In Biodiversité chez les marmottes/Biodiversity in marmots,
Le Berre M., Ramousse R. & Le Guelte L. eds., International Marmot Network, 233-234.
ISBN 2-9509900-0-2


Effets de la pression anthropique sur le comportement alimentaire de la marmotte alpine

Hiking impact on feeding behaviour in Alpine Marmot

GIBAULT C, RAMOUSSE R. & LE BERRE M.
Laboratoire de Socioécologie, Bât. 403, UCBL I, 43, Bd du 11 Novembre 1918 - 69622 VILLEURBANNE cedex, FRANCE

L'affouragement chez la marmotte alpine, vital pour assurer l'accumulation des réserves lipidiques en vue de l'hibernation, pourrait être affecté par une forte présence de randonneurs. Le régime alimentaire (analyse des fèces), le rythme d'activité, la vigilance et la tolérance à l'homme ont été quantifiés pendant trois mois dans différentes conditions de présence humaine. Une forte présence semble induire une augmentation de la vigilance des marmottes et une diminution de leur sélectivité alimentaire, conséquences de leur difficulté à exploiter l'ensemble de leur domaine vital. Ces effets négatifs sur la survie des marmottes pourraient être équilibrés par une augmentation de leur tolérance à la présence humaine.
Mots clés : Marmotte alpine, Marmota marmota, affouragement, régime alimentaire, vigilance, distance de fuite, pression anthropique, protection.

Foraging in Alpine marmot, vital in order to insure fat accumulation for winter period, could possibly be affected by an increasing hiking pressure. Foraging under different human pressure was observed during three months. Marmot diet (micrographic technique for faecal analysis), activity rhythm, vigilance and tolerance to human presence were quantified. A high anthropic pressure seems to induce a qualitative and quantitative fall of diet through an increase of vigilance and a decrease of diet selectivity due to the difficulty of exploiting their whole home range. These negative effects on marmot survival could be balanced by an increased tolerance to human presence.
Key words: Alpine marmot, Marmota marmota, foraging, diet, vigilance, flight distance, conservation


Le développement du tourisme estival, particu-lièrement de la randonnée pédestre, entraîne une aug-mentation de la pression anthropique dans les prairies alpines. Les randonneurs, surtout lorsqu'ils traversent le territoire des marmottes, modifient le comportement des marmottes : interruption et raccourcissement des phases d'alimentation (Chovancova & Solteva 1988) et dimi-nution des distances de fuite (Neuhaus et al. 1992). Nous avons comparé l'impact de différentes pressions anthropiques sur le comportement et le régime alimen-taire de deux groupes familiaux de marmottes alpines.

MÉTHODES D'ÉTUDE

L'étude réalisée en 1993/94 dans la Réserve de la Sassière (45deg. 30' N ; 7deg. E), porte sur 2 groupes fami-liaux de marmotte, installés en fond de vallée (altitude 2 300 m). Le territoire du groupe A (6 individus, adultes ou subadultes), longé par un chemin et traversé par un sentier, est fortement fréquenté par les promeneurs alors que le territoire du groupe B (10 individus, dont 4 marmottons), éloigné du chemin, l'est rarement. Observations et récoltes d'échantillons se répartissent sur trois périodes (août, septembre 1993 et mai 1994).

Le régime alimentaire des deux groupes a été précisé par l'analyse micrographique des fèces. Le rythme d'alimentation a été apprécié par échantillon-nage instantané tout au long de la journée, la vigilance (relevés de tête au cours de la prise alimentaire) et la tolérance à la présence humaine (distance de fuite et temps de réapparition hors du terrier après dérange-ment) par échantillonnage individuel focalisé.

RÉSULTATS

Le nombre moyen de randonneurs par jour est maximum au mois d'août pour les deux groupes, mais très significativement supérieur dans le groupe A.

Le nombre de marmottes visibles et s'alimentant est toujours supérieur en A, tout au long de l'année, et pour ce groupe, maximum au mois de septembre. Dans ce groupe A, la surveillance au cours de l'alimentation est toujours plus importante et les animaux s'éloignent moins des terriers au cours de l'affouragement que dans le groupe B. Par contre la distance de fuite et le temps de réapparition après une fuite est significativement plus faible en A qu'en B.

La végétation est plus diversifiée dans le domaine vital de A que dans celui de B (Graminoïdes : 14 espèces contre 7 et Dicotylédones : 59 espèces contre 48). Les graminoïdes sont toujours plus abondantes que les Dicotylédones. Cependant, les proportions des prin-cipales espèces consommées par les marmottes aux espèces présentes sont très comparables. Les marmottes des deux groupes consomment généralement plus de Dicotylédones (particulièrement les parties florales). Elles en sélectionnent un petit nombre d'espèces (8 espèces représentant 38% du régime alimentaire du groupe A et 5 espèces soit 70% de celui du groupe B). Mais les marmottes du groupe A montrent un forte décroissance de cette sélectivité en août et expriment de plus un comportement d'affouragement original en septembre : elles consomment les plantes poussant sous les pierres après avoir retournées ses dernières.

