5ème Journée d'Étude sur la Marmotte Alpine, Ramousse R. & Le Berre M. eds. : .
ISBN : 2-9509900-4-5

La marmotte (Marmota marmota) en principauté d'Andorre. Données démographiques et sanitaires.


L. Riba*, J. Tena**
* Faculté de Médecine Vétérinaire de l’Université de Zaragoza, Espagne,
mèl: [email protected]
** Hospital Veterinari les Valls, Andorra la Vella, Principat d’Andorra,
mèl: [email protected]

Travaux financés par : Ministeri d’Agricultura i Medi Ambient, Govern d’Andorra.

Résumé : L'étude de la marmotte alpine, apparue en 1980 dans la principauté d'Andorre (Pyrénées orientales), n' été entreprise qu'en 1997 à la demande du gouvernement d'Andorre. Ces marmottes ont émigé de Cerdagne (Catalogne). La taille des groupes familiaux est de 4,8 ± 1,7 individus. La densité des marmottes (1,4 individu/ha) est comparable à celle observée dans les Pyrénées occidentales mais inférieure à celle des Pyrénées centrales. Les premiers examens coproscopiques ont mis en évidence la présence de deux coccidies du genre Eimeria, spécifiques du genre Marmota, absentes des Pyrénées avant l'introduction de la marmotte. Le suivi de cette population devrait permettre d'utiliser la marmotte comme bio-indicateur des écosystèmes de haute montagne.
Mots clés : Marmota marmota, marmotte alpine, démographie, état sanitaire, Principauté d'Andorre, Pyrénées orientales.

Abstract: Alpine marmot in the Principality of Andorra. Demographic and sanitary status.

The study of the alpine marmot, introduced in the princiality of Andorra (Eastern Pyrenees) in 1980, started in 1997 at the request of the Andorran Government. The first emigrant marmots came from Cerdagne (Catalonia). Group family size was 4.8 ± 1.7 individuals. Marmot density, 1.4 individual/ha, was similar to density oberved in Western Pyrenees, but lower than density in Central Pyenees. Two coccids of the Emeria genera, specific of the Marmota genera, but previously absent in Pyrenees, were found through coproscopic analysis. The survey of this marmot population will allow to use marmots as bio-indicator of High mountain ecosystems.
Key words: Marmota marmota, Alpine marmot, demography, sanitary status, Principality of Andorra, Western Pyrenees.

 

Introduction

Situées au cœur des Pyrénées, les montagnes andorranes, ses bergers et promeneurs étaient habitués à la présence de l’isard (Rupicapra pyrenaica pyrenaica), du lagopède Alpin (Lagopus mutus), du renard (Vulpes vulpes) et de l’aigle royal (Aquila chrysaetos) entre autres. Ce n’est qu’au début des années 80 qu’on a commencé à entendre de curieux sifflements et à voir détaler de drôles d’animaux inconnus pour beaucoup de gens. La marmotte était arrivée.

Peu à peu, elle a suscité la curiosité des randonneurs, des chasseurs et des naturalistes. Ce n’est qu’en 1997, que débutent les premières études sur l’espèce, financées par le Gouvernement d’Andorre. Le premier travail consistait en une cartographie générale de la présence et la distribution de la marmotte, permettant d’estimer le nombre de colonies présentes et les caractéristiques d’habitat choisies.

Afin de continuer dans cette ligne de travail, commence en été 1999 un projet un peu plus ambitieux, ayant pour but l’étude de l’état sanitaire de l’espèce. Les principaux objectifs de ce projet seront détaillés ici, incluant également la méthodologie et les résultats préliminaires.

Objectifs 

Le travail que nous résumons ici a essayé de répondre aux objectifs suivants :

Matériel et méthodes 

La synthèse des connaissances sur l’espèce dans les Pyrénées, tant au niveau démographique que sanitaire s’est faite grâce à un étude bibliographique rétrospective et des entrevues à des personnes ayant travaillé sur les marmottes (gestionnaires, biologistes, gardes-chasse).

