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Les Betsimisaraka, une société fortement structurée

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La société Betsimisaraka est traditionnellement hiérarchisée par l'âge et le rang de naissance parmi les lignées germaines, mais aussi selon les
fehitra (unité de descendance portant un anarañ (Mangalaza E., 1988 ; Domenichini J.P., 1992). L'autorité à Mananara, comme partout ailleurs, est bipolaire: d'un côté, les agents du fanjakana, et de l'autre, les tangalamena. Ces derniers, très respectés, sont des interlocuteurs incontournables pour toute activité nécessitant l'adhésion des villageois.

La vie spirituelle des villageois est, comme celle de tous les malgaches, fondée sur la croyance au (iaña) après la mort physique. Cela se manifeste par des rites, des lieux de culte ou des individus qui font le lien entre le monde des vivants et celui des ancêtres.

La communication avec l'esprit des morts oblige à respecter des fady, qui conditionnent une bonne partie de la vie à Mananara.

Les tabous ou fady

Les fady jouent un rôle important dans la vie quotidienne des villageois. Les plus fréquents sont ceux qui touchent à des interdits alimentaires ( p.ex : Indri-Indri, chèvre, omby bory, porc, poulet...). D'autres, plus spécifiques, tels que l'interdiction d'entreprendre des travaux relatifs à la culture du riz le mardi, le jeudi et/ou le dimanche ou bien celle de travailler la terre avec un outil métallique un certain jour de la semaine ont des conséquences directes sur la pratique et le calendrier des travaux culturaux.

La connaissance de ces interdits est primordiale lorsque l'on veut introduire des innovations, car ils peuvent parfois constituer des verrous qu'il convient alors de contourner pour atteindre le but fixé.

L'entraide collective

Pour les travaux quotidiens, la main d'oeuvre est essentiellement familiale. Cependant, il existe un système traditionnel de travaux collectifs qui permettent au paysan Betsimisaraka de surmonter les périodes de pointe (Rabetaliana H.,1989). Suivant leurs nature et leur importance, l'exploitant fait appel soit à un petit groupe, soit à l'ensemble du village ou à d'autres villages lorsque qu'il s'agit de gros travaux. Les services rendus, réciproques ou non sont rémunérés en nature : boisson et / ou nourriture pendant la durée du travail.

Cette tradition d'entraide est un atout indiscutable lorsque l'on applique une approche participative et nous avons largement bénéficié de la prédisposition de la population aux travaux collectifs dans le cadre de nos actions.

Les rites mortuaires

Aller enterrer le mort signifiait et signifie encore "aller jeter ce qui est inutile" (hañary). La préoccupation majeure lors d'un décès est de porter les dépouilles mortelles avec diligence au "domicile" définitif dans la grotte caveau familial. Les tombeaux sont plus au moins éloignés du village dans un lambeau de forêt primaire et sont des lieux sacrés.
Nosy Antafana, un des îlots Parc National Marin était un lieu de sépulture à une époque lointaine mais qui a été abandonné depuis longtemps.

La forêt, un lieu plein de mystères

Selon la croyance Betsimisaraka, la forêt est la résidence de tsiny et de kalanôro et c'est là que s'opère par exemple, la métamorphose de la mort. On ne s'y aventure jamais sans précaution, c'est-à-dire sans se munir d'un couteau ou encore sans se faire accompagner par son chien (Mangalaza et al.,1989). La forêt n'est qu'un lieu de passage, pour aller d'un village à un autre, ou un site pour la culture saisonnière du riz et encore un lieu de récolte des plantes médicinales ou d'autres espèces utiles. Elle est plutôt un lieu de danger par opposition au village qui est un lieu de détente, de consommation et de repos. Dans un tel contexte on peut donc penser que la pratique du tavy est fondamentalement plus une tradition culturelle qu'un véritable mode de production (Rabe C, 1990).
Cependant, l'évolution des mentalités mais aussi l'installation de migrants et les difficultés économiques font que la forêt perd son aspect "sacré" et est beaucoup plus facilement pénétrée qu'autrefois.

L'Homme et la Femme, une répartition équilibrée des rôles

Dans la tradition Betsimisaraka, encore très vivace en milieu rural, il y a une différenciation entre hommes et femmes au niveau de la fonction et la répartition des tâches aussi bien au niveau de la société que du foyer (Mangalaza E., 1988). Le rôle de la femme n'est absolument pas négligeable et elle est un élément sur lequel il faut s'appuyer.
Si pour la communauté, l'homme est le chef et le représentant de la famille, la femme a un rôle important au sein de son foyer. Bien que l'homme décide au niveau supérieur (village), il prend toujours en compte les conseils et les avis de sa femme. Celle-ci en tant que maîtresse de maison, assure tous les travaux domestiques: ménage, repas, éducation des enfants, petits achats et petites activités d'appoint. C'est elle qui tient le budget et la clé de la caisse du ménage. Pour l'homme le foyer est surtout un lieu de repos, pour la femme c'est aussi un lieu de travail.
C'est la femme qui gère le stock dans le grenier du ménage, et ainsi c'est souvent elle qui pousse son mari à faire le tavy dans le but d'assurer l'autosuffisance en riz pour sa famille.

Un TAVY après défrichement et brûlis. En avant plan, la végétation modifiée ou SAVOKA.

L'homme, bien sûr, se consacre plutôt aux travaux durs nécessitant des efforts physiques. Ainsi les travaux de labour, le bûcheronnage, la forge, la construction et l'entretien des cases et des pirogues, la pêche en mer constituent des activités typiquement masculines. Dans le commerce, ils acheminent et assurent la vente des produits de forge, celle des zébus, des produits forestiers et la boucherie.
La répartition des tâches entre l'homme et la femme dans les travaux agricoles est très bien définie (voir tableau ci-dessous).Elle contribue spécifiquement au petit élevage (poules, canards...), à la pêche en eau douce et surtout à l'artisanat (paniers, nattes, ..) dont elle écoule les produits au marché ainsi que les produits maraîchers, les fruits et le riz.

La répartition des tâches, pour les cultures agricoles principales, entre l'homme et la femme à Mananara
Culture Homme Femme Ensemble
Riz pluvial Défrichement et transport Séchage et décorticage Semis, nettoyage et récolte
Riz irrigué Piétinage, labour et transport Repiquage, séchage et décorticage Semis, sarclage, récolte
Maraîchage Labour et transport Semis, sarclage, récolte et vente  
Girofle Plantation et entretien   Récolte, griffage, séchage et vente
Vanille Plantation et entretien Fécondation Préparation et vente
Café Plantation et entretien   Récolte, séchage et vente

Le partage équitable des biens du ménage;

Tous les biens obtenus par héritage ou la dot restent à la personne en question, homme ou femme. La femme suit son mari après le mariage et tous les biens obtenus par le couple appartiennent à chacun sans distinction de sexe. En cas de divorce, ils sont partagés en parts égales, entre l'homme et la femme (contrairement à la coutume des Hauts Plateaux où souvent seulement 1/3 revient à la femme).
La répartition équitable des biens fait que chaque membre du couple se sent entièrement concerné pour tout ce qui touche à son capital ou au patrimoine à léguer à sa descendance.