratégie générale pourrait varier dune population à lautre en fonction des caractéristiques de celles-ci.
Mots clés : colonisation spatiale, dispersion, sélection de lhabitat, risque de prédation.
Abstract: Post-dispersion colonisation in territorial species is difficult to study, and though remain unknown. The beginning of an alpine marmots study in 1996 in the site of Aussois (Vanoise, France) allowed understanding some elements of this period in this species. The same proportion of males and females dispersed. Dispersals seemed to preferentially colonize natal neighbours groups. Territory creation cost was very heavy, as suggested by studies of reintroduction. This cost could be related to high predation risk characterising periods when marmots are without burrows and to limited energy allocation problems, due to hibernation period. Thus, four strategies were available to dispersal marmots: to force an occupied territory, to colonize a vacant territory, to create a new territory, or to wait for an opportunity. The general strategy could vary from one population to another, in relation with their characteristics.
Key words: spatial colonization, dispersion, habitat selection, predation risk.
Introduction
- coloniser un espace vierge,
- coloniser un territoire abandonné,
- acquérir la place dun dominant dans un territoire occupé,
- sinstaller provisoirement en périphérie dun territoire dans lattente dune opportunité, à une distance plus ou moins lointaine du site natal.
- échouer à sinstaller, cet échec se concluant par la mort de cet individu.
Néanmoins, plus la dispersion est rapide, plus les chances de succès sont élevées pour les émigrants. En effet, il est communément admis que ces derniers sont sujets à une mortalité élevée (Gaines & McClenaghan 1980). Cest dailleurs une des raisons pour lesquelles les études portant sur la dispersion et la colonisation en particulier sont rares et difficiles, car il est souvent impossible de faire la part des individus décédés de ceux qui se sont dispersés hors des sites étudiés.
Site d'étude et méthodes
Résultats
Tableau 1 : Description de la composition en groupes familiaux du site de Plan d'Amont
Partie haute : pelouse |
Partie basse : prairie |
Total |
|
Zone centrale |
10 |
6 |
16 |
Zone périphérique |
20 |
6 |
26 |
Total |
30 |
12 |
42 |
Tableau 2 : Evolution de la reproduction et de l'effectif moyen des groupes sur le site d'étude
1996 |
1997 |
1998 |
||
Reproduction (% groupes) |
Prairies |
0,25 |
0,27 |
0,3 |
Pelouses |
0,57 |
0,44 |
0,5 |
|
Effectif moyen |
Prairies |
1,6 |
2,5 |
2,7 |
Pelouses |
6 |
5,1 |
5,8 |
Tableau 3 : Nombre de marmottes émigrantes potentielles dans les groupes de la zone centrale du site de Plan d'Amont
1996 |
1997 |
1998 |
|
Groupes dénombrés |
11 |
17 |
23 |
2 ans |
4 mâles |
3 mâles, 4 femelles |
2 mâles, 5 femelles |
3ans |
1 mâle |
2 mâles, 1 femelle |
|
>3ans |
1 mâle |
1 mâle |
1 mâle |
Total |
6 |
11 |
8 |
Tableau 4 : Répartition des dispersants dans la population du site de Plan d'Amont, par classe d'âge, sexe et zone altitudinale.
Mâle |
Femelle |
Indéterminé | Total |
Dispersant/ha |
|||||
1 an |
2 ans |
Adulte |
1 an |
2 ans |
Adulte |
||||
Pelouses |
0 |
2 |
6 |
1 |
2 |
1 |
1 |
13 |
0,04 |
Prairies |
0 |
1 |
3 |
0 |
1 |
4 |
2 |
11 |
0,20 |
Total |
0 |
3 |
9 |
1 |
3 |
5 |
3 |
24 |
Tableau 5 : Distances de déplacement des dispersants dans la population de Plan d'Amont
Dispersant (sexe, N° transpondeur) |
|
Groupe colonisé |
Distance |
Mâle 19D785T |
Y |
PS |
410 m |
Mâle F5D769T |
R |
Y |
180 m |
Mâle 96E147T |
C |
TS1 |
660 m |
Mâle 266888T |
G |
J |
190 m |
Femelle 26686AT |
F |
J |
390 m |
Mâle F7AE6AT |
D |
X2 |
250 m |
Femelle 4B1191T |
T |
T |
90 m |
Les dispersants ont développé quatre types de stratégies durant la période de dispersion. On distingue :
- les dispersants intrusifs (conquérants), qui sinvestissent dans la destitution dun individu dominant pour prendre sa place à la tête du groupe (Stratégie 1),
- les dispersants colonisateurs, qui sengagent dans la création dun nouveau territoire (Stratégie 2),
- les dispersants opportunistes, qui saisissent une occasion doccuper un territoire libre (Stratégie 3),
- et les erratiques qui nont pas trouvé de place de résident, qui attendent en marge des groupes (satellites) ou au sein dun groupe (recrutement) (Stratégie 4).
Discussion
Une comparaison avec la situation dans les sites détudes de Tarentaise et des Ecrins serait intéressante. En effet, les caractéristiques de la population dAussois sont assez différentes de celles des sites de la Sasssière et de Prapic. Sur le site de haute Maurienne, les espaces disponibles pour linstallation de groupes de marmotte sont relativement courants. De plus il est aussi probable, daprès nos observations, que la zone inférieure du site (Prairie, Cembraie), offre régulièrement des territoires abandonnés aux dispersants. En effet, une mortalité plus élevée dans cette zone semble exister. Elle pourrait être causée par une mortalité hivernale plus élevée, liée à des hibernaculum de moins bonne qualité que dans la zone de pelouses, et/ou à une prédation plus forte (nombreuses observations dattaques de renard dans cette zone). La zone inférieure du site se comporterait alors au niveau populationnel comme un puits. À linverse la zone des pelouses semble produire des émigrants. Par ailleurs l'impact de la chasse dans cette zone semble aussi contribuer à l'apparition de groupes abandonnés au printemps.
- au niveau des opérations de reprises : nous avons vu que les dispersants sont à laffût de tous territoires abandonnés. La reprise de marmotte sur un territoire est donc " peine perdue " puisque, à court terme, dautres marmottes sy installeront et y engendreront les mêmes problèmes vis-à-vis des agriculteurs. Pour améliorer lefficacité des reprises il faudrait les accompagner dune diminution de lattractivité des territoires laissés vacants. Les expériences menées avec des répulsifs, ou les rebouchages des terriers ne se sont pas révélées concluantes (Cortot, comm. pers.), et il semblerait que seul le rétablissement dun dérangement permanent puisse être efficace (activité humaine agricole, pastorale....). Il paraîtrait aussi judicieux de procéder aux reprises après la période printanière de dispersion des mâles, qui semblent être les premiers responsables de la colonisation, ce qui éviterait quils colonisent tout de suite les territoires rendus vacants par les reprises.
- au niveau des lâchés : pour faciliter la fixation des marmottes relâchées et donc améliorer lefficacité des réintroductions, il est important de choisir des sites de lâchés présentant des abris naturels (éboulis, falaises, failles, ....). En effet, comme nous lavons vu, ces abris permettent aux marmottes de sabriter sans avoir à dépenser de lénergie pour construire des terriers. Les économies ainsi réalisées favorisent leur survie durant lannée du lâché. Dautre part il faut aussi attacher de limportance à la composition des groupes relâchés, puisque des études récentes ont montré chez les marmottes, le rôle important de la coopération dans lélevage des jeunes, et leur survie hivernale (Blumstein & Armitage 1999).
Bibliographie
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