Pour arriver à obtenir des données de structure de population, productivité, etc…, il a fallu réaliser des dénombrements sur diverses colonies. La méthode choisie a été une variation du "scan-sampling" (Cortot et al. 1996 ; Grimod et al. 1991).Les dénombrements se sont faits fin juin et débutaient 3 à 4 heures avant le coucher du soleil. Ils consistaient en des séries d’observations (grâce à un matériel optique suffisant et à distance des animaux) de 15 minutes, alternées avec des repos de 15 minutes. Ceci était répété pendant trois jours et toutes les observations étaient reportées sur un calque disposé sur une photo de la zone étudiée. La totalité des données ainsi recueillies après application de la formule de Robson et Withlock (dans Grimod et al. 1991) permet d’obtenir une estimation du nombre d’individus formant la colonie (adultes et jeunes), de connaître le nombre de groupes familiaux et de savoir quelles sont les zones les plus fréquentées. La répétition des dénombrements en août permet d’estimer le nombre de jeunes de l’année présents dans la colonie et d’arriver à calculer les paramètres de productivité. Les dénombrements couvraient uniquement la zone étudiée l’année 1997 (Figure 1).

Une fois la description des colonies terminée, la partie relative à l’état sanitaire des animaux devenait abordable.

Quant aux captures, il a fallu se décider pour une méthode parmi la multitude de possibilités présentes. Deux modèles de cages ont été utilisés : un modèle connu comme "cages à pie", circulaire et permettant plusieurs captures à la fois ; et un modèle type "Tomahawk" parallélépipédique et à porte basculante. La manipulation des animaux capturés n'est réalisé qu’une fois l’animal endormi grâce à l’essai de divers mélanges anesthésiques (Ketamine-Midazolam, Ketamine seule, Midazolam seul). Les constantes physiologiques de l’animal pendant les manipulations ont été contrôlées pour éviter n’importe quel accident dû à l’état de narcose. Le protocole de piégeage utilisé devait garantir un dérangement minimum de l’animal et permettre un temps de manipulation d’environ 30 minutes, temps jugé nécessaire à l’examen des animaux et à l’échantillonnage. Les produits chimiques utilisés devaient de plus offrir une bonne récupération et n’avoir aucun effet secondaire.

Figure 1 : Zone étudiée durant les étés 1997 et 1999.

Chaque animal a subi un examen physique complet, avec exploration du pelage, des différents systèmes organiques et après recueil des données de base (sexe, âge, poids, mesures, ...), ainsi que d'une prise de sang, d'un frottis auriculaire et d'un échantillon de fèces. L’identification de l’individu s’est faite par dépilation et a permis de suivre son évolution les jours suivant la capture.

Les échantillons de sang ont été utilisés d’une part pour réaliser des frottis à la recherche de parasitoses hématiques et d’autre part pour obtenir le sérum qui était soumis à un test de détection d’anticorps face a Toxoplasma gondii (Stewart et al. 1995) réalisé par Immuno Fluorescence Directe (IFD) par un laboratoire de pédiatrie humaine, permettant ainsi de travailler avec des volumes sanguins très faibles (de l’ordre de quelques microlitres). Les frottis auriculaires ont été examinés au microscope optique et les fèces ont été étudiées par coproscopie par flottaison (ZnSO4 à 33 %) à la recherche de parasites gastro-intestinaux ou broncho-pulmonaires.

Résultats 

La synthèse bibliographique a permis d’estimer l’arrivée de l’espèce en Principauté au cours de l'année 1980. Un essai de renforcement de la population, durant l’année 1990, à partir d’animaux provenant de France n'a donné aucun résultat. Les premières marmottes arrivées proviendraient des populations existantes en Catalogne (Cerdagne).

Les dénombrements réalisés permettent d’établir une structure sociale de base. Une colonie de marmottes, en Andorre, est constituée en moyenne de 19,5 individus organisés en groupes familiaux (quatre familles par colonie dans le 95 % des cas). Chaque famille compte 4,87 individus (Ecart Type= 1,72) et les densités moyennes sont de 1,4 marmottes/hectare.

Dans le domaine de la reproduction, on constate la présence de jeunes de l’année dans le 60 % des groupes familiaux avec des valeurs proches de 0,6 jeunes / femelle reproductrice / an.

Les colonies de marmottes se distribuent dans l'étage altitudinal allant de 1660 m à 2750 m.

Dans la zone d’étude, le front de progression de l’espèce suit une direction Sud-Est à Nord-Ouest et a atteint les limites entre forêt et prairie alpine.

La totalité des examens cliniques, échantillonnages et analyses n’a pu être réalisé que sur quatre animaux à cause de problèmes liés essentiellement à l’immobilisation chimique.