DISCUSSION

Face à une importante pression de randonneurs, une modification des rythmes d'activité et d'alimenta-tion des marmottes s'observent, ainsi qu'une limitation de leur déplacement au sein de leur domaine vital. Ces contraintes entraînent une diminution de la sélectivité pour les Dicotylédones, spécialement pour les Fabacées. Or, d'une part, les Dicotylédones sont plus riches en nutriments que les Poacées (Carey 1985), d'autre part le contenu en protéine et en eau de ces dernières décroît avec leur maturation, ainsi que leur digestibilité (Frase & Armitage 1989). Enfin les Dicotylédones sélection-nées sont généralement distantes des terriers et ont un faible taux de couverture dans les prairies (Ramousse et al. 1993). Aussi une baisse de la consommation de Dicotylédones pourrait induire une chute de la qualité du régime alimentaire des marmottes et affecter leur survie hivernale. Mais ces contraintes pourraient être équilibrées par la plasticité comportementale observée.

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Wilderness of Alpine meadows is decreasing with increasing summer tourism, particularly hiking. Hikers, especially when they cross the territory of marmots, disturb their behaviour: interruption and shortening of foraging phases (Chovancova & Solteva 1988) and shortening of flight distance (Neuhaus et al. 1992). We compared the impact of different hiking pressure on foraging behaviour and diet in two family groups of alpine marmots.

MATERIAL AND METHODS

Two family groups of marmots were studied during 1993/1994 in the bottom of the valley (2300 meters elevation) of the Natural Reserve of La Grande Sassière (45deg. 30' N; 7deg. E). The territory of the group A (2.1 ha; six adults and subadults), limited on one side by a main path and crossed by small foot path, is highly frequented by hikers. On the contrary, the territory of the second group B (1.8 ha; six adults and subadults and four offspring) far of the main path is rarely frequented by hikers.

In each group, observations and sample harvest were realised in August and September 1993 and in May 1994. Diet was described and quantified using the micrographic technique of faecal analysis. Activity rhythm has been assessed by scan sampling. Vigilance (look-ups while feeding) and tolerance to human presence (flight distance, and time spent in the burrow after being disturbed) had been quantified by focal animal sampling.

RESULTS

The mean number of hikers per day was maximum during August in the two family groups but was significatively higher in group A. A decrease of feeding activity coincided with daily hiker rush hours.

The number of apparent and foraging marmots was always higher in A, all year long, with a maximum in September. In this group, vigilance during foraging was also higher and animals stayed closer of burrows when foraging than in group B. On the contrary, flight distance and time spent in burrows after disturbance were smaller in A than in B.

Plants were more diversified in the A home range than in the B one (14 graminoid species against 7 and 59 forb species against 48). In the two home ran-ges, graminoids were the most abundant. But, ratios of eaten plant species by marmots to present species were comparable. Marmots ate preferentially forbs, espe-cially flowers and selected a few number of forb species (8 species represented 38% of the diet of A group and 5 species 70% in group B). But in A, forbs selectivity decreased strongly in August and marmots had an original foraging behaviour in September; they turned over stones and fed on plants growing under them.

DISCUSSION

Under a strong hiker pressure, activity and foraging rhythms of marmots changed, and a decrease of movements within their home range was observed. These constraints induced a decrease of forb selectivity, especially for Fabacae. But, on the one hand, forbs have richer nutriments than graminoids (Carey 1985) and on the other hand, protein and water contents of graminoids decrease with their maturation, as well as their digestibility (Frase & Armitage 1989). Finally, selected forbs species are generally aloof from burrows and a small ratio cover in meadows (Ramousse et al. 1993). Anthropic pressure seems to induce a qualitative and quantitative fall of diet through an increase of vigilance and a decrease of diet selectivity due to the difficulty to exploit their whole home range. These negative effects on marmot survival could be balanced by the increased tolerance to human presence.

BIBLIOGRAPHIE / REFERENCES

CAREY H.V. 1985. Nutritional ecology of yellow-bellied marmots in the white mountains of California. Holarc. Ecol., 8: 259-264.
CHOVANCOVA B. & SOLTEVA A. 1988. Troficka zakladna a potravova aktivita svista vrchovského Tatranského (Marmota marmota latirostris Kratochvil 1961). Zb. Pr. Tatranskom nar. Parku, 28: 71-135.
FRASE B.A. & ARMITAGE K.B. 1989. Yellow-bellied marmots are generalist herbivores. Ethol. Ecol. Evol,. 1: 353-366.
NEUHAUS P., MAININI B. & INGOLD P. 1992. Human impact on marmot behaviour. In Proc. 1st Intern. Symp. on Alpine Marmot, Bassano B., Durio P., Gallo Orsi U. & Macchi E., eds., 165-170.
RAMOUSSE R., M. LE BERRE & S. MASSEMIN 1993b. Selective foraging of alpine marmots in alpine meadows. Abstr. Sixth Intern. Theriological Cong., ed. M.L. Augee, 250-251.

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