Les mélanges de composés anesthésiques utilisés (Kétamine-Midazolam essentiellement) aux doses recommandées ont donné des résultats plutôt déficients. En effet, les animaux n’atteignent pas un état de sédation suffisant et les délais d’attente sont trop importants. Nous avons obtenu de bons résultats en utilisant de la Ketamine seule (Imalgène 1000 ) en injection unique par voie intramusculaire à des doses de 35 mg / Kg, nous permettant des temps de manipulation d’environ 30-35 minutes et des réveils dans de bonnes conditions. Nous n’avons pas observé d’effets secondaires indésirables en utilisant ce produit.

Les examens cliniques ont permis d’observer la présence d’acariens dans le conduit auditif (identification en cours).Les frottis sanguins quant à eux ont tous été négatifs face aux parasitoses hématiques. Eimeria marmotae et Eimeria arctomysi ont été mis en évidence par les examens coprologiques. Ces deux coccidies avaient été citées dans les Pyrénées uniquement par Gortázar et al. (1992). Deux échantillons étaient porteurs d’œufs de Strongyles et l'un d’eux était également porteur d’un œuf de Capillaria sp. La méthode ne permettait pas la détection de cestodes, parasites souvent décrits chez la marmotte (Sabatier 1989, Gortázar et al. 1996).

Les prises de sang n’ont permis l’obtention que d’un seul sérum. L’épreuve par IFD contre les antigènes de Toxoplasma gondii a donné un résultat négatif, ne montrant aucune réponse même à de basses dilutions.

Discussion et conclusions 

Les résultats obtenus par les dénombrements apportent des données de structure sociale qui sont assez similaires à celles obtenues par d’autres auteurs dans les Pyrénées (Herrero et al. 1992). Les valeurs de productivité sont cependant plus faibles que celles qui sont obtenues dans la partie sud occidentale des Pyrénées (Herrero et al. 1999). Quant aux densités, nous obtenons des valeurs (1,4 marmottes / ha) inférieures à celles qui sont obtenues dans les Pyrénées sud orientales et centrales : 3,5 marmottes / ha, (Herrero J. et al. 1994) et 3,6 marmottes / ha (Herrero et al. 1992) respectivement. Dans les Pyrénées Sud Occidentales, limite occidentale de distribution de l’espèce, les valeurs de densité sont similaires (1,26 marmottes / ha ; Herrero et al. 1999) à celles qui sont obtenues en Andorre.

Ces données suggèrent qu’en Andorre, la marmotte peut avoir atteint la capacité d’accueil du territoire et que la densité n’augmentera pas, ou que l’espèce est encore en phase d’extension et dans ce cas, nous devrions observer une augmentation de la densité dans les prochaines années.

Les examens coproscopiques ont mis en évidence la présence de deux coccidies du genre Eimeria introduits dans les Pyrénées avec la marmotte. Ces deux parasites sont spécifiques du genre Marmota (Sabatier 1989) et en principe très faiblement pathogènes. Cependant, la possibilité d’existence d’hôtes différents de la marmotte (autres rongeurs, par exemple) n’est pas négligeable. La spécificité de ces deux agents pour la marmotte présente un intérêt appliqué pour le suivi des populations au travers d’un indicateur population-environnement comme le taux de parasitisme intestinal. Cette hypothèse n’a pas été travaillée chez la marmotte, ayant pour l’instant une utilité dans le cadre du suivi de populations d’ongulés uniquement (ONC 1999).

La séronégativité contre Toxoplasma gondii détectée chez un seul animal ne permet pas de conclure sur la fréquence de séropositivité dans la population étudiée. Néanmoins, nous disposons maintenant d’une méthode de piégeage, d’échantillonnage et d’analyse adaptée à l’espèce; nous permettant de réunir le volume suffisant d’échantillons pour arriver au calcul de cette fréquence, à partir de laquelle sera calculée la prévalence dans la population. L’application de ces données immuno-sérologiques, outre le fait de conclure sur l’état sanitaire des animaux, est similaire à celle du taux de parasitisme, c'est-à-dire, déterminer la relation entre les marmottes et leur milieu, grâce à la quantité d’anticorps produits face à un agent fréquent et peu pathogène (Moller et al. 1998).

Bien évidemment, il ne s’agit là que d’hypothèses qui demandent à être vérifiées. Nous espérons pouvoir continuer ce type d'étude afin d’arriver à étudier les possibilités, décrites par d’autres auteurs, qu’offre la marmotte en tant que bio-indicateur des écosystèmes de haute montagne.

 